Chapitre 23

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- N'y a-t-il donc aucun moyen de les empêcher ? ragé-je un jour que nous étions encore penchés sur ces infiltrations.
- C'est bien ce que nous essayons de trouver. Ce qui nous empêche de... les empêcher justement. Nous n'avons juste aucune idée de ce qu'ils visent, de comment ils rentrent dans le royaume... nous n'avons aucune information, et sans information, nous ne pouvons rien faire...
Je me penche de nouveau sur le fide. La vidéo passe en boucle, la vidéo de l'explosion gigantesque d'une habitation. Elle nous est parvenue il y a dix minutes, et depuis, la famille a été prise en charge, les flammes calmées par les pompiers, et les habitants rassurés par les autorités. Mais toujours impossible de savoir où a été cachée la bombe, pourquoi cette famille, pourquoi maintenant, qui... nous ne savons rien. Et c'est bien le nœud du problème.
- Des nouvelles de la famille ?
- Nous seront les premiers à les avoir, mais pour l'instant je n'ai rien reçu. C'était très bien de te préoccuper de ça aussi rapidement, Thana. Je te félicite.
Il sourit, mais le cœur n'y est pas. Les évènements malheureux se succèdent, et impactent sur notre bonne humeur. Je scrute la vidéo, utilisant au maximum ma vue plus développée, mais je ne vois rien.
- Tu peux appeler Forte s'il te plaît ? demandé-je. Avec mes sens plus développés, je pourrais peut-être collecter des informations qui pourraient échapper à d'autre...
C'est la première fois que je demande à être sur le terrain. Il s'inquiète, je le vois, mais il sait aussi que je peux être utile. Finalement, il hoche la tête, envoie un message à Forte, et me laisse partir. En moins d'une seconde, je me retrouve sur place, à regarder les débris fumants de la maison. Je regarde une fois de plus la vidéo, actionne le ralenti pour voir comment l'explosion prend de l'ampleur, puis je pénètre dans la maison avant que Forte ne puisse m'en empêcher. La fumée me submerge, me prend à la gorge. Je tousse, je crache, mais je pénètre plus profondément dans la maison. Je renifle à petits coups, fouille du regard chaque recoin, et manque de tomber dans un énorme trou dans le plancher. J'évalue sa profondeur avant de sauter dedans. Je regarde le sol, et peut remarquer que la terre semble balayée, comme soufflée, mais pas le centre du trou. Je m'accroupis, regarde plus attentivement, prends des photos, et sors du trou pour visiter le reste de la maison. Je prends le plus de photos possible, dans tous les recoins, pour avoir de quoi travailler plus tard. Enfin, n'en pouvant plus de la fumée, je sors en toussant. Forte se précipite sur moi.
- Vous allez bien Votre Altesse ? demande-t-il, inquiet.
Je hoche la tête sans dire un mot, essayant de retrouver ma respiration. Je lui tends mon fide, qu'il prend d'un geste hésitant.
- Les photos, ânonné-je.
Il les parcourt, muet. Puis il prend ma main, mais je la retire au dernier moment et il repart seul, avant de revenir, s'étant rendu compte qu'il est parti seul.
- Il faut que je vois la famille, dis-je.
Il soupire, et m'emmène les voir. Hébétés et effrayés, ils se trouvent sur le côté, pris en charge par les autorités que j'ai envoyé. Je les rejoins.
- Bonsoir. Je vous dérange ? demandé-je en me tournant vers eux.
Ils me regardent, et leurs yeux s'écarquillent.
- Votre Altesse... Nous sommes honorés de votre présence, balbutie la femme.
- Je voulais vous dire que Sa Majesté est ravie de vous accueillir au palais le temps que nous vous trouvions un nouveau logement.
La femme, certainement la mère de famille, reste bouche bée. Un sourire reconnaissant étire les lèvres de son mari.
- Il va vous envoyer quelqu'un très prochainement. Bonne soirée.
J'attrape la main de Forte et nous rentrons. J'informe mon père de ma décision, il sourit, envois quelqu'un, et ensuite nous regardons ensemble les photos.
- Je pense que la bombe a été placée sous le plancher de ce qui devait être le salon. On peut voir que la terre a été balayée, mais seulement autour de cet endroit. Si on fait un gros plan là... tu vois ?
Il penche la tête sur la photo, et acquiesce lentement. Nous regardons les autres photos, mais tout a été balayé par l'explosion. Rien n'est utilisable. Fatiguée, je regarde de nouveau la vidéo, au ralentit, en accéléré, une fois, deux fois, cinq fois, mais je ne peux définitivement rien tirer de cette maudite vidéo. C'est déjà un miracle que nous ayons une. Soudain, quelque chose m'interpelle. Je relance la vidéo, et observe un tout petit projectile traverser l'écran pendant une brève seconde.
- Regarde Papa, regarde !
Au ralentit, on le voit mieux, mais à peine.
- Qu'est-ce que tu crois que c'est ?
- Certainement un projectile venant de la bombe... Forte ! hurle-t-il.
L'homme entre dans la pièce en courant.
- Sire ?
- Envoyez quelqu'un accueillir la famille, donnez-leur une suite familiale dans le palais, et... regardez cette vidéo. Je veux que vous trouviez ce projectile, et que vous me le rapportiez.
Il s'exécute, tandis que je réfléchis à cet attentat. Comment savoir qui a placé cette bombe, quand, et pourquoi ?
- On a aucune caméra dans les rues ? Aucune piste ?
- Non, les rues ne sont pas sous-vidéo surveillance.
- Peut-être devrions-nous en placer, juste pour un temps, le temps que ça se calme ?
- Cela va créer des soulèvements, et en plus les gens serons au courant de toutes ces infiltrations... si nous les inquiétons, ça va être le chaos.
- Tu crois qu'ils ne sont pas au courant ? C'est la première fois qu'une telle explosion, et surtout l'explosion d'une maison ! Tout le monde est au courant ! Tout le monde ! Nous avons eu accès à une vidéo, ce qui signifie que quelqu'un a filmé, et que donc tout le monde a accès à cette vidéo, sauf si elle a été bloquée. Tout le monde est donc au courant qu'il y a des infiltrations, et donc tout le monde est inquiet, inquiet d'être le suivant ! Je pense que si nous demandons à mettre des vidéos pour aider à trouver les raisons de ces infiltrations, et donc pour aider à les stopper, les gens se sentiront rassurés et accepteront. Ainsi, nous aurions plus d'éléments, et nous pourrions en savoir plus sur... toutes les questions que nous nous posons.
- Peut-être... je ne sais pas. Bon, laissons-tomber pour le moment, et...
A ce moment-là, Forte réapparaît.
- Voici le projectile, nous l'avons trouvé à deux cent mètres de la maison.
- Je vous en prie, menez-le au laboratoire, afin qu'ils l'identifient. Merci beaucoup.
- Bien Sire. Ah oui, la famille a été installée dans la suite familiale 47.
Aymeric hoche la tête, et nous sortons tous trois de la pièce, lui et moi éreintés par nos vains efforts. L'heure du dîner étant passée, mon père envoie un message en cuisine pour qu'on lui porte un plateau dans sa suite, tandis que je monte dans la mienne pour me changer et aller à l'entraînement.
- Bonne nuit Papa, à demain, dis-je en l'embrassant sur la joue.
Il m'embrasse également et nos chemins se séparent. Seule dans les grands couloirs, je titube de fatigue, lorsque j'entends des personnes s'occuper... activement. Je me redresse, tourne dans les escaliers, détourne le regard avant d'identifier... Maxime. Je fais mine de ne rien voir, je les entends qui se taisent tout à coup, mais une fois cachée à leurs yeux, je les entends s'embrasser en rigolant. Il est en compagnie d'une grande blonde pulpeuse, un vrai stéréotype. Je prends mon fide, et ouvre le logiciel d'identification de personnes. Je cadre sur son visage, puis je rentre dans ma suite. J'y retrouve Lachlyn qui somnole sur le canapé avec Mélio à ses pieds. Tous deux m'accueillent chaleureusement, et ma femme de chambre va me chercher mes vêtements. Je reprends mon fide en m'asseyant sur mon grand canapé, tandis que Mélio pose une patte sur ma cuisse. Nelly Telmart, vingt et un ans, études de biologie avancées, chambre 466. Etant donné mon statut, j'ai droit à ce logiciel, qui n'est donné que sur accord du roi, et on comprend pourquoi. Je peux avoir accès à toutes les informations que je veux grâce à ça, autant professionnelles qu'intimes. N'ayant guère le temps et aucune envie de pousser plus loin mes recherches, je verrouille mon fide, le pose sur la table, me change, et pars au gymnase.
- Bonsoir Thana, me salue courtoisement Mentor. Cette nuit, j'ai décidé de me faire plaisir.
Ce qui signifie que ça ne va pas me faire plaisir, songé-je.
- J'ai bien envie de faire un tour d'horizon de ce que tu es capable de faire, avec tes pouvoirs je veux dire.
Seigneur. Et effectivement, la fameuse table avec les verres de menthe à l'eau arrive, et dans des proportions épouvantables.
- D'abord, l'exercice habituel du contrôle des éléments, et ensuite, tu vas devenir Invisible. Mais en premier lieu, j'ai quelques questions. As-tu travaillé comme je te l'avais demandé ? As-tu essayé de développer ton don de... d'intuition ?
J'acquiesce.
- Vous aviez raison, il s'est développé lorsque je l'ai travaillé. A présent, je suis presque toujours capable de deviner, enfin vaguement du moins, les pensées de la personne sur laquelle je me concentre. Pas les pensées exactes, mais le thème, le sujet.
- Continue de le travailler, et viens me voir dès que tu as quelque chose à me dire. Bien, commençons. Nous allons essayer un autre exercice que celui de la boule d'eau, cette fois.
Je souris intérieurement. Cela signifie que j'y arrive comme il le souhaite.
- Crée une boule d'eau dans la main gauche, et une boule de feu dans la main droite. Fais-les grossir simultanément, à la même vitesse, doucement, comme ça. Approche-les l'une de l'autre, jusqu'à ce qu'elles se touchent. Fais-les se toucher, se mélanger, mais sans que l'eau n'éteigne le feu ou que le feu fasse s'évaporer l'eau. Elles doivent cohabiter, et non pas tuer pour avoir la place. Non, l'eau a éteins le feu. Recommence. Crée une boule d'eau dans la main gauche, et une boule de feu dans la main droite. Fais-les grossir simultanément, doucement, jusqu'à ce qu'elles atteignent la taille de tes paumes. Voilà, maintenant, rapproche-les. N'oublie pas, elles doivent cohabiter. Voilà. Maintenant, garde cet équilibre parfait, et fais tourner la boule, doucement. Maintenant, fais-la s'élever, jusqu'à ton visage. Continue à la faire tourner, mais approche-là de ton visage. Continue. Et maintenant, si tu ne veux pas qu'elle te brûle et mouille, crée un mur d'air, qui va te protéger contre cette boule qui avance vers ton visage en tournant, dit-il calmement. N'oublie pas de la faire tourner. Continue. Protège-toi grâce à ton mur d'air. Tu sens la résistance ? Bon. Elève la boule, et fais-la grossir. N'oublie pas, tu dois garder cet équilibre parfait entre l'eau et le feu. L'un ne doit pas dévorer l'autre. Ils doivent cohabiter. Fais grossir la boule, vas-y, plus vite, plus vite, plus vite, attention ! Garde cet équilibre. Fais-là grossir, encore.
Et voilà qu'elle emplit le gymnase entier. Mais je le remarque à peine, toute mon attention captée par l'exercice.
- Maintenant, il va falloir agir vite. Ecoute-moi attentivement. Tu vas laisser le feu dévorer l'eau, et ensuite chasser le feu par l'air vers la porte. Tu m'entends ? Vas-y, c'est parti.
J'amplifie la boule de feu, qui entoure la boule d'eau, lentement, puis l'avale, d'un seul coup. J'ai peur un bref instant de perdre le contrôle de la grosse bulle de feu, mais je reprends le dessus, et appelle le vent pour qu'il chasse le feu vers la porte, comme me l'a demandé Mentor.
- Maintenant, enchaîne-t-il directement, ferme les yeux, et refais l'exercice en prenant bien garde de fermer les yeux mais de continuer à garder le contrôle des éléments.

Des ailes dans le dos - MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant