Miss Grey

Chapitre 61

- Samantha attendra dans une suite du Marriott pendant ta séance de dédicaces. Puis on dinera dans un restaurant sur le port, explique Peter.

Il fait son gentil devant Jamie et prend soin de s'adresser poliment à moi. Quel faux cul celui-là. On? En plus il va dîner avec nous?

- Tu vas dîner avec nous? Demande soudain Jamie.

- Ça te pose un problème? Rétorque Peter.

Jamie me regarde furtivement et se racle la gorge.

- Non. C'était de la curiosité... Ça ne fait pas trop "dîner en amoureux". La présence de Samantha n'était donc pas nécessaire.

- Si. Elle t'accompagne dans tes déplacements, c'est une preuve d'amour.

Jamie ne répond pas.

- Je vais faire une sieste, dit Peter en se levant.

C'est ça, casse-toi... Ça fait presque une heure qu'on a décollé, et qu'il nous colle aux basques. Jamie est distant. C'est tellement dur d'être en face de celui que j'aime et de ne pas pouvoir le toucher et lui parler comme je le fais d'habitude. Peter retourne à l'arrière de l'avion. Jamie plonge un regard chargé de souffrance et de frustration dans le mien. Son regard reflète le mien comme dans un miroir. Je souffre d'être si près et si loin de lui à la fois.

- Ma chérie c'est trop dur, chuchote-t-il les lèvres pincées.

- De quoi?

- De ne pas pouvoir te toucher... Tu me manques trop...

- Oui, toi aussi...

- Je t'aime, lâche-t-il dans un souffle.

Sa voix est à peine audible. Il parvient quand même à me donner des frissons.

- Je t'aime, chuchotai-je à mon tour.

- Ahhh, je vous tiens, s'écrie Peter en revenant vers nous.

Mon coeur s'arrête. Jamie sursaute.

- Regardez ça, je vous ai trouvés, poursuit-il en nous montrant une photo de nous deux sur la page d'un magazine.

Ouf. Je me détends, il n'a rien entendu. J'entends Jamie reprendre son souffle lui aussi.

- La stratégie fonctionne. Les articles commencent à démentir les ragots sur ton infidélité. Il y a un article sur Rebecca et quelques clichés d'elle en Suisse avec ce mec, dit-il le nez dans le magazine.

Quoi? Je lance un regard interrogateur à Jamie.

- Rebecca fait elle aussi semblant d'être avec quelqu'un, pour qu'on croit à notre rupture, m'explique Jamie.

Pourquoi ne m'en a-t-il pas parlé hier? Cette garce ose me menacer alors qu'elle aussi se pavane en public avec un homme. Je suppose que Jamie ne m'a rien dit parce qu'il s'en fout complètement.

- Finalement vous irez dîner seuls, on va continuer sur notre lancée, dit Peter.

Putain. Enfin une bonne nouvelle. Peter retourne à sa place. Jamie porte sa main sur son coeur en soufflant. Je souris. Il se retourne pour s'assurer qu'il est vraiment retourné à sa place.

- Putain, j'ai eu peur, dit-il à voix basse.

- Moi aussi, dis-je le coeur palpitant.

- Dis-moi ce qu'il y a maintenant.

Mon coeur s'emballe à nouveau.

- Non pas maintenant.

Son visage devient grave.

- Donc il y a bien quelque chose...

Je ne réponds pas. Je ne sais pas comment il va réagir. En tous cas il faut qu'il me promette de ne rien dire à Rebecca. Il serait capable de lui sauter dessus et de l'engueuler. Ça ne ferait qu'empirer les choses.

- Regarde-moi Sam.

Je plonge mes yeux dans les siens.

- C'est... C'est moi? J'ai fait quelque chose de mal?

Oui mon chéri. Tu t'es mis avec une psychopathe...

- Non.

Il regarde vers le hublot, l'air perplexe, comme s'il cherchait la réponse dans les nuages. Mon dieu ce qu'il est beau. C'est douloureux de le regarder.

Mon estomac gargouille violemment. J'ai oublié de manger. Comme si elle lisait dans mes pensées, l'hôtesse débarque.

- Nous arrivons dans 45 minutes, nous commençons notre descente. Voulez-vous quelque chose à boire?

Un menu best of big mac avec grandes frites et coca s'il vous plait.

- Non, merci.

Jamie secoue la tête et l'hôtesse disparait. Il me dévore du regard. Je rougis.

- Je suis fou de toi, chuchote-t-il.

Un sourire niais se plante sur mes lèvres.

- T'es trop belle...

Je surveille l'arrière de l'avion.

- Chuttt Jamie... On va t'entendre.

- Je veux vivre avec toi...

Il continue sa déclaration, impassible et sérieux. Je rougis et souris en faisant mine de le supplier de se taire.

- Je t'aime, je ne sais pas comment j'ai fait pour vivre trente-deux putain d'années sans toi.

- Jamie tais-toi, on va nous entendre....

- Je m'en fous, je suis dingue de toi.

Bordel. Je fonds. Il pose sa main sur son coeur en me fixant.

- Tu m'as jeté un sort, c'est pas possible...

- Jamie...

Il m'attrape la main et me tire pour que je la pose à mon tour sur son coeur. Le mien s'emballe. Putain on va nous voir.

- Tu sens? Voilà ce que tu me fais, dit-il en maintenant ma main sur son torse.

- Jamie, on va nous voir, dis-je totalement sous le charme et paniquée à la fois.

Il soupire en me lâchant. Il se penche, pose ses coudes sur ses genoux et enfouis son visage dans ses mains en soupirant encore. Puis il pose seulement une joue sur son poing et lève les yeux vers moi. Trop sexy.

De son autre main, il me caresse un instant le genou puis il se ressaisit. Il retire ses doigts en soufflant encore et en grimaçant...Une grimace de douleur, Comme si une abeille venait de le piquer.

- C'est une torture... J'ai besoin de te toucher.

Je sens sa frustration. Bon sang, il m'aime vraiment. Je le savais déjà mais là j'en ai la certitude. Il souffre. Exactement comme moi je souffre de ne pas pouvoir le toucher.

- C'est dur pour moi aussi Jamie...

Il cherche maladroitement mon auriculaire en regardant derrière lui pour surveiller les autres. J'attrape le sien pour l'aider et le relâche aussitôt. Il me fend le coeur. On dirait deux ados désespérément amoureux, qui n'ont pas le droit de s'aimer.

- Va-t'en Sam, dit-il la gorge serrée.

- Quoi?

Son regard est dramatique. Bon sang, il est au bord des larmes. Les miennes montent instantanément.

- Va-t'en, change de place, répète-t-il.

J'en reste bouche bée, le coeur au bord du précipice.

- Bébé, je t'en supplie, va t'asseoir ailleurs, j'en peux plus... Va-t'en.

Je sais que ce n'est pas méchant. Il est sur le point de craquer et moi aussi. Je me lève et vais dans un fauteuil un peu plus loin, mettant fin à cette torture.

Lorsque je lui jette un coup d'oeil, il se frotte encore le visage en regardant par le hublot...