14 (suite et fin)

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J'aurais certainement dû me contenter du petit signe qu'elle m'a fait il y a peu, m'indiquant que tout n'était pas perdu, et ne pas tenter le Diable, du moins pas ce soir. Mais je ne peux pas résister, j'ai ce besoin compulsif d'aller la voir. J'espère qu'elle va enfin se confier. Je n'en peux plus d'attendre, patiemment qu'elle se décide.

J'ai donc préparé ma recette miracle, avec mon petit ingrédient secret, que j'ai versé dans deux vieilles tasses qui doivent dater de l'âge de la maison, et me dirige, pas sans crainte, mais avec un pas décidé tout de même, vers la porte du bureau, qui pour une fois depuis le début de la semaine est restée entrouverte.

Je me glisse à l'intérieur sans m'annoncer. Mais mon intrusion n'est pas effectuée dans le plus grand calme. Mon regard étant absorbé par la femme qui se trouve recroquevillée à même le parquet, je me prends les pieds sur le tapis que je n'ai pas vu. Je me rattrape d'une seule main et de justesse au bureau, mais mon coude fait malencontreusement glisser à terre un pot de crayons, que je n'ai pas pu retenir de tomber, vu que je portais de l'autre main mes deux contenants, qui ont failli également se retrouver au sol. Pour la discrétion, on repassera. Je ramasse tous les stylos et crayons qui sont tombés par ma faute, puis je me concentre à nouveau sur la belle en détresse émotionnelle, en faisant, cette fois-ci, bien attention à où je mets mes pieds.

Cette pièce est restée dans son jus. C'est d'un sinistre ! On croirait que Monsieur Vasco habite encore les lieux. Une bibliothèque en noyer prône sur tout un mur. Son bois sombre rétrécit énormément la pièce, déjà pas très grande, et le fait que celle-ci soit recouverte d'une multitude de livres en tous genres accentue l'enfermement. Le bureau aussi est bien trop grand pour la petite pièce dans laquelle il est. Seul, un tableau semble avoir trouvé sa véritable place dans ce lieu. Et c'est sûrement cette toile, que vient chercher Paloma ici.

Pour elle, ce magnifique moment immortalisé à jamais doit être son refuge, son petit havre de paix. Cette scène représente le foyer parfait qu'ils étaient tous les trois ensemble. Ce portrait de famille respire le bonheur, ainsi que l'amour qui les unissait. Tout ce qu'elle vient de perdre, du moins c'est ce qu'elle pense au plus profond d'elle.

Paloma ne fait pas attention à moi. Mon escalade rocambolesque n'a pas eu d'effet sur elle. Sa tristesse fait peine à voir. Elle ne quitte pas la peinture des yeux. J'aimerais la prendre dans mes bras afin de la réconforter, mais je doute qu'elle soit d'accord avec ça.

Alors, en dernière option, je décide de m'asseoir auprès d'elle. Mais dans ma manœuvre, dû à mon mauvais équilibre, je manque de ratatiner Paloma. Mes fesses se retrouvant en partie sur une de ses cuisses. Décidemment, rien ne tourne en ma faveur ce soir. J'aurais certainement dû m'abstenir, mais il est trop tard pour avoir des doutes.

— Pardon ! je m'excuse de ma maladresse, tandis que je prends place à ses côtés.

Je lui tends une tasse de lait bien chaud qui a survécu comme par miracle à mes deux catastrophes, ce qui me rassure un peu. Apparemment, il ne m'arrive pas seulement que des ennuis. Quelle bonne idée j'ai eu de ne pas les remplir à ras bord !

— Mon petit doigt m'a dit que tu aimais le chocolat, j'ajoute en espérant qu'elle décrète enfin à prendre la tasse entre ses mains.

— Il ne s'appellerait pas Cristel, ton petit doigt ? me questionne t-elle en acceptant mon breuvage.

— Non, pas du tout ! Même si parfois ma mémoire me fait défaut, je suis persuadée de t'avoir entendu me dire que tu aimais le chocolat.

Elle ne répond pas. Au lieu de ça, elle pose sa tête sur mon épaule, tout en dégustant son lait chocolaté. Je m'aventure avec mon bras à l'enrouler plus près de moi, sans savoir où cela va nous mener. Je souhaite juste qu'elle ne me repousse pas.

L'initiation à L'amour Désir et Amour Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant