Chapitre 24

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En vérité, il s'est avéré que Mentor voulait me faire reprendre dès le lendemain. A sept heures pétantes, il est arrivé telle une tornade dans l'infirmerie, m'a réveillé, m'a filé mes vêtements, que j'ai enfilé, avant de le suivre sous les hurlements de Félicie. Et me voilà maintenant dans le gymnase à souffrir le martyre en m'étirant. En m'étirant seulement ! J'ai mal partout, tout le temps, et le moindre mouvement amplifie la douleur.
- Bon, au programme aujourd'hui... tu as finalement utilisée ton pouvoir d'invisibilité, brièvement, mais tu l'as utilisée. Nous allons travailler sur ça, nous allons continuer le contrôle des éléments, un peu d'endurance, et de l'équilibre. Bien, commençons.
Et c'est reparti. Nous commençons par l'exercice de la boule d'eau, qui me lasse considérablement, mais je ne dis rien et m'exécute, comme d'habitude. Nous y travaillons toute la matinée, nous sautons le déjeuner pour travailler mon équilibre, ensuite je cours deux heures, mais c'est bien pire que d'habitude, car à chaque pas, le choc se répercute jusqu'au haut du corps, qui me le fait bien sentir, et l'après-midi est chamboulé par l'arrivée fracassante d'un roi hors de lui.
- Aurélien, ça suffit ! Dans mon bureau, immédiatement ! Thana, ma chérie, retourne à l'infirmerie, dit-il tendrement en m'embrassant sur la joue, un geste que j'adore, car il montre tout l'amour qu'il éprouve pour moi.
Je quitte le gymnase pour retrouver mon lit blanc. Et m'y attend une surprise de taille, qui me fait plus plaisir que n'importe quoi au monde.
- Mélio ! hurlé-je bonheur, alors que le grand lion se précipite sur moi.
Son museau trouve sa place habituelle dans mon cou, et mon bras valide entoure sa grosse crinière.
« Quatre jours que j'attends de te voir, c'était une torture... » pense-t-il.
« Je suis tellement heureuse de te voir, tu n'imagines même pas... »
J'enfile une chemise de nuit à la place de mes vêtements, et me couche dans mon lit. Mélio monte à côté de moi, car, toute cassée comme je suis, il ne peut se poser nulle part sur moi. Mais il pose sa patte sur ma cuisse, un geste que j'adore, et sourit, heureux de nos retrouvailles.
« Pourquoi n'as-tu pas pu venir avant ? »
« Félicie n'était pas au courant de mon existence, et Aymeric a hésité à la mettre au courant, mais je n'en pouvais plus, alors il a craqué. Je l'ai bien harcelé, le pauvre... »
Je souris, heureuse qu'il l'ait fait. Car maintenant il est là, avec moi. Quelque part, j'aimerais qu'il aille assister secrètement à la discussion entre mon père et Mentor, mais j'ai encore plus envie qu'il reste avec moi, et le côté égoïste l'emporte. Tant pis pour la discussion. De toute façon, vu l'état dans lequel était mon père, il va certainement engueuler Mentor, et voilà. Pour l'instant, la seule chose que je veux, c'est m'endormir aux côtés de mon lion, sa patte sur ma cuisse. Souhait exaucé.

​Visiblement, c'est mon père qui a perdu le combat entre Mentor et lui car ce matin, c'est le charmant visage de mon maître qui me réveille. Il me balance mes vêtements, et me voilà obligée de le suivre. Même programme que la veille, sauf que cette fois Mélio assiste à l'entraînement, ce qui me réconforte. La journée passe lentement, et ça me fait bizarre de voir qu'il fait jour dehors. De dormir la nuit. Je suis éreintée, et le moindre effort me fait souffrir. De plus, ce que me donne Félicie à boire accentue la douleur sur ma clavicule, mes côtes et mes vertèbres, ce dont je me serais bien passée.
- Bien, commence Mentor lorsque je vois que le soleil entame sa descente. Passons à ton d'invisibilité. Active le gène.
​Et aussitôt me reviennent en mémoire les vingt hommes me tabassant sans merci. Je frissonne, étouffée par la peur, et me recroqueville légèrement sur moi-même. Les yeux de Mentor s'écarquillent, et je ne sais quoi en déduire.
- Maintenant, dit-il, promène-toi dans la pièce en gardant le gène activé.
​Il est activé ? Je ne sais absolument pas comment ça se fait, mais pour l'instant, je me tais et fais ce qu'il dit en gardant bien à l'esprit que si je n'y arrive pas, les hommes vont revenir. Je déambule dans la pièce en gardant un œil sur la porte du bureau, de peur de les voir arriver.
- Maintenant, dirige-toi vers la porte de sortie du gymnase, allonge-toi par terre sur le dos, et pousse la porte avec ton pied.
​Je m'exécute, mais la porte est affreusement lourde et c'est difficile. Il faut que j'y arrive car sinon les hommes vont revenir, et Mentor va être furieux. Dans un sursaut de peur, la porte s'ouvre, et je me relève.
- Va vers le mur d'escalade, mets ton baudrier, et monte sur le mur.
​Je vais chercher le baudrier de sécurité et commence à le mettre, mais soudain j'entends la porte qui donne sur le bureau s'ouvrir, et je me mets à trembler horriblement. Le mousqueton tinte violemment et de manière répétitive sur la partie métallique du baudrier, mais je ne peux arrêter mes tremblements, effrayée à l'idée que ce soit eux. Il faut que j'active le gène, il faut que j'active le gène.
- Cesse de faire tout ce bruit, sinon on te repère, gène ou pas gène ! s'exclame Mentor.
​Cela redouble mes tremblements, mais j'inspire un bon coup et arrive enfin à placer le mousqueton au bon endroit. Je commence mon ascension.
- La journée est terminée, dit alors Mentor en sortant du gymnase.
Je descends, en lève mon équipement et sors du gymnase le plus vite possible. Une fois dehors, ma peur se dissipe, et je respire à nouveau. L'air frais entre dans mes poumons, et je me rends à quel point j'avais chaud. Le vent est froid, car c'est déjà la mi-octobre, mais il me fait un bien fou. Mélio, qui était parti chasser, viens me rejoindre.
« Comment c'était ? »
Je lui retranscris en images la fin du cours, et il frissonne lorsqu'il comprend la peur qui m'a guidée.
« Viens. Rentrons au château. »
​Je monte sur son dos, mais ne peux retenir une grimace de douleur. Il m'emmène dans ma suite, où Lachlyn m'attend. Elle m'aide à retirer mes vêtements, me passe ma chemise, m'aide à l'enfiler, et me guide jusqu'à mon lit. Elle me borde, et m'embrasse doucement. Mélio se couche à côté de moi, une patte sur ma cuisse, et sa tête sur mon bras droit. Félicie arrive alors que je cherche le sommeil, me branche une perfusion, et le liquide glacé se répand dans mes veines.

Des ailes dans le dos - MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant