Je me précipite dans les vestiaires, prends une douche, et revêt mes vêtements. Puis je prends mon sac, et me précipite hors du lycée sans attendre Emilie. Elle mange ici, et en plus elle reste avec ses autres amis, or je n'ai absolument aucune envie de m'imposer. Je sors mon portable, ou devrais-je dire mon épave ? et j'envois un SMS à mon amie. Puis j'escalade le lampadaire et je me dirige cette fois non pas vers chez moi mais vers la boulangerie, où j'achète une baguette, avant de prendre le chemin du retour. J'arrive à la maison, je déverrouille la porte, je pose mes affaires dans l'entrée, et je me précipite dans la cuisine.
Je me fais une maigre salade/concombre/tomate que je sers dans une assiette, avant de décongeler un cordon bleu et de le balancer dans une poêle chaude avec des pommes de terres. Je finis mon assiette rapidement, que j'accompagne avec du pain, puis je sers le cordon bleu et les pommes de terre dans une autre assiette, et je vais chercher l'homme avachi dans le canapé. Une cannette de bière vide pend tristement dans sa main, je l'enlève et j'en pose une autre sur la table, que je décapsule. J'assois l'homme sur l'unique chaise, et je lui donne à manger.
- Allez Louis, il faut que vous mangiez.
Une demi-heure plus tard, il est de nouveau avachi dans le seul fauteuil du salon avec une nouvelle canette de bière à la main, j'ai fait le peu de vaisselle à faire, je me suis lavée les dents, et je m'apprête à partir. Je sais que la cloche sonne, en ce moment. Entre le lycée et la maison, il y en a pour une demi-heure de course à pied, et encore, je prends un raccourci, en plus je dois manger et faire manger l'homme. Lui, je ne sais pas vraiment qui c'est. Il s'appelle Louis et je dois m'occuper de lui, c'est tout ce que je sais. C'est suffisant. Il me coûte cher et il pue, mais je dois m'occuper de lui, alors c'est ce que je fais. C'est quelqu'un que j'aimais qui me l'a demandé. Enfin bref, je sais que j'aurais une demi-heure de retard. Mais bon... je m'en fous, mais maintenant que vous commencez à me connaître, vous le savez non ?
Je récupère mes affaires, et je me mets en route, en prenant bien soin de laisser mon trousseau de clefs sous le paillasson. L'après-midi, la course sur les toits n'a pas la même saveur. D'abord, je cours parce qu'il le faut, les policiers ne sont plus là, ensuite nous sommes en pleine journée alors l'ambiance du lever de soleil encore chargé de nuit s'est estompée, et enfin le déjeuner vient une fois de plus de me déprimer. Le voir, lui, c'est penser à elle. Et je ne peux pas me le permettre. La rosée du matin s'est évaporée rapidement, laissant des toits rêches, dénudés de la part de moi que je laisse dessus, cette rosée que j'imprègne de mon odeur, de ma puissance. Alors que je cours vers un après-midi sans saveur, je regarde la ville qui s'étant autour de moi. Combien de fois l'ai-je regardée et combien de fois me suis-je tour à tour dite que je l'aimais et que je la détestais ? Oui, décidément, l'après-midi n'a plus la même saveur. La chanson résonne dans ma tête, renfermant toute ma rancœur, ma haine et ma tristesse, toutes ces émotions que je tente tant bien que mal de cacher tout au long de la journée, depuis bientôt dix ans. Dix ans de contrôle permanent. Je suis fatiguée, si fatiguée... mais je dois m'occuper de Louis et, plus important, je dois préserver Emilie. Ma mort la rongerais, la tuerais. Et à la seule pensée de la savoir souffrir, j'ai des envies de meurtre.
Me voilà enfin au lycée. La bonne nouvelle, c'est que je n'ai plus Madame Pydoskol jusqu'à mercredi. La mauvaise, c'est que je viens de me souvenir qu'il fallait que j'aille voir la CPE à la récré ce matin. Ah, et puis j'ai 4h d'option mercredi. Bel après-midi en perspective. Je respire un grand coup, je recompose soigneusement mon masque d'impassibilité, et je passe le portail. Heureusement, au moment où je pénètre dans le bâtiment, j'aperçois la CPE. L'image d'un faucon fondant sur sa proie s'impose immédiatement dans mon esprit. Sauf que la proie en question se révèle être en fait un gros serpent. Dangereux. Je réprime un éclat de rire et escalade le plus vite possible les escaliers dans l'espoir d'échapper à de nouvelles remontrances. C'est lassant, à la fin. Enfin, je me précipite dans ma classe au moment où je devine sa tête qui arrive au sommet des marches. Ouf, c'était vraiment juste, cette fois. J'esquisse un sourire avant de me tourner vers le professeur qui me regarde. La professeur, d'ailleurs. Je la salue poliment, tandis que j'entends le rire étouffé de mon amie, et je vais la rejoindre dans le fond de la classe. La prof fronce les sourcils, mais ne réplique rien. Ça, ça veut clairement dire : « d'accord, je suis clémente la première fois, mais attention pour les prochaines fois, n'est-ce pas ? », tout cela avec un ton supérieur et hautain de prof au-dessus des autres. Pff. Dommage pour toi, ma chérie, mais tu vas m'avoir tous les lundis en 1ère heure juste après le déjeuner et, même si je voulais, je ne pourrais pas être à l'heure. Tant pis ! Pauvre chou. Je me sens d'une humeur sarcastique, éviter la CPE d'une manière aussi juste m'a mise de bonne humeur.
Je tourne de nouveau mon attention vers mon amie, qui me dresse une véritable dissertation sur le fait que, décidément, ils pourraient faire un effort, tout le monde, sauf toi bien sûr, mange ici cinq jours par semaine, et que l bouffe est vraiment infecte, et patati et patata. Sa voix m'évoque le chant mélodieux d'un oiseau. Enfin, nous dérivons sur autre chose, jusqu'à ce que la cloche sonne. Et, à ma grande surprise, voilà Mme Tacler, notre CPE, qui m'attends bien gentiment à l'entrée de la classe. Je lève les yeux au ciel, sens ceux de mon amie se faire réprobateur sur mon visage, et ma chaise racle le plancher. Je me dirige vers Mme Tacler, qui m'attrape le bras avec vigueur. Elle m'entraîne vers son bureau, et me fais signe de m'assoir sur une chaise. Je prends place, et elle commence un long discours sur le fait que je devais aller la voir à la récréation, que je ne dois pas arriver en retard, et blablabla. C'est d'un ennui... finalement, voyant mon manque de réaction, elle soupire bruyamment et me fais signe de retourner en cours. L'après-midi se passe normalement, se traîne en longueur, avec en arrière-fond mon amie qui pérore sur diverses sujets.
La cloche sonne, signalant la fin de la journée, et je pousse un soupir de soulagement. Je rassemble mes livres en vrac dans mon sac, que je balance sur mon épaule, je passe à mon casier, et nous sortons toutes deux du lycée, en direction de sa maison. Emilie vit seule avec sa mère, et elles sont très riches, bien qu'Emilie tente de me le cacher. Après un quart d'heure de marche, nous arrivons devant chez elle, elle ouvre la porte, et nous gravissons les deux étages qui nous séparent de sa spacieuse chambre, et nous nous écrasons sur son immense lit. Elle s'assoit en tailleur, tandis que je m'allonge, et nous rions, échangeons des moqueries sur les nouveaux élèves comme sur les anciens, les profs, etc. Je ne suis plus la même. J'étais transparente et impassible, je deviens rieuse et joyeuse de vivre. Emilie est habituée maintenant. Nous parlons ainsi pendant des heures, jusqu'à ce que Laura, la mère d'Emilie, vienne nous saluer, et prépare le repas. Une demi-heure plus tard, elle nous appelle, et nous nous mettons à table. Je dîne rarement chez elle, je dois m'occuper de Louis, mais nous fêtons nos retrouvailles ce soir. Elles se servent de pizza, et moi d'aubergines farcies à la julienne de légumes. Je suis végétarienne. C'est un pur délice, je complimente Laura sur son talent culinaire, et nous passons au dessert. Crumble aux pommes. Emilie comme moi en bavons d'envie. Finalement, une fois le dessert dégusté, nous aidons à débarrasser, et nous montons dans la chambre, où nous lançons un film. Mais au bout d'un moment, ma nature d'hyperactive claustrophobe me rattrape, et j'ouvre la fenêtre tout en sortant mon Rubik's Cube. L'air frais pénètre dans la pièce, tandis que mes mains s'activent toutes seules sur le cube.
Le film terminé, je salue Emilie et a mère, et je repars chez moi. Emilie habite à un quart d'heure du lycée, mais dans la direction opposée à la mienne, de fait, il me faut environ trois quarts d'heure pour rentrer. Je décide de passer par le bois, mettant encore un peu plus de temps, mais peu importe, il n'est que vingt-deux heures trente, rien ne presse. Je marche sans bruit dans les sombres fourrés, quand je distingue deux voix d'hommes, et leurs odeurs me parviennent. Je marche encore sur cinq cent mètres , et je les aperçois enfin qui marchent dans ma direction. Je ne cherche pas à les éviter, ne ressentant aucune peur. Mais, alors que je passe à côté d'eux, l'un d'eux m'attrape fortement le bras, et me plaque contre un arbre. Son ami rit grassement, et le premier homme, le plus gros, approche ses lèvres des miennes en cherchant à me déshabiller. Je fais signe de baisser la tête, et j'écrase mon front sur son nez, tandis que j'attrape ses bras. Puis je le retourne, lui coince les bras dans le dos, il hurle de douleur, et j'entends le deuxième s'approcher de moi. Mon pied, fulgurant, le frappe aux côtes, il se plie de douleur, mais le premier arrive à se dégager, et se rue sur moi. Je tente de contrer ses assauts, mais le Gros a compris qu'il doit utiliser son poids contre moi, et je faiblis. C'est alors que le deuxième se précipite à son tour sur moi, et je tombe à terre. Je ne peux pas me relever, je tente faiblement de faire barrage de mes mains, me protégeant le visage, et c'est alors qu'un immense incendie se déclare subitement. Une vraie fournaise nous prends tous les trois par surprise, et ils tentent de fuir mais sont piégés par le cercle de flammes qui nous entoure. La seule pensée que j'aie alors est pour un torrent d'eau, et je prie le ciel de m'apporter une solution. C'est alors que des trombes d'eau s'abattent sur nous, je suis trempée, mais les langues de feu faiblissent sous la force et le poids de l'eau. Je ne comprends plus rien, complètement perdue par les événements qui se succèdent. Les hommes fuient, et je me mets à courir, je pique un véritable sprint, tentant de fuir au plus vite cette place qui déclenche en moi une peur profonde, instinctive, animale.
VOUS LISEZ
Des ailes dans le dos - Mort
FantasyJe suis différente et ce, depuis toujours. Mais rien ne me préparait à cela... Si le monde que je connais depuis ma naissance est injuste et vil, celui que je découvre est cruel et dangereux. Mais je ferai tout pour y survivre. Tout. Même si la mort...