Chapitre 59

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Il neige dehors. Les flocons de neige tombent comme une pluie fine, recouvrant peu à peu les arbres du parc. Qu'est-ce que je me fais chier... La neige est belle, je meurs d'envie de sortir pour en sentir le froid mordant sur mon visage endormi, pour sentir le vent glacial me fouetter et transpercer mes vêtements de manière à me geler le corps, me faire sentir vivante. Au lieu de mourir d'impuissance et d'attente ici, dans cette maudite salle de classe. Norbert a certainement besoin d'aide et nous, on est là à somnoler doucement dans cette pièce chaude et devant ce cours soporifique. Je suis sûre que le froid est irréel, la dehors. Il était déjà violent lorsqu'on est arrivés au bahut ce matin, mais avec le vent qui sévit depuis tout à l'heure, il doit faire une température inimaginable. Je sens mes jambes battre les secondes sur le sol, mes doigts triturer les pages du livre que je tiens entre les mains, signes de mon envie irrépressible de sortir, de courir à en perdre haleine dans le vent, juste sortir de cette cage jaunâtre pour retrouver un peu de vie, pour me prouver que Norbert n'a pas emmené avec lui toute forme de vie chez nous.

Les flocons deviennent de plus en plus gros, et le ciel se charge de nuages gris. Une tempête se prépare. Mais qu'est-ce que ça peut me faire ? Je vais la regarder la pour le reste de la journée, puis je vais rentrer au royaume, ou elle sera deux fois pire, mais où je ne pourrais pas en profiter parce que je serais en entraînement, ou, si ce n'est pas le cas (ce qui est hautement impossible mais, tout comme pour Norbert, l'espoir d'avoir une pause ne meurt pas), parce que j'aurais interdiction de sortir. Je lève les yeux au ciel, agacée. Les branches nues des arbres s'élèvent vers les nuages noirs, comme des bras réclamant la lumière, comme irrités par la lourde toison des sapins recouverts de neige. Recouverts... Quoi ? J'observe un trou dans un des arbres, comme une sorte de protection qui empêche la neige de se fixer sur la branche. Je développe ma vue, laissant mon pouvoir prendre le contrôle, et tous mes sens s'échappent comme des vagues vers tout ce qui est à leur portée. Une sorte de mur en verre, flou et mal poli, protège la branche... Et certainement ce qu'il y a dessus. Une illusion ! Évidemment ! Que suis-je...

"DÉMON !" hurlé-je aux autres par le biais de mon esprit, me maudissant avec toute la force dont je suis capable. Oui, pour être bête, je suis sacrément conne, c'est peu de le dire ! Des comme moi, on en fait pas deux...  Faut quand même un sacré talent pour ne pas percevoir une illusion, avec mes dons, et pour ne pas sauter immédiatement à la conclusion pourtant évidente : démon. Retenant mon impulsion, je détourne le regard l'air de rien, et décide d'un plan avec mes amis en gardant un visage impassible, pour ne pas que le futur homme mort dans l'arbre se doute de quoi que ce soit.

« OK, y a un démon dans l'arbre, caché par une illusion. Pourquoi il est là, j'en sais rien, mais faut l'arrêter, et il est certainement pas tout seul. Faut qu'on trouve un plan. Quelqu'un a une idée ? »

« En premier lieu, faut faire évacuer tout le lycée, les élèves, les profs, le personnel, la direction, la totale ! Faudrait genre déclencher une alarme incendie, ou un truc dans le genre. » pense Emilie.

« OK. Mais pourquoi il est là, le démon ? Et on en fait quoi ? » demande Martha.

« Je doute qu'il soit là pour jouer à la dînette. Il est là pour se battre, alors on va lui montrer de quoi on est capable. »

« Oui bah avant toute chose, on appelle des renforts ! » s'exclame Iz.

Je prends mon fide et envois aussitôt un message à mon père pour lui expliquer en quelques mots la situation. Je lève la tête, et remarque qu'un homme descend à toute allure dudit arbre. Et merde...

« On est cramés, il descend de l'arbre, il va certainement appeler des renforts, lui aussi, faut agir maintenant ! » m'écrié-je, tendue.

« Dehors, faut les empêcher d'entrer dans le bâtiment, on a plus le temps de faire évacuer tout le monde ! » s'écrie Martha, et nous sortons en trombe de la classe, sous les regards ahuris des élèves et du professeur.

Des ailes dans le dos - MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant