Chapitre 5

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Lorsque je me réveille, il doit être cinq heures de l'après-midi, à en juger par la lumière qui s'éteint progressivement au dehors. Je me lève et décide d'attendre Emilie à la sortie des cours, ne serait-ce que pour la voir, vérifier que tout va bien, et lui permettre de me raconter en long, en large et en travers sa journée. Je sécurise de nouveau mon dos, j'enfile mon t-shirt et mon sweat, ma veste, mes chaussures, je prends mes clefs et ma musique, et je pars. Pas la peine de m'encombrer d'un sac. En marchant à une allure rapide, je devrais y être en une heure, parfait pour la sortie des cours. Je mets mes écouteurs, et la fabuleuse voix de BIRDY emplie mon crâne sur « People help the people », tandis que je me mets en route après avoir verrouillée la porte. Mon dos m'élance à chaque pas, mais je prends sur moi et retiens de pathétiques gémissements. Savoir cette marque sur moi me brûle de l'intérieur, et j'ai une brusque envie de me l'arracher, de la sortir hors de moi avec les ongles, de m'écorcher la peau pour en sortir ce tatouage d'ailes noires. Les choses changent en moi, et je n'aime pas ça. Je marche d'un pas vif, et, à ma plus grande honte, je m'essouffle bien trop vite à mon goût. Enfin, après une longue et douloureuse heure de marche, j'arrive juste pour la sortie des cours. J'attends cinq minutes, puis j'envoie un sms à Emilie pour la faire se presser.

Devine qui t'attends bien sagement à la sortie du lycée et subie la honte de voir tous les regards se porter sur elle... dépêche-toi de sortir, nom de Dieu !

Trente secondes plus tard, j'aperçois une tête châtain clair s'agiter au milieu de la foule, et de nombreuses personnes se pousser sur son passage. J'éclate de rire, de mon rire grave et joyeux, que seule Emilie connait, et je la regarde bousculer la masse regroupée près du portail de sortie pour me voir plus vite. Enfin, elle s'écroule à moitié en réussissant à s'extirper du gros de la masse, rouge et essoufflée, les cheveux en bataille, toujours aussi belle.

- Ne jure pas sur Dieu !! Combien de fois devrais-je te le dire, Thana ?! explose-t-elle, avant de s'écrouler sur moi, complètement morte de fatigue par son sprint.
Je ris de nouveau, et mon rire si atypique fais se retourner des gens sur moi, mais peu importe. Elle m'a manquée. Elle est là, maintenant, et c'est tout ce qui compte. Elle joint son rire mélodieux au mien, et nous nous mettons en route. Elle parle fort, ce qui n'est pas dans ses habitudes, et je comprends qu'elle réprime à grand peine sa joie de m'avoir retrouvée, tout comme moi. Elle sautille, son sac à la main, et je ris en la regardant attirer l'attention des passants en faisant le guignol. J'oublie mes blessures, la folie qui me gagne, l'incident de la veille, le manque de sommeil, j'oublie tout et je la dévore des yeux. Nous arrivons enfin chez elle, et mon excitation retombe immédiatement. Alors qu'elle s'apprête à insérer la clef dans la serrure, je plaque une main forte sur son sternum pour l'arrêter, et je la sens grimacer sous la douleur.

- Yaquundenraque, marmoné-je.

- Hein ?

- Y a quelqu'un dans ta baraque, articulé-je.

Elle se tortille, mal à l'aise, et se tait, sentant qu'elle ne doit faire aucun bruit. Je rassemble le peu de force qu'il me reste, et je défonce la porte d'un coup de pied. Grâce à mes sens surélevés, je sens immédiatement le changement de place de l'intrus et, à sa plus grande surprise, je me jette sur lui. Je le plaque au sol, et je lui coince les mains sous son corps. Emilie entre à son tour, et je la sens se contracter de manière immédiate et brutale. Je comprends tout de suite qu'elle le connait.

- C'est qui lui ? D'où tu le connais ? demandé-je, sans le relâcher.

- Mais... Qui t'as... Je ne le connais pas, pourquoi tu penses ça ? balbutie-t-elle, et je sens l'odeur amère du mensonge.

Elle se tortille, mal à l'aise, et je laisse tomber.

- Ah, je pensais que tu le connaissais, dis-je.

Des ailes dans le dos - MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant