Minuit moins dix. J'ai enfilé un pantalon noir moulant, un t-shirt surmonté d'un pull en laine aux manches assez longues pour me couvrir les mains, ma veste militaire, des bottes fourrées, mon écharpe et un bonnet. Je meurs de chaud, dans cet accoutrement, et j'ai hâte d'avoir terminée mon ascension pour me retrouver à l'air libre. J'arrive en haut à minuit moins deux, mais personne n'est encore là. Lachlyn m'a accompagné. J'ai vraiment l'impression d'être comprise, avec elle.
- Va donc te coucher, ils ne vont pas tarder, dis-je.
- Sûrement pas, répond-elle avec un clin d'œil.
Saurait-elle quelque chose ? Certainement, vu l'air malicieux qu'elle arbore. En plus, c'est elle qui m'a choisie mes vêtements, elle doit donc savoir ce qui m'attend.
- Je te réveillerais plus vers trois heures et demie, demain matin.
- Mon père déteste que je sois en retard.
- Tu ne le seras pas.
Elle sourit. Il semblerait que tout le monde soit au courant de ce que tous me préparent, sauf moi. Soit, je verrais demain de toute façon. Je lui retourne son sourire, elle me plante furtivement un baiser sur la joue, et me laisse seule sur le toit de la Tour Haute. Elle porte bien son nom. C'est la plus haute tour du château, et j'ai une vue absolument splendide sous les yeux. La ville s'étend devant moi, et je ne peux qu'être émerveillée par le maelström de couleur qui la rend si belle, la nuit. Soudain, j'aperçois deux grosses masses et trois plus petites se diriger vers moi. Elles se rapprochent de plus en plus, et je suis à présent en mesure de les identifier. Deux dragons et trois pégases. Le premier dragon, le plus gros des deux, est vert émeraude, et porte Maxime, tandis que le deuxième, bleu roi, porte Norbert. Les trois pégases, blanche, crème et brune, portent respectivement Emilie, Martha et Iz. Leurs frères d'âmes. Je suis subjuguée. Maxime m'aborde.
- Thana, voici Esméralda. Etant plus âgée que Fendir, le dragon de Norbert, elle est en mesure de nous porter tous les deux. Tu montes ?
Et le côté macho de Maxime disparaît. Il est naturel, et ça vaut de l'or. Je grimpe sur la dragonne, et je manque de tomber lorsqu'elle m'adresse la parole par esprit.
« Thana, c'est ça ? »
« Euh, bonjour. Oui, c'est bien ça. »
« Enchanté. »
« De même. »
Fatiguée d'être en vol stationnaire, elle s'éloigne de la tour, suivie par le reste de la troupe.
- Au menu ce soir, les étoiles servies sur un plateau ! s'exclame Maxime, un grand sourire aux lèvres.
J'observe discrètement Emilie, mais elle le regarde comme elle regarderait n'importe lequel d'entre nous. Sont-ce leurs frères/sœurs d'âmes qui leur font cet effet-là ? Je souris à Maxime, et Esméralda prend de la vitesse. Elle grimpe, grimpe dans le ciel noir d'encre, et je comprends pourquoi ils m'ont conseillés de prendre des vêtements chauds. En haut, ça gèle sec. Cependant je me sens bien, à l'abri dans mes vêtements, et la dragonne dégage de la chaleur. Le ciel me subjugue par la beauté qu'il irradie. Le vent froid soulève mes cheveux, frôle ma nuque pourtant partiellement protégée par le bonnet, mais ne traverse pas ma veste, ce qui me permet d'apprécier la tiédeur du moment. Je frissonne d'excitation. Toutes ces sensations m'émoustillent. Le vent me fouette le visage, l'eau glaciale des nuages parsème mes vêtements de ses gouttelettes et mouille mon visage, j'ai les oreilles et le bout du nez gelés, mais cette sensation est agréable. Les étoiles scintillent et nous saluent, et toute la beauté de la nature s'offre à moi. Pas un mot ne brise l'instant magique, nous sommes tous stupéfiés. Nous volons ainsi longtemps, et ils me laissent tout le loisir d'observer les étoiles, lorsqu'Esméralda ouvre sa large gueule, et inonde le ciel noir de grandes et longues flammes vertes. Fendir, volant à son côté, suit le mouvement et vomit des langues de feu bleues, et les pégases crachent alors du feu. Je reste stupéfaite, ne les croyant pas capable de telles choses. Les flammes jaunes s'échappant de leurs gueules s'évaporent dans la nuit, mais les dragons et les pégases s'y remettent, et le ciel se pare de couleurs qui l'éclairent. Les lumières, dans la ville que nous surplombons, s'allument, et c'est comme si on avait appuyé sur l'interrupteur qui animait une ville en jouet. Le paysage blafard se pare de lumières de toutes les couleurs, et mes amis rient de bonheur. Je ris aussi, je ris face à tant de beauté, et les dragons grognent alors, grognent d'un rire qui les secoue entièrement. Nous dépassons la ville de lumières pour retrouver un paysage noir, constellé d'étoiles qui parsèment le ciel. Les grandes ailes d'Esméralda balaient l'air, le chassent d'un mouvement, et nous l'envoient en pleine figure, ce vent glacial à cause de l'altitude et de l'heure. Mais la chaleur qu'elle dégage compense, et nos vêtements protègent nos corps, seuls nos visages sont attaqués par ces rafales de vent qui nous rafraichissent agréablement. Je ferme les yeux à la beauté noire qui nous engloutit dans son manteau froid et j'étends les bras pour profiter de la sensation extraordinaire du froid qui glisse sur moi mais ne m'atteins que par une fraicheur exquise. Je ris, je ris d'un rire extatique qui reflète la béatitude dans laquelle je me trouve, lorsque soudain les rafales de vent diminuent, mon estomac remonte vers ma gorge, et j'ouvre les yeux. Je découvre que le sol se rapproche, se rapproche, se rapproche de plus en plus, de plus en vite, nous prenons de la vitesse et redescendons vers le sol. Aucun son ne s'échappe de mes lèvres car j'en suis bien incapable, victime impuissante de la situation. Maxime se tourne vers moi, les yeux pétillants de malice, et éclate d'un rire franc et sonore en voyant ma tête. Je recouvre mes esprits et lui assène une tape sur le bras.
- Tu l'as fait exprès, goujat ! crié-je pour me faire entendre.
Il continue à rire.
- Evidemment ! Qu'est-ce que tu croyais ? Thana, les yeux fermés et les bras étendus, c'est-à-dire sans autre moyen que ses jambes pour se tenir, sur un dragon dont elle s'est habituée aux remous ? Il fallait faire quelque chose !
Les autres tentent de nous rejoindre mais Esméralda étant la plus grosse des créatures présente, elle est la plus rapide et distance les autres. Les larmes aux yeux en raison du vent fort qui me fouettent sans pitié le visage, je ris à mon tour, profitant de la vitesse grisante et de la force majestueuse sur laquelle je suis assise. Nous fonçons vers le sol tel une météorite dont il serait impossible d'empêcher la chute, mais je ne suis nullement inquiète car je sais ce que la dragonne à en tête et rien que d'y penser, mon estomac remonte dans ma ventre et je frissonne d'excitation. Nous sommes sur le point de nous écraser sur une maison lorsqu'Esméralda étend ses gigantesques ailes qu'elle avait replié pour descendre et nous n'avons pas le temps de laisser notre ventre s'habituer à la sensation que l'animal bat fortement des ailes, et derechef le vent éclate contre nos visages, mais nous remontons vers la toile noire et infinie du ciel de jais qui nous accueille de ses bras étendus. Nous remontons quasiment à la verticale, et je m'inquiète de la quantité d'énergie que doit dépenser la créature pour nous tirer tous les trois vers le ciel, plus haut, toujours plus haut, mais elle fait ça avec une telle facilité que j'en reste pantoise. La force qu'elle doit posséder dépasse ce que je peux imaginer. Je ne peux m'empêcher de sourire tant la soirée est belle. Les sensations, les couleurs, les surprises, tout s'efface dans mon esprit pour ne laisser que le moment présent.
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Des ailes dans le dos - Mort
FantasyJe suis différente et ce, depuis toujours. Mais rien ne me préparait à cela... Si le monde que je connais depuis ma naissance est injuste et vil, celui que je découvre est cruel et dangereux. Mais je ferai tout pour y survivre. Tout. Même si la mort...