Chapitre 6

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Je tombe des nues. Mon masque d'impassibilité explose, la stupeur s'affiche sur mon visage, tandis que la phrase du roi m'assomme comme un coup de massue. Je n'en reviens pas. Je suis la fille du roi, exilée sur Terre pour avoir une trop faible puissance de pouvoir. J'ouvre la bouche pour parler, mais ma voix me fait défaut.

- Ethana, ma chère Ethana, ma petite-fille adorée, je suis désolé, tellement désolé...

C'est alors que je pose la question la plus déplacée du moment.

- Que vient faire Emilie dans tout ça ? Qui sont ces parents à elle ? Elle aussi a été exilée, non ?

Le roi, ou plutôt mon... bref, ses yeux reflètent toute la souffrance causée par mon manque de considération pour lui. J'ai une soudaine envie de me gifler, rien que pour ce que je lui impose.

- Lors de ton exil, tu as été placée dans une famille, comme il était prévu, mais je voulais pouvoir veiller sur toi, aussi, au lieu d'être dans une famille humaine, j'ai demandée à un ange de veiller sur toi. Mais, lorsque t... (mes yeux reflètent immédiatement ma colère, et il s'abstient de plus avancer dans son récit sur cette voie-là), bref, nous t'avons envoyée Emilie et sa mère Laura pour veiller sur toi. Je te connais comme si nous avions vécu toutes ces années ensemble car elles me remettaient souvent un compte-rendu de ce que tu faisais, mais également parce que j'ai installé des caméras partout dans la ville pour pouvoir te regarder, lors de l'arrivée d'Emilie sur Terre. Je n'ai jamais cessé de veiller sur toi, ton exil a détruit ta mère, je ne voulais pas qu'elle me détruise non plus, et je voulais regarder la jeune fille que tu devenais loin de moi... je t'en prie, ne m'en veux pas, j'avais tellement besoin de te voir, même par l'intermédiaire de caméra ou par la bouche de Laura, tu es ma fille et rien ne changera cela, je t'aime comme tu es, tu ressembles tant à ta mère, si courageuse, si fière... je n'ai pas ton tempérament, tu ressembles bien plus à ta mère qu'à moi, tu me la rappelle tellement...

Alors qu'il reprend sa respiration, je le coupe brusquement.

- Si vous ne m'aimez que parce que je vous rappelle votre femme, eh bien vous pouvez me dire adieu tout de suite, et toi (je me tourne Emilie, qui reste tétanisée de terreur), toutes ces années, tu me surveillais depuis des années, tu n'es devenue mon amie que parce que tu devais me surveiller... je n'en reviens pas... tous ces mensonges, je découvre enfin ce que tu me cachais avec tant d'ardeur depuis des années... tu croyais peut-être que mon don ne marchait pas sur toi, hein ? Tu m'as bien prise pour une conne mais maintenant c'est fini...

Je bouillonne de rage, mais tente tant bien que mal de me contrôler.

- Non, Ethana, je te jure que...

- NE ME MENS PLUS !!!! N'OSE PLUS JAMAIS ME JURER QUOI QUE CE SOIT !!!

J'explose, et ma retenue laisse place à un tsunami de rage, de fureur, de frustration et de honte, qui noie tout le monde comme un raz-de-marée.

- NE ME REGARDES PLUS JAMAIS, EMILIE, TU M'ENTENDS ???? JE TE HAIS POUR CE QUE TU A FAIS DE MOI, JE TE HAIS POUR TOUJOURS, NE TE METS PLUS JAMAIS SUR MON CHEMIN !!!!

Je laisse éclater ma haine, et je révèle à tout le monde ce que je pense, mais je suis impériale dans ma douleur et ma colère. Je hurle toute sorte d'insanités à Emilie, qui se ratatine de plus en plus, les larmes coulant sur ses joues, jusqu'à ce que quelqu'un me saisisse et tente de m'entraîner dehors. D'une secousse, je le repousse, et sors en courant de l'immense pièce, laissant les victimes de ma colère pleurer entre eux, se consoler, et se dire que je suis ignoble de leur cracher tout ça à la figure alors qu'ils ne voulaient que me protéger. Me protéger de quoi, je n'en sais rien. Peu importe ce qu'ils pensent, je m'en fous, ils n'ont plus rien à voir avec moi. Je cours longtemps, en serrant les poings tellement fort que je m'entaille pour éviter de laisser éclater ma colère une seconde fois. Je cours, je cours, je cours, où, je n'en sais rien, je ne sais pas où je vais, où je suis, mais peu importe, je cours pour extérioriser toute ma colère, je cours pour me défouler, je cours pour courir, en somme. Mon rythme cardiaque explose, mes poumons s'enflamment, je devrais prendre une allure plus régulière pour courir plus longtemps, mais je m'en fiche, à ma douleur pulmonaire s'ajoute ma douleur au dos, que je sens s'enflammer à mesure que je cours, je sens mes plaies se rouvrir, exploser, mon t-shirt se mouiller de mon sang, mais je continue à courir, toujours plus vite, toujours plus longtemps, toujours plus loin.

Des ailes dans le dos - MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant