Des ailes dans le dos - Mort

Chapitre 50

Désolé, ce chapitre est un peu plus court que les autres... Mais le suivant sera mieux ! Bisous à tous, un merci, au moins aussi grand que tous les votes, les commentaires et les vues que vous mettez, pour le plaisir immense que vous nous procurez :)

Une fois n'est pas coutume, je suis pile à l'heure (« Comme quoi, quand tu veux... » « Tu as vraiment cru que j'étais involontairement en retard au lycée ? » « Non. Qui pourrait avaler une salade pareille ? »), et j'aperçois mon amie. Quoi qu'elle en dise, elle est magnifique. Resplendissante de beauté, toute simple dans son jean, emmitouflée dans son manteau qui cache son haut, je ne distingue d'elle que son visage rond.
- Martha !
-Oh Thana ! Comment tu vas ? Wow, tu t'es maquillée ? Thana Loster s'est maquillée, ma parole !
Je ris.
- Eh oui, tu vois, je fais des efforts pour toi ! Bon, je t'emmène au restau ! Prête ?
Elle écarquille les yeux.
- Oh, merci beaucoup ! C'est adorable de ta part ! Prête, bien sûr !
« Elle ne s'y attendait pas. Na ! » m'écrié-je, contente d'avoir gagné cette bataille.
« Evidemment qu'elle ne s'y attendait pas ! Mais tu vois la joie que tu génères en elle par cette invitation ? A mûrir... »
Alors là, je n'ai plus rien à dire. J'entraîne Martha vers Teria, à qui je demande de nous emmener. Et nous voilà rapidement au chaud dans la salle chaleureuse du restaurant, à une table à deux, que j'ai demandé soustraite aux regards. Trop mignon, le restau ! Martha enlève son manteau et s'installe, toute rose, intimidée par mon invitation qui la surprend autant que moi. Je fais de même, pensant bien à rabattre mes cheveux autour de mon cou, et ma coiffure accueille les compliments de mon amie, qui est très surprise du soin que j'ai mis à ma toilette.
- Pour tout te dire, tu peux surtout dire merci à Mélio, sans lui, je serais en jogging-sweat !
Elle rit. Elle est tellement adorable, jolie comme un cœur. Et elle l'ignore, ce qui la rend plus jolie encore. Le serveur arrive avec les cartes, et reste un instant figé en me voyant. Puis il détourne le regard, troublé, et mon amie comme moi pouffons.
- J'aime beaucoup ton haut ! m'exclamé-je.
Elle rougit, et sourit. Il faut absolument que je la mette à l'aise, elle est pour l'instant très tendue.
- Alors, comment se passent tes vacances ? demandé-je en jetant un rapide coup d'œil au menu.
- Bien, je dirais. Je suis retournée quelques jours chez mes parents, on a fêté mon diplôme avec toute la famille et les voisins, ils étaient tellement fiers ! Puis là je suis retournée au palais, comme ça je suis dans la capitale, il y a plus de distractions, bien que ce ne soit pas flagrant. Et puis je reste près de Norbert, que je peux aider s'il le veut. Son examen est bientôt, alors il passe son temps à réviser, s'entraîner, et je l'accompagne souvent, quand je ne suis pas avec Iz.
Et, comme je l'escomptais, parler, mais surtout parler d'elle, la détend. Quelqu'un lui prête de l'attention, et cela lui fait extrêmement plaisir. Elle continue à parler tandis que nous choisissons nos plats.
- Et ça consiste en quoi, la ou les épreuves pour être soldat ?
- Il y a un écrit, et une observation. L'écrit, c'est pour prouver tes connaissances en matière d'armes, de techniques de combats, de stratégie, bref, ce genre de choses, et pour l'observation, il y a deux étapes. La première, simulation de combat en groupe, on voit comment l'élève réagit, quelle est son attitude, face aux ordres et aux ennemis, et la deuxième étape, c'est un combat au corps-à-corps avec un soldat diplômé. Le test vient parfaire ton dossier, établi depuis la rentrée, avec tes résultats en tir, en combat etc.
- Pourquoi seulement depuis la rentrée ? Il doit pas y avoir beaucoup de notes, du coup...
- En, fait, la première année, il n'y a qu'un examen à la fin, et tu passes ou tu changes de filière. Pareil pour la deuxième année, et ensuite tu as tout l'été pour te préparer au mieux, parce qu'à la rentrée, tu as beaucoup moins de cours, c'est surtout de la révision avec les professeurs, avec des examens beaucoup plus fréquents, pour te fournir un dossier pour tes examens définitifs, en décembre.
- Et pourquoi tout le monde ne passe pas en même temps ?
- Tout est fait pour que tu réussisses. Donc à partir du premier décembre, la période d'évaluation est ouverte, et si tes résultats sont bons, tu peux passer l'examen, s'ils le sont moins, tu peux continuer à passer des évals avec les profs pour rattraper ton dossier, et être prêt pour l'examen final.
- C'est hyper intelligent, comme système. Ce qui explique que tu sois passée si tôt... dis-je en souriant.
Elle sourit de toutes ses dents, très fière.
- Alors comme ça tu es allée voir ta famille ? Comment va ton frère ? Et tes parents ?
- Lucien va bien, il a une clientèle qui devient de plus en plus stable, c'est cool, il est plutôt content, et mes parents vont bien aussi, ils sont un peu fatigués, mais c'est avec la période de Noël, ils sont un peu surchargés de travail. Mais ils ne vont pas s'en plaindre !
- Les gens commandent déjà leurs vêtements pour le bal ?
- Oh oui, comme tout le monde y va, les gens ont intérêt à s'y prendre tôt, s'ils veulent être sûrs d'en avoir !
- Tu as commandé ta robe ?
- Pas encore, je n'ai aucune idée du modèle qui m'irait...
- Il faut choisir son modèle ?!
- Oui, tu dessines le modèle que tu veux, avec les mensurations, et tous les détails qui sont nécessaires à la confection de la robe, tu vas choisir le tissu en magasin, et tu notes les références de chaque tissu, pour que le tailleur puisse l'effectuer. Ensuite, une fois qu'elle est prête, tu vas la chercher, tu l'essayes là-bas, tu vois si elle te convient, et si besoin, tu demandes des modifications.
- Il faut dessiner le modèle ?! C'est dingue ça...
Elle rit.
- Et pourquoi tu ne t'inspires pas des modèles précédents ? demandé-je.
- J'ai eu ma majorité cette année, et avant que tu l'atteignes, tu dois porter des vêtements assez... comment dire ? Un peu petite fille tu vois ? Enfin, tu choisis comment tu veux t'habiller, évidemment, mais pas de décolleté, ou de vêtements trop moulants, de shorts trop courts, ou des trucs comme ça. Et chaque année, c'était ma mère qui dessinait le modèle, elle me demandait si ça m'allait, on allait choisir le tissu, et voilà. Mais c'étaient toujours des modèles très sages, si tu vois ce que je veux dire. Et cette année, ma mère m'a dit que comme j'avais dix-sept ans, je pouvais dessiner mon modèle. Ça signifie clairement qu'elle a compris que je suis grande et que je peux porter des trucs un peu plus... osés, en quelque sorte.
Alors que je m'attendais à ce qu'elle rougisse, il n'en est rien, et elle sourit, confiante. Si elle savait combien elle est belle, lorsqu'elle se sent à l'aise.
- Et tu n'as même pas d'ébauche, pour l'instant ?
- Si, vaguement... Tiens, je vais voir si je l'ai là.
Elle fouille dans son sac, et en sort un papier un peu froissé. Elle me le tend.
- OK, je vois ce que tu veux dire, murmuré-je avec un sourire.
Les traits sont vagues, rien n'est défini précisément, mais la forme est plus ou moins choisie. Le devant est assez sage, avec un décolleté carré, une taille cintrée, et une jupe évasée qui descend jusqu'aux pieds, mais derrière, la robe dévoile le dos de Martha.
- Tu vas être superbe dedans, dis-je en lui tendant le papier.
- Merci, dit-elle en rosissant.
Le serveur nous aborde alors.
- Vous avez choisis, mesdemoiselles ?
Je me tourne vers Martha.
- Pour moi, ce sera une dorade aux légumes, dit-elle en lui tendant la carte.
- Et je prendrai des courgettes farcies. Vous pourriez me mettre de la farce aux légumes, s'il-vous-plaît ?
- Bien sûr.
- Merci.
Il repart. Elle me regarde, l'air surprise.
- Tu ne prends pas de viande ?
- Je suis végétarienne.
- Ah oui, c'est vrai.
Je vois dans ses yeux qu'elle voudrait demander pourquoi, mais la supplique qu'elle lit dans les miens l'en dissuade. Elle est tellement délicate, et attentionnée !
- Tu dis qu'Iz a un date ? demandé-je, curieuse.
- Oui ! répond-elle, enthousiaste. En fait, je pense qu'il la connaît depuis quelques semaines, parce qu'il est littéralement accroché à son fide, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à tel point que je le lui confisque pour qu'il puisse m'aider à faire réviser Norbert. Il est trop mignon, au moindre bruit il se tourne vers son fide pour vérifier qu'il a pas de message, il lui écrit des romans à chaque fois, j'ai l'impression qu'il lui parle jusque tard le soir parce qu'il a l'air extrêmement fatigué, et là, c'était son premier rendez-vous avec elle, tu aurais vu l'état dans lequel il était ! Il a fait une sieste pour avoir l'air reposé, il a mis des heures pour choisir ses fringues, d'ailleurs il a demandé l'aide de Norbert et Maxime, il a acheté un nouveau parfum, il lui a acheté un cadeau, bien qu'il ait refusé de me dire ce que c'était, il était près trois quarts d'heure en avance, enfin bref, il est bien accro, quoi ! D'ailleurs c'était hyper drôle parce que comme Max sort avec Milie ce soir, ils se sont fait une « réunion de guerre », comme ils appellent ça, pour choisir leurs vêtements ensemble, c'était génial !
Elle éclate de rire, et je la suis.
- Bah aujourd'hui, Emilie m'a dit qu'elle aurait besoin des deux heures entre la fin des cours et l'heure de son rendez-vous avec Maxime pour être prête, pareil ! Ah d'ailleurs, t'en penses quoi d'eux deux ?
Elle cesse de rire et réfléchit.
- Je connais Max depuis que je suis toute petite, on est nés à quelques jours d'intervalles, on allait à la crèche ensemble, je le protégeais contre les autres gamins qui lui tapaient dessus, on a été de nombreuses années dans la même classe, nos parents étaient et sont toujours amis. Je l'ai vu grandir, changer, et surtout se créer une façade qui ne lui ressemble pas. Je sais qu'il est toujours le même parce qu'il n'a pas changé de comportement avec moi, mais les gens ne le voient plus comme il était. Et je connais également Emilie depuis de nombreuses années, depuis la primaire je dirais. Je l'adore, et nous sommes très proches, car nous étions jusqu'ici les deux seules filles avec les trois garçons, c'est d'ailleurs grâce à ça je pense qu'on est devenues si proches. Et je dirais qu'ils auraient formés un couple parfait étant gamins, mais que ce n'était plus forcément le cas aujourd'hui. Elle attend de lui qu'il s'ouvre à elle, qu'il lui confie ses faiblesses, ses peurs, elle veut une relation en douceur, quelque chose de « tendre », entre guillemets, et je la comprends totalement puisque je veux la même chose, mais je ne suis pas sûre qu'il soit prêt pour ça. Il est encore trop gamin, trop adolescent, trop fier et arrogant en apparence pour être prêt à ça. Je ne sais pas du tout ce que ça va donner, j'attends de voir. Et toi ?
- Mmh... j'ai peur de voir Maxime comme il voudrait qu'on le voit, en fait, et je m'en veux pour ça, je m'en veux d'être incapable d'aller au-delà des apparences. Et Emilie... je suis totalement d'accord avec toi, elle veut que les choses soient calmes et douces, elle veut rire avec lui mais pas qu'il se moque d'elle, elle veut qu'il la protège mais elle veut aussi le protéger en retour. En fait, d'après ce que je crois comprendre de ce que tu me dis sur lui, j'ai peur qu'elle ne veuille sortir avec le petit garçon qu'il était, et pas l'homme qu'il est maintenant.
- Il n'a changé qu'en apparence, Thana. Il est toujours le même, au fond, et je crois que c'est pour ça que je leur donne une chance.
- Il y a une différence entre changer en apparence et changer d'apparence. Tu vois la première option, peut-être que je vois la deuxième. Et la nuance est grande, parce que dans le premier cas, ça veut dire qu'il n'a pas vraiment changé, qu'il est resté le même malgré ce qu'il montre, alors que dans le deuxième, ça veut dire que ce changement pourrait peut-être aussi s'effectuer dans son caractère, et pas seulement en apparence. Tu vois ? Donc je pense que le changement que l'on voit n'est pas forcément une mascarade complète. Je ne le blâme absolument pas, je dis juste que peut-être qu'elle s'accroche, et peut-être que toi aussi dans ce cas, à une image ancienne de lui, plus forcément d'actualité.
Elle me regarde, et j'ai peur qu'elle ne le prenne mal. Il n'y a aucun blâme dans ce que je dis, ni contre lui, ni contre Emilie, ni contre elle, mais avec ma manière toujours si subtile et délicate de présenter les choses...
- Je comprends ce que tu veux dire, et je trouve que c'est une réflexion très intéressante. Cependant, et je tiens compte de ta réflexion, ce n'est pas de l'obstination pure et dure, dit-elle en riant, je m'en tiens au premier cas, dans la mesure où, pour moi, son comportement avec les gens en qui il a confiance n'a pas changé. Et t'inquiètes, je ne le prends pas mal, je sais que tu n'as aucune intention de cracher contre nous, ajoute-t-elle avec un clin d'œil et un sourire qui me rassurent. En tout cas, je doute que leur soirée se passe mal, vu le temps qu'ils ont consacré à se faire beaux !
Je ris, et elle aussi. Ouf, merci de détendre l'atmosphère.
- Et de ton côté il n'y a personne ? demande-t-elle.
- Non, personne, et ce n'est certainement pas une surprise ! Si quelqu'un arrive à me faire éprouver des sentiments, chapeau bas !
Me traverse alors l'esprit le souvenir de la scène de la piscine, ainsi que celle du baiser au lycée, avec Lachlyn. Mais ce n'est rien, rien d'autre qu'une alchimie physique entre nous, ce n'est donc pas un mensonge que de dire qu'il n'y a personne à Martha. De toute façon, mon nez ne m'aurait pas trompé.
- Et toi ? demandé-je, taquine, connaissant déjà la réponse.
Elle se tortille une brève seconde sur sa chaise, et les plats arrivent à ce moment. Sauvée par le gong, visiblement.