Des ailes dans le dos - Mort

Chapitre 12

« Thana, debout ma chérie. »
Je grommelle. Je grogne, me retourne. Mélio flanque sa truffe froide dans mon cou, et je le repousse de la main. Il pose son énorme patte lourde sur mon épaule, je lui flanque un coup de coude, puis le silence. Et quatre cent kilos s'abattent sur moi. Je hoquète, étouffe, tente vainement de le repousser, jusqu'à ce qu'il tremble sur moi. je le regarde, surprise, jusqu'à ce que je comprenne qu'il rit.
« Eh, pousses-toi gros tas ! »
« Pardon ? Tu n'avais qu'à te lever, flemmarde ! Non mais... qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ! »
Je lève les yeux au ciel, lui se pousse en grommelant, et je descends du lit.
« Bon, pourquoi je dois me lever ? Je te rappelle que je rattrapais du sommeil ! »
Suite à la discussion de mon père ce matin, j'ai déjeunée avec Emilie et ses amis, et je suis montée me coucher, car j'étais morte de fatigue.
«  Ton père a toqué, il y a cinq minutes, et m'a demandé de te réveiller, tu dois aller le voir, il veut te parler de quelque chose d'important. Pendant que tu vas le voir, je vais certainement sortir un peu, rester dans ta suite est un peu... ennuyeux. »
J'acquiesce, et lui propose de se retrouver au dîner. Puis je pars en direction du bureau de mon père, enfin je crois. Par un heureux hasard, j'arrive à bonne destination, et je retrouve Aymeric assit à son bureau.
- Entre Thana. Bien dormie ?
- Oui.
- Je voulais te parler d'une décision que j'ai prise et qui attend ton assentiment. Je ne te cache pas que lorsque tu es revenue sur notre terre, je pensais faire de toi l'héritière directe du trône et te faire bénéficier d'une formation pour parvenir à ça. Cependant, la présence du gène d'Invisible dans ton sang a considérablement changé la donne. J'ai besoin d'Invisibles, Thana, et c'est pour cela que j'ai pris la décision de te faire suivre une formation d'Invisible. Bien sûr, j'attends ton assentiment.
- Oui, d'accord, mais quand est-ce que je vais suivre cette formation ? Je te rappelle que j'ai acceptée de passer du temps au royaume seulement si je pouvais également passer du temps sur Terre.
- C'est pour cela que tu vas passer tes journées sur Terre et suivre ton enseignement la nuit et les week-ends. Bien sûr, nous mettrons à ta disposition une potion qui t'aidera à supporter le manque de sommeil, et nous te laisseront de fréquents week-ends de repos. Lachlyn te suivra dans chacun de tes déplacements et te ramènera sur Terre chaque matin, puisqu'elle a, comme Forte, le pouvoir de téléportation. Ce programme te convient-il ?
J'acquiesce. Je suis assez forte pour supporter le manque de sommeil et, même si cela me déplaît d'être suivie à la trace par Lachlyn, j'accepte cette condition sans sourciller, puisque la jeune femme m'est agréable.
- Quand commence ma formation ? demandé-je. Je rentre quand sur Terre ?
- Ta formation commence dans deux heures, le temps que je mette ton professeur au courant et qu'il puisse s'organiser, et tu rentres sur Terre demain matin. Lucie s'est chargée de Louis pendant ton absence et Emilie, qui a continuée à suivre les cours, t'aidera à rattraper ton retard scolaire.
Mais ses yeux rient, et je sais qu'il sait aussi bien que moi que je ne rattraperai rien du tout, si ce n'est l'occasion de tabasser ma prof d'option, à la limite, si je n'ai pas trop la flemme.
- De plus, poursuit-il, ton professeur t'aidera à développer ton pouvoir d'Invisible mais également ton autre pouvoir, et t'enseignera comment gérer ta relation avec Mélio.
- Il sera au courant ?
- Oui, il sera ton mentor pour une période indéfinie, et connaîtra donc bon nombre de tes secrets. Ton uniforme te sera fourni tout à l'heure.
- Des questions ?
- Non.
- Bien. Rendez-vous ici dans deux heures.
Et je sors. Un uniforme, ce qui exige donc des aptitudes que je devine physique. Tant mieux, cela me permettra de maintenir ma forme au top. Je suis hyper excitée. Je vais devenir un espion ! Presque guillerette (presque, il ne faut pas abuser quand-même), je remonte dans ma suite. Je prends une douche, Lachlyn m'applique un onguent aidant à la cicatrisation de mes plaies dans le dos, elle me sèche les cheveux, les attache en une natte serrée, et j'enfile un jogging et un haut ample. Histoire de changer. Puis je décide de m'octroyer une sieste en prévision de la longue nuit qui m'attend.

- Enfile ça, tu as trois minutes, dit-il en me balançant des vêtements noirs, souples et... moulants.
Je ronchonne, pour la forme, et enfile les vêtements. Un pantalon et un t-shirt à manche longue noirs et un col qui cache mes marques noires, et des bandages pour les poignets et les cheville. Je le suis ensuite jusqu'à un bâtiment que je devine être le gymnase du palais, et j'y découvre un environnement pour le moins... atypique. Un tatami, un ring de boxe, des barres asymétriques, une poutre et des tapis de gym m'attendent. Ainsi qu'un mur d'escalade, des pastilles vertes en plastique sur le sol à intervalles réguliers, et toutes sortes d'appareils éclectiques. Et une unique chaise en plastique, au centre de l'immense pièce.
- Je vais tester tes capacités. Lorsqu'on découvre le gène Invisible chez un ange, celui-ci est souvent un enfant, il bénéficie donc de dix-sept ans pour acquérir toutes les capacités nécessaires pour être un bon espion. Toi, tu n'as pas tout ce temps. Nous n'avons pas de date limite mais le plus tôt tu seras prête, le mieux ce sera. Je vais donc voir de quoi tu es capable, et décider de l'enseignement dont tu as besoin. J'ai décidé de ne pas regarder ton dossier pour juger moi-même de ton niveau. Donne le meilleur de toi-même. (« Compte sur moi », pensé-je) Au fait, je m'appelle Aurélien Taris, mais pour toi, je me contente d'être Monsieur, Monsieur Taris si tu préfères, ou encore Mentor. Tu vas faire exactement ce que je vais te dire de faire, inutile de te plaindre, je n'ai pas l'âme sensible. (« Tu mens et je le sens », pensé-je de nouveau. « Pas si dur à cuire que cela hein ? ») Des questions ?
Je secoue la tête.
- Tu as cinq minutes pour t'échauffer, et ensuite je vois de quoi tu es capable.
Je m'exécute. S'il y a bien une chose que je n'ai jamais négligée en sport, c'est l'échauffement. Parce que je sais pertinemment que c'est primordial pour une bonne performance. Puis, suivant son coup de tête, je me place sur le tatami, et un adversaire de quarante kilos de plus que moi se présente. Nous nous saluons, et je mets tout ce que je connais en œuvre pour le battre. J'identifie rapidement ses points faibles, je sais immédiatement que je ne dois pas utiliser la force mais que je dois utiliser la vitesse, et que je dois l'épuiser, si je veux gagner. J'utilise tout ce que j'ai appris en option à l'école, et je le mets finalement à terre. Je savoure ma victoire, mais Mentor me désigne le ring sans commentaire, et je prends place. Une paire de gants de boxe tombe à mes pieds. Je l'enfile, et attends avec appréhension mon adversaire. Car je sais que je maîtrise les arts martiaux, mais je n'ai jamais boxée de ma vie. Hors de question cependant de lui en faire part. Un véritable mammouth se présente à moi, et je sens la confiance qui émane de lui. Je suis prête à en découdre. Hors de question de flancher. J'essaie de l'épuiser, de le faire courir, mais ses coups sont rapides et justes, et ils m'atteignent avec une précision remarquable. Mon pauvre nez en prend pour son grade et, rapidement, le ring se tâche de gouttes de sang qui s'échappent de moi. Soudain, mon pied fuse en un coup bien placé et, plié en deux, mon adversaire grommelle.
- Si tu veux jouer selon ces règles-là, parfait...
Son poings part en plein dans mon ventre et me projette à terre. Son pied s'abat sur ma figure et je perds connaissance.

- Humpf !
​Un coup de pied au ventre me réveille, et j'entraperçois mon Mentor au-dessus de moi. Je me lève, et il me désigne d'un coup de tête les barres asymétriques. Je m'étire rapidement avant de monter sur les barres. J'exécute quelques figures apprises en cours, avant de prendre confiance et d'improviser, tâchant de montrer au mieux ce que je suis capable de faire. Puis, d'un gigantesque bond, je saute sur la poutre et enchaîne directement. Puis j'atterris finalement sur les tapis de gym et vacille à peine, repartant de plus belle dans mes démonstrations de force et de souplesse. Et enfin je m'arrête. Je me tourne vers mon mentor. Il me regarde, impassible, et me désigne la porte de sortie du gymnase. Je ne me fais pas prier et sors sans demander mon reste. Je m'assois contre la porte et ferme les yeux, les doigts pressés sur mon nez pour arrêter les saignements. Il me fait rentrer cinq minutes plus tard, tout le matériel a disparu, ne reste que deux chaises, il est assis sur l'une d'entre elle. Je m'assois en face de lui.
- De quoi as-tu peur ?
- Je n'ai peur de rien.
- C'est faux. Parle-moi de ta vie sur Terre.
- Non. Cela ne vous concerne en rien.
- Comment va Louis ?
Je cille.
- Je ne vois pas de quoi vous parlez.
- Et Rose ? Tu as des nouvelles ?
Je vacille sur ma chaise.
- Je ne vois pas de quoi vous parlez.
- Et Tiffany ? J'espère qu'elle est bien portante.
Tous mes muscles se tendent d'un seul coup. Je me force à me détendre et à prendre mon air nonchalant habituel.
- Inutile de me parler de tout ça, je ne vois pas de quoi vous parlez.
Il se lève, et me gifle de toutes ses forces.