Chapitre 26 - Sous les masques...

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Dimanche 20 Octobre 1996 :

Les nerfs à vif et trop exténuée pour contrôler ma réaction, je repoussai violemment le bras qui s'était approché de moi et fis volte-face, baguette brandie en direction de l'étranger. Mon cœur se mit à bondir sauvagement dans ma poitrine et mon mouvement avait été si rapide que le sol tangua un moment sous mes pieds. Lorsqu'enfin ma vue redevint stable, je découvris avec hébétement l'identité de la personne - ou plutôt des personnes - qui se tenait en face de moi. Je clignai plusieurs fois des paupières, afin de m'assurer que mes yeux et mon esprit embrumé ne me jouaient pas des tours. À quelques mètres de moi, se déployait une dizaine d'individus - sorciers, à la vue des baguettes que chacun avait dans sa main - tous dissimulés dans des tenues sombres et amples, ainsi que par des masques opaques représentant des visages stylisés. Le même type de visage que j'avais vu sur les affiches. Le même masque que j'avais trouvé dans la friche à quelques lieux d'ici.

La personne la plus proche de moi - certainement celle qui avait posé une main sur mon épaule - s'avança d'un pas dans ma direction et me tendit une main pacifique, avant de dire, dans un français parfait :

«-Nous ferions mieux de ne pas rester ici, avant de trop attirer l'attention.»

Je ne réagis pas tout de suite, prenant le temps de détailler les alentours des yeux. Les sorciers dont le visage était caché derrière un masque se tenaient au beau milieu de la rue, immobiles et tournés dans ma direction. Autour de nous, les résidents moldus continuaient de crier et courir dans tous les sens mais, chose curieuse, ils semblaient se désintéresser totalemement de nous, comme s'ils ne nous voyaient pas. Au loin, les sirènes des pompiers devenaient de plus en plus bruyantes, couvrant maintenant presque l'intégralité du brouhaha qui agitait les rues. Derrière moi, les restes de la maison d'Ether Bloomsbury fumaient encore, noircis et dégageant une forte odeur de carbone. Je reportai mon attention sur la personne qui m'avait adressé la parole - un homme, à en croire le grain grave de sa voix. Des centaines de questions firent irruption dans mon esprit : de toute évidence, je venais de croiser le chemin du groupe de résistants que j'étais venue rencontrer ici mais comment m'avaient-ils trouvée ? Était-ce dû au hasard ? La coïncidence me paraissait tout de même un peu trop grosse à avaler... Je baissai mes yeux sur la main tendue de l'homme, hésitante. Les camions de pompier étaient désormais si proches que les sirènes stridentes vibraient douloureusement dans mes tympans et je pouvais deviner le clignotement régulier des gyrophares dans la rue adjacente. Chassant mes doutes et mes questionnements, je me résolus à poser ma main dans celle offerte par le sorcier en face de moi. Alors que des crissements de pneus sur l'asphalte indiquaient que les véhicules de pompier venaient de pénétrer dans la rue dans laquelle nous nous trouvions, je sentis tous mes repères disparaître et je fermai les yeux, laissant l'inconnu me guider là où il voulait.

J'ouvris les paupières à l'instant où je sentis le sol sous mes pieds. Comme à chaque fois que je transplanais, mon corps mit quelques secondes à reprendre ses repères et je pus ensuite regarder avec méfiance le paysage autour de moi. Nous avions atterri dans une rue étroite, où se dressait de part et d'autre deux immenses bâtiments qui étaient si hauts qu'ils semblaient défier le ciel nocturne. À en juger par le peu que je pouvais apercevoir dans cette pénombre - ce qui se résumait à cette petite avenue, ces deux immeubles, ainsi que les rues perpendiculaires, éclairées par des lampadaires et où d'autres bâtiments s'alignaient - nous avions quitté la banlieue aux allures de campagne rongée par l'urbanisation croissante pour un endroit qui se situait certainement en plein cœur d'une grande ville - Lyon, sans doute. Les sorciers masqués, que j'avais compté au nombre de onze, s'étaient déployés de chaque côté de la rue, afin de vérifier que le bruit causé par le transplanage n'avait alerté personne. À priori, c'était le cas, car ils revinrent bien vite se regrouper autour de l'homme qui m'avait fait transplané, sans prononcer une parole. Je retirai ma main du sorcier et m'écartai de lui, prudente. Il reprit la parole - sa voix était calme et profonde, un peu comme celle de Kingsley :

The Dove & The Crow [Harry Potter]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant