Chapitre 26

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Je le regarde, surprise.
- Tu... quand ça ? C'est qui ?
- Elle s'appelle Sofia, je l'ai rencontré il y a quelques semaines, et nous pensons nous marier dans quelques mois.
J'écarquille les yeux, stupéfaite.
- Vous voulez vous marier, alors que vous ne vous connaissez que depuis quelques semaines ?
- Oui. Je souhaiterais te la présenter, ce soir au dîner.
- Euh... je, d'accord... bon, je vais me changer, alors... balbutié-je en sortant de la pièce.
​Je monte dans ma suite comme dans un rêve. Mon père... amoureux ? En aimerait-il une autre que moi ? Suis-je jalouse ? Je ne sais pas... il aimait ma mère, mais c'était différent... je monte me changer, Lachlyn m'aide sans poser de questions, mais je vois bien qu'elle est inquiète de me voir si silencieuse. J'enfile une robe bleue nuit, Lachlyn me passe un collier autour du cou et me donne une paire de boucles d'oreilles, mais je reste sobre. Je monte sur mes talons, ma femme de chambre me coiffe simplement, et je descends. J'arrive dans la salle à manger, et je découvre mon père en grande discussion avec une belle femme brune, grande et élégante. En m'entendant arriver, ils se retournent tous deux. Mon père sourit timidement, et sa future femme a un immense sourire en me voyant, avant de me voir vraiment ; elle regarde mes hématomes, mon œil au beurre noir, mon immense atèle qui m'emprisonne le bras gauche, mes entailles et ma démarche cassée. Mais elle se ressaisit et sourit bravement.
- Thana ! Ton père m'a tellement parlé de toi ! Je suis si heureuse de te voir... Je m'appelle Sofia.
​Ses grands yeux bleus me dévisagent, et son sourire rouge éclatant me plaît. Elle a l'air gentille, je lui dois bien ça... nous nous asseyons à table, et je les observe, tous deux. Ils semblent si heureux... en vérité, ils rient, complètent les phrases de l'autre, et tout le toutim qui convient à deux amoureux. Et voir mon père aimer une autre femme que ma mère, ou que moi... en fait, d'un côté je suis jalouse de voir que je ne suis plus la seule dans sa vie, mais d'un autre côté, je suis très contente de le voir heureux à son tour.
- Je suis désolée mais je dois retourner au gymnase, je vous laisse, dis-je de manière à abréger le repas. Bon appétit, Sofia, ce fut un plaisir.
Je remonte dans ma suite, enlève ma robe, et me pose sur mon lit. Il me reste une demi-heure avant de retourner au gymnase, mais je me repose, lorsque j'entends quelqu'un qui toque à ma porte.
- Qui c'est ? articulé-j' à Lachlyn.
Elle hausse les épaules, et regarde par le trou de la serrure.
- Ton père ! articule-t-elle à son tour.
J'écarquille les yeux, et file me réfugier dans la salle de bain, sans un bruit.
- Dis que je ne suis pas là, soufflé-j à mon amie.
Elle ouvre la porte à mon père.
- Votre Majesté, dit-elle doucement. Je viens de l'emmener au gymnase.
- Ah... lorsqu'elle reviendra, dîtes-lui de venir me voir.
- Bien, Sire.
Il quitte la pièce. Je sors de la salle de bain.
- J'ai abrégé le dîner, expliqué-je. Papa a rencontré quelqu'un et a décidé de me la présenter ce soir.
- Que penses-tu d'elle ?
- Elle s'appelle Sofia, elle a l'air très gentille, et ils ont l'air totalement amoureux l'un de l'autre.
- Mais ?
- Mais je suis la pire fille qu'il puisse avoir.
Elle soupire.
- C'est normal, d'être jalouse.
- Oh, vraiment ?
- Oui, vraiment, répond-elle en me regardant droit dans les yeux avec un air de défi.
​Je lève les yeux au ciel, et décide d'aller courir, n'en pouvant plus d'avoir si peu bougé pendant ces quelques heures. Avoir eu autant de temps de pause me fait bizarre, et j'ai hâte d'être de nouveau active. De toute façon, dans une semaine, je reprendrais l'entraînement comme d'habitude. J'enfile mon uniforme et sors dans la rue. Je cours pendant une demi-heure, en profitant pour aller rembourser l'homme au relais, et retourne au gymnase. Mon bras me lance horriblement, mes côtes me font terriblement souffrir, mes vertèbres s'y mettent aussi, mais cette sensation de manque d'air dans les poumons due à une longue course me fait du bien.
- Bonsoir Thana, me salue Mentor.
- Bonsoir Mentor, comment allez-vous ?
- Mon Dieu, que me vaut cette bonne humeur ? demande-t-il, vaguement surpris, mais toujours avec sa voix calme.
- J'ai couru un peu.
- Je vois ça. Bien, commençons. Cette nuit... franchement, ton atèle m'ennuie. J'aimerais travailler le corps-à-corps si je veux bientôt passer à l'étape trois, mais bon... le plus important, c'est de travailler tes pouvoirs. Nous allons essentiellement travailler sur ça cette nuit. Pas d'endurance, tu en as déjà fait, mais on va reprendre l'équilibre et l'agilité, il ne faut pas perdre ce que tu as appris. Ah oui ! Vitesse, cette nuit. Il était temps que j'y pense.
​Et c'est reparti pour mon entraînement intensif. De nouveau, cette nuit comme toutes les autres, je me donne à fond, et je ressors en sueur, éreintée, courbaturée et complètement cassée, mais j'ai encore progressée. Je le sens, je le vois. Je file prendre une douche, retourne dans le bureau d'Aymeric qui semble plongé jusqu'au cou dans de la paperasse, mais qui m'accueille avec un sourire et un baiser sur la joue.
- Comment te sens-tu ? Comment s'est passé l'entraînement ?
- Bien, répondis-je, et cette fois, je ne suis pas si sûre de mentir. Et toi, tu nages dans l'administration ?
Il hoche la tête, un sourire scotché aux lèvres.
- Je viens de m'y mettre. Dis-moi, je voulais savoir ce que tu pensais de Sofia...
- Elle a l'ai très gentille, dis-je. Bon, c'est pas tout ça mais je vais retourner en cours alors il faut que je me prépare. Bonne journée !
Et je sors, le laissant seul. Je sais que je l'ai déçu par ma réponse et par ma fuite rapide, mais je ne veux pas penser à tout ça pour le moment. Etonnement, je me sens de superbe humeur, et Mélio le sent. Lachlyn aussi, lorsqu'elle m'amène au lycée, et je sens qu'elle est contente de voir que je suis heureuse, ce matin.
- Mademoiselle Field ! m'accueille la CPE, horrifiée par ce qui me sert de visage.
- Excusez mon absence, j'ai eu quelques contretemps... dis-j' en souriant.
- Bien sûr, bien sûr... balbutie la femme, surprise par mon sourire, si inhabituel.
​Je passe la journée à écouter de la musique, et pour une fois, je ne suis pas la seule à ne rien écouter. Personne n'écoute car c'est le jour des vacances de la Toussaint, ce que tout le monde accueille avec joie. Peut-être est-ce le fait de ne revoir mes camarades de classe qu'au début du mois de novembre qui me réjouit à ce point, mais je passe une merveilleuse journée, à discuter avec une Emilie stupéfaite de me voir de si bonne humeur et un Mélio ravi. Enfin, lorsque nous quittons le lycée, Lachlyn m'amène directement au royaume, et je rejoins mon père dans son bureau.
- Alors ça y est, tu es en vacances ? demande-t-il avec un sourire.
- Oui ! Bon, je vais voir les gens qu'on loge. Comment s'appellent-ils ?
- Il s'agit de la famille Manielle. Chambre...
- 47, je sais !
Et je file. Mais alors que je gravis les escaliers, un vertige épouvantable me prends, mon champ de vision devient flou avant de finir complètement noir, et je me rattrape à la rampe d'escalier pour ne pas tomber. En titubant, je m'assois en attendant que ça passe, et finalement, je me relève une fois que je vois de nouveau clair.
« Qu'est-ce que c'était que ça ? » demande Mélio, me prenant au dépourvu.
« De quoi tu parles ? » demandé-je, tout en sachant parfaitement de quoi il parle.
« Thana, que s'est-il passé ? »
« Un simple vertige, rien de grave, la fatigue sans doute. »
« Tu parles ! A quand remonte ton dernier vrai repas ? »
Je ne réponds rien, gênée. Parce que je n'en ai tout simplement aucune idée.
« Et quelle est la dernière chose que tu as mangée, et quand ? »
Je reste choquée de voir que je n'ai pas de réponse, pour les deux questions.
« Ca suffit, je vais voir Félicie. »
« Non ! Ne fais pas ça, je t'en prie ! »
« Thana, tu ne te souviens même pas de quand tu as mangée pour la dernière fois que tu as mangée ! Tu n'as rien mangée depuis que tu t'es fait tabasser en entraînement, ce qui remonte à la semaine dern... »
Il ne va pas plus loin. Car des tremblements affreux me prennent, aux souvenirs de cette nuit.
« Excuse-moi... » pense-t-il en culpabilisant.
« Ce n'est rien. »
Je reprends ma marche et vais voir la famille Manielle. Ils se révèlent très surpris et touchés de ma visite surprise, m'invitent même à prendre le thé, mais je décline en disant que je suis juste venue prendre des nouvelles.
- Nous allons bien, la suite est très belle et confortable, merci encore Votre Altesse pour votre générosité.
- Tout le mérite revient à Sa Majesté, répondis-j' en souriant poliment.
Finalement, après quelques formules de politesse, je les quitte, et rejoins mon père dans son bureau. J'y retrouve Mélio, qui me regarde avec un air coupable.
« Ne me regarde pas comme ça, ce n'est pas grave, je te l'ai dit. C'est l'entraînement. »
Il soupire mentalement et je me plonge à mon tour dans les affaires.
- Au fait ! m'écrié-je. Qu'ont donnés les votes ?
- Le peuple a accepté, les caméras ont été installées, et nous avons toujours quelqu'un devant les vidéos ! répond avec enthousiasme mon père. Je suis déjà allé voir, tu veux y aller ?
- Oui, je reviens.
Mélio décide d'aller chasser, car « lui a faim, au moins », pour reprendre ses mots, tandis que je file voir les vidéos. En effet, je retrouve un ange penché sur des fides qui retransmettent en direct les vidéos filmées dans le quartier qui cerne le palais.
- Bonjour Monsieur, dis-je.
- Votre Altesse, répond-il en se levant, comment puis-je vous aider ?
- Je viens juste voir ce que les caméras donnent. Qui regarde les vidéos des autres quartiers de la capitale ? Y a-t-il des caméras dans tout le royaume ?
- Dans chaque quartier, un groupe de personne a été engagé pour surveiller pendant des horaires fixes, et appelle le palais en cas de signe étrange. Pour l'instant, seule la capitale est sous surveillance vidéo, je n'en sais pas plus.
- Merci Monsieur. Je vous laisse à votre travail. Ce fut un plaisir.
- Moi de même, Votre Altesse. Bonne soirée.
- Merci.
Je sors de la salle, et retourne voir mon père lorsque j'aperçois Levaque au coin d'un couloir. Je décide de le suivre, lorsqu'il me vient à l'esprit que maintenant, j'ai accès à toutes ses pensées. Je regarde sa nuque, me concentre, et pénètre dans son esprit. Je fouille dans les souvenirs, mais je ne sais où et quoi chercher, alors je décide de remonter jusqu'au Conseil des ministres auquel j'ai assisté. Effectivement, j'ai accès à toutes les pensées qu'il a eu lors de ce conseil...

Des ailes dans le dos - MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant