Chapitre 31

3.4K 270 7
                                    

- Bon, maintenant que ton père sait, nous allons arrêter les recherches sur tes origines et nous concentrer entièrement sur ton entraînement. Il faut encore que nous travaillions le corps-à-corps, tes pouvoirs, et un peu de musculation. Aujourd'hui, j'ai envie de faire quelque chose de nouveau. Je veux que tu étendes ton pouvoir d'Invisible à Mélio.
Je le dévisage, les yeux ronds. Ben voyons.
- Bien, commençons.
Je me retiens de lever les yeux au ciel en entendant cette phrase répétée jour et nuit.
- D'abord, active ton pouvoir.
Aussitôt, l'attaque me revient en mémoire et la peur me gagne. Je jette un regard furtif vers la porte du bureau, et me concentre pour étendre mon pouvoir jusqu'à Mélio. J'essaie de donner mon pouvoir à Mélio, mais voyant l'échec où ça me mène, je prends peur, pénètre dans son esprit, et étend mon pouvoir avec une facilité que je n'aurais pas soupçonné.
- Continue comme ça, déclare Mentor, et je sens quelque chose d'étrange dans sa voix.
Je le regarde mais il ne montre rien, évidemment. Je rayonne, prenant cette phrase comme un compliment. Mélio est ravi, lui aussi.
- Maintenant, garde ton pouvoir étendu à Mélio et toi, et commence tes pompes.
J'entame ma cinquantaine de pompes, lorsque Mentor sort un chronomètre.
- Maintenant, je vais te chronométrer, pour voir combien de temps tu mets pour faire tes pompes, et tu vas devoir faire toujours mieux que la fois précédente, à l'avenir. Compris ?
Je hoche la tête, concentrée sur mon pouvoir, Mélio, le chronomètre, mes pompes, et la douleur qui accompagne l'effort. La nuit peut commencer.

- Bon, les vacances scolaires sont terminées, alors on se revoit demain soir, dit Mentor quelques jours plus tard.
Je sors du gymnase, éreintée par cette nuit, par ces deux semaines intensives, par tous les évènements qui se sont enchaînés. Je ne sais pas combien de temps d'entraînement il me reste, mais je ne suis pas sûre de tenir, à vrai dire. Je me suis toujours vue comme une fille forte qui pouvait tout affronter mais à présent, je me vois comme une petite poupée fragile qu'un coup de vent briserait. Je suis fatiguée, tellement fatiguée... j'ai honte de le dire, mais je regrette presque la monotonie de mon ancienne vie. C'est vrai, maintenant j'ai Mélio, Aymeric, Norbert, Martha, Iz et Maxime, Lachlyn, Teria, Malcom, je suis riche et héritière du trône, mais je suis fatiguée. Je rentre dans ma suite pour me préparer pour le lycée, et Lachlyn nous emmène, Mélio et moi. Nous retrouvons une Emilie fatiguée aussi, les traits tirés, mentant de manière peu convaincante à ses amis en leur disant que tout va bien. Elle n'a jamais été douée pour jouer la comédie. Elle laisse ses amis pour me rejoindre.
- Le procès commence demain, ma mère est appelée au château, murmure-t-elle de manière à ce que Mélio et moi soyons les seuls à l'entendre.
Je ferme les yeux une brève seconde, pendant que cette nouvelle s'ajoute à ma pile de problèmes.
- Bon, vu qu'on retourne au palais ce soir, je vais demander l'heure du début de l'audience, et je vais faire en sorte qu'on y assiste, dis-je pour la rassurer.
- Non, ma mère m'a interdit d'y assister, réplique-t-elle.
- Comment ça ?
- Elle dit que je n'y ai pas ma place, répond-elle en détournant les yeux.
- Qu'est-ce que tu me caches ? demandé-j' en fronçant les sourcils.
- Rien.
Elle ment, et ça m'énerve. J'essaie de l'aider et elle ment.
- Tu mens, dis-je calmement, essayant de dominer ma colère. J'essaie de t'aider, et tu me mens.
Elle baisse les yeux, honteuse.
- Ecoute... j'ai un pouvoir de persuasion. Et quand je veux vraiment quelque chose, je ne peux pas retenir mon don, même si je le voulais. Donc si je vais assister au procès, je ne vais pas pouvoir retenir mon pouvoir et on va l'accuser de m'avoir amené pour gagner le procès.
Et c'est là que je réalise le peu d'informations que j'ai sur mes amis et même sur Emilie. Je n'étais pas au courant de son pouvoir bon sang ! Je reste sans voix.
- OK, alors je vais voir si je peux trouver un moyen d'avoir des comptes-rendus fiables des séances.  Pour l'instant, on devrait aller en classe sinon tu vas être en retard pour la première fois de toute ta scolarité.
Elle rit et nous nous rendons en cours, moi en traînant les pieds comme jamais. En chemin, je croise le prof de français, qui me dit ça avec un ton menaçant qui me fait sourire.
- Vous viendrez me voir à la pause, j'ai à vous parler, Mademoiselle Field.
Aaaah, c'est beau de rêver... en cours d'anglais, je m'endors, je suis réveillée in extremis par mon amie lorsque je suis interrogée, et comme d'habitude je n'ai pas la réponse, mais pour une bonne raison, cette fois. La journée est longue, et je me rends compte à quel point la bonne humeur de mon amie est importante pour moi, et cela malgré Mélio qui me soutient. Lors de la pause déj, j'aperçois Lachlyn qui m'attends, et je la rejoins tranquillement.
- Va chercher Emilie s'il te plaît, on va au restau, demande-t-elle.
Je tourne les talons et cours à travers la cours pour trouevr mon amie, qui discute avec ses amis.
- Emilie ! appelé-je. Lachlyn nous emmène au restau.
- En quel honneur ? demande-t-elle en plissant les yeux, méfiante.
- Aucune idée.
Nous sortons de l'établissement, et nous marchons jusqu'au centre-ville où Lachlyn a réservé une table pour nous trois. Nous nous asseyons, et nous commandons. Je prends une salade caeser et une grosse côte de porc pour Mélio, Emilie prend des nuggets de poulet avec des frites et Lachlyn commande un hamburger.
- Merci pour l'invitation, dis-j' en me tournant vers ma femme de chambre.
- De rien, mais ce n'est pas une invitation de courtoisie, je dirais, répond-elle en baissant les yeux.
- Que se passe-t-il ?
- Une fois que tu es partie au lycée, je suis retournée au royaume, et je remontais dans ta chambre quand j'ai entendu des cris près du bureau. Je sais que je n'aurais absolument pas dû faire ce que j'ai fait, mais je me suis approché, et j'ai écouté à la porte. Ton père hurlait qu'il en avait plus qu'assez de ne pas se faire écouter, que c'était lui le roi, et que comme il était actuellement en pleine possession de ses moyens, ses ministres n'avaient aucune excuse pour prendre des décisions à sa place, que le procès n'aurait certainement pas lieu, car il ne permettrait certainement pas ça. Sur ce, il a violemment congédié son ministre, je ne savais toujours pas à qui il parlait, je me suis cachée quand le premier ministre est sorti du bureau, tout rouge. A ce moment-là, ton père a appelé Forte, et a ordonné qu'on l'emmène chez ta mère, Emilie, dit-elle se tournant vers mon amie.
Je reste silencieuse.
- Sauf que ça n'est pas fini... en plein milieu de la discussion, je ne sais pas pourquoi, il s'est mis à hurler qu'il était hors de question que la situation continue de lui échapper comme elle le faisait suite à ton exil. Puis il s'est tut, et a déclaré si bas que j'ai cru que je n'allais pas l'entendre, que ton exil était d'ailleurs très bizarre, en y repensant. Puis il a repris la conversation. Quand le premier ministre a quitté le bureau, il avait l'air très préoccupé, et comme je savais que ton père partait chez Laura, je suis repartie dans la chambre. J'ai préféré vous prévenir toutes deux maintenant.
- Merci infiniment Lachlyn, s'exclame Emilie en sourit faiblement.
- oh, Emilie, d'ailleurs, le procès est actuellement suspendu, donc aucun souci à se faire pour le moment.
- Merci pour toutes ses informations, Lachlyn, je vais voir ce que je vais en faire... répondis-je.
En vérité, cette idée d'exil me revient à l'esprit, et je me souviens de ma promesse de trouver ceux qui m'ont exilé.
- Emilie, Lachlyn, nous devons faire comme si nous ne savions rien, mon père et ta mère nous raconterons tout ce soir, dis-je, pensive.
​En fait, la situation est très bizarre. Mélio ne me cesse de me répéter que j'ai une énorme puissance, Mentor me pousse dans mes retranchements pour me pousser à faire mieux, il m'enjoint même d'étendre mon pouvoir à Mélio, et pourtant... pourtant j'ai été exilé pour puissance insuffisante. Aurais-j' eu une « poussée de puissance » ? Mais pourquoi ? Surtout que la Terre est réputée pour être relativement hermétique à toute forme de magie. Est-ce que mon pouvoir s'est exprimé avec l'âge ? Ce qui expliquerait également la découverte d'eux ? Je ne sais pas quoi penser, tout ça se retourne dans ma tête, c'est très confus. Je réprime une soupire. Déjà, la bonne nouvelle, c'est que le procès est momentanément suspendu, ce qui est une nouvelle de taille, et qui détend considérablement mon amie. Nous mangeons, Mélio dévore sa côte, je touche à peine à ma salade, Emilie retrouve le sourire, rie, et je m'efforce de rire également. Mais mes questions se bousculent dans mon esprit. Soudain, j'ai une idée. Je regarde Lachlyn, et décide d'attendre la fin du déjeuner. Elles prennent toutes deux un dessert, puis c'est l'heure de retourner en cours. Lachlyn règle la note et nous retournons au lycée.
- Je viens dans un instant, m'excusé-j' auprès d'Emilie, qui hoche la tête et va rejoindre ses amis. Lachlyn, j'ai un service à te  demander, dis-j' en me tournant vers elle.
- Quoi donc ?
- Lorsque mon père a déclaré ce matin que c'était d'ailleurs bizarre que j'ai été exilé, ou un truc comme ça, il m'est revenu en mémoire que j'avais juré de retrouver ceux qui m'ont exilé. Pour cela, j'aimerais savoir si tu pouvais, grâce à mon fide, avec lequel je peux avoir accès à toutes les informations confidentielles du royaume, chercher où se trouve le dossier qui contient les informations recueillies à ma naissance, et aller le chercher, si c'est possible. Tu es la seule à connaître mon code pour déverrouiller mon fide, fais attention que personne ne te vois, parce que je peux avoir accès à n'importe quoi avec. Tu accepterais ?
- Bien sûr, je vais essayer de le trouver. T'inquiète, je sais à quel point ton fide doit être bien gardé, parce que je sais toutes les informations qu'on peut recueillir avec, dit-elle avec un clin d'œil.
- Merci, tu me sauves la vie.
Je lui donne la plaque bleue que je ne quitte jamais, et retourne en cours.
« C'est dangereux, ce que tu lui demandes de faire. » pense Mélio.
« Je sais. Mais si elle se fait arrêter, je dirais que je lui ai donné l'autorisation royale pour avoir accès à ces dossiers. »
« Tu lui demandes de les voler ! »
« Non ! J'ai bien l'intention de les remettre à leurs places, mais j'en ai besoin, alors je les emprunte pour un moment, c'est tout ! »
Il grogne et se tait. Je m'assois dans la salle de français, il grimpe sur mes genoux et se met à ronronner doucement. Il pose son museau sur ses pattes avant, et sa position m'évoque un chat en train de dormir. Je souris, attendrie, et je sens qu'Emilie sourit aussi. Le professeur entre en classe, me regarde, les sourcils froncés et ses minces lèvres pincées, et m'appelle.
- Mademoiselle Field, venez me voir un instant.
Je soupire, et le suis.
- Vous n'êtes pas venue me voir, vous n'avez pas donné mon mot à la CPE, et vous osez vous présenter à mon cours. J'attends des explications.
- Je n'en ai aucune à donner, Monsieur.
- Pourquoi n'avez-vous pas donné mon mot ?
- J'avais la flemme.
- Pourquoi êtes-vous pas venue me voir ce matin ?
- J'avais la flemme.
La vraie réponse est que j'ai oublié, mais j'adore le voir fulminer alors je fais mon insolente, je le regarde droit dans les yeux et réponds de manière posée. C'est- le meilleur moyen de les énerver. Je le sais bien, j'ai de nombreuses années d'expérience.
- Pourquoi êtes-vous venue en classe malgré mon interdiction ?
- Pour être avec mon amie.
- Votre insolence est intolérable, mademoiselle, je ne saurais en supporter plus. Vous vous croyez tout permis, mais vous allez faire preuve de plus de respect à mon égard, je vous préviens.
- Sinon quoi ? demandé-j' en levant un sourcil et en prenant l'air le plus narquois et insolent possible.
- Suivez-moi, fulmine-t-il, hors de lui.
Je le suis tranquillement, un chewing-gum dans la bouche et les mains dans les poches. Nous nous rendons chez la CPE, qui nous ouvre, surprise, avant de m'apercevoir derrière la silhouette longiligne de mon prof.
- Mademoiselle Field, Monsieur Lecra, que me vaut cette visite ? demande-t-elle en retenant un soupir.
- Je demande le renvoi de mademoiselle Field.
J'écarquille les yeux une brève seconde. A ce point-là ? Seigneur ! La CPE réagit de manière plus violente.
- Un renvoi ? s'exclame-t-elle en baissant la tête, faisant tomber ses lunettes sur le bout de son nez.
- Mademoiselle Field a selon moi dépassé les bornes, elle se montre insolente et désobéissante depuis des années, refuse de faire le travail demandé, ne se rend pas aux heures de colles que nous lui attribuons, et a une mauvaise influence sur Mademoiselle... (Emilie), hurle presque le prof, à bout de nerfs.
Je souris tout au long de son discours, mais mon sourire narquois flanche à sa dernière phrase. S'il y a un bien une chose que je veux éviter, c'est d'attirer des ennuis à Emilie. Mais je souris de nouveau, car je sais que c'est une excuse fausse.
La CPE me regarde. Elle soupire.
- Jetez ce chewing-gum, Thana, vous savez qu'ils sont interdits en cours.
Je la regarde droit dans les yeux, et mâche de manière prononcée. Elle me fusille du regard avant de reprendre le contrôle d'elle-même.
- Je ne suis pas en cours, répliqué-je.
- Eh bien ils sont interdits dans mon bureau ! réplique-t-elle vivement.
- Ce n'est pas écrit dans le règlement, répondis-je.
Je souris. Elle lève les yeux au ciel.
- Chez le directeur, Mademoiselle Field.
Le prof, la CPE et moi nous rendons donc chez le directeur. Celui-ci ne se révèle nullement surpris de me voir en si belle compagnie, et invite le prof de français à entrer dans son bureau. Grâce à mon ouïe fine, j'entends l'intégralité de leur échange.
- Je n'en peux plus, vous comprenez ? Elle me pousse à bout ! ELLE ME POUSSE A BOUT ! hurle-t-il avec une voix aigüe où résonne une hystérie désespérée. Je n'ai aucun moyen de pression sur elle, aucun moyen de me faire respecter !
​Le directeur pousse sa chaise qui racle sur le sol en un bruit très peur agréable, et parle tout bas à Lecra, qui sanglote. Il sanglote ! J'écarquille les yeux, surprise, et... nullement touchée par ses larmes. Je m'en fiche royalement. La CPE attend patiemment, en me regardant attentivement, et je sens son regard qui descend sur moi. Je me tourne vers elle et la regarde fixement, jusqu'à ce qu'elle détourne le regard gênée. Je continue de la détailler du regard, elle utilise la même technique que moi, se tourne pour me regarder ostensiblement, pour instaurer une gêne, mais je continue de la scanner de haut en bas, n'ayant cure de sa gêne. Elle soupire et jette l'éponge. Enfin, le prof sort du bureau, les yeux rouges et le nez dans un mouchoir, et me jette un regard assassin, avant de quitter le bâtiment. C'est au tour de la CPE d'entrer dans le bureau. Le directeur lui demande ce qu'elle pense d'un renvoi provisoire, puis d'un renvoi définitif, et elle répond que de toute façon, malgré ma désobéissance constante, je n'écouterais pas plus dans un autre lycée, et que comme je réussis toujours à passer au niveau supérieur, elle ne voit pas l'intérêt d'un renvoi définitif. Cependant, elle pense qu'un renvoi provisoire pourra contenter Lecra, même s'il n'aura aucun impact sur moi. C'est qu'elle commence à me connaître, la CPE ! Je souris. Je crois que je l'apprécie, au fond. Elle n'est pas méchante, du moins pas avec moi, et elle me défend, alors que je la défie depuis toujours, que je ne viens jamais à ses heures de colles, et que je n'obéis pas. Mais elle est certainement la seule adulte du lycée que j'estime et que je respecte un peu. Elle le sait, et en tient compte. Comme on dit, on fait avec ce qu'on a. Enfin, le directeur acquiesce, et la femme sort. Elle me regarde un bref instant, et soudain je me retrouve en elle.
​Je crois qu'elle m'estime, en soi, elle m'apprécie un peu, car je suis celle avec laquelle elle est la plus gentille, contrairement à ce pauvre Lecra, il faudra trouver une autre solution entre elle et lui, il ne me supporte plus. Pourquoi me regarde-ais-je ainsi ?
- Thana ? appelé-je.
- Thana ? appelle-t-elle.
Je reprends mes esprits, cligne des yeux, et je sens que mon esprit casse les barrières de ma volonté et se met en quête d'esprit à lire, à envahir. Je pense à ma muraille, très fort, hoche brièvement la tête à l'intention de la CPE, et entre dans le bureau. Le directeur m'invite d'un geste à m'assoir, ses lèvres bougent, son regard me suit, mais je n'écoute pas, concentrée sur ma barrière. Je sais que si je flanche un peu, juste un peu, mon esprit passera par la faille et je perdrais le contrôle. Enfin, je respire à fond, et prête attention aux derniers mots du directeur qui me regarde, un peu perplexe par mon expression absente.
-... donc la prochaine, je ne pourrais pas t'éviter le renvoi provisoire, d'accord ?
Je hoche la tête, il me signifie que l'entretient est terminé, je me lève et sors. Une migraine emprisonne mon esprit, je soupire, et me rends sur la pelouse bordée par la piste de course. L'herbe est glacée par l'hiver qui s'installe, mais l'odeur est délicieuse, et Mélio, qui était resté avec Emilie, me rejoint en trottinant.
« Ça va mieux ? » demande-t-il en fronçant les sourcils, inquiet.
« Oui, c'est passé. »
Je réfléchis un bref instant, et lâche, tout à trac :
« Ça me fait peur. Non, ça me terrifie. C'était vraiment in extremis, aujourd'hui. Je n'ai aucun contrôle, c'est vraiment flippant. »
Il s'allonge à son tour sur l'herbe et pose sa grosse tête sur mon ventre, son museau au creux de mon cou.
« Je sais, Thana. Mais je vais tout faire pour t'aider, je te le promets. »
« Mais si je perds le contrôle, tu ne pourras pas me retenir, Mélio ! » 
Il soupire.
« Ce soir, nous allons voir Mentor, et nous allons lui demander de travailler sur ça. »
« Pour que je paraisse encore plus incapable de réussir à ses yeux ? Non merci. » pensé-je, acerbe.
« Mais ravale ta fierté, bon sang ! Ton don te met en danger, alors cesse d'être à ce point orgueilleuse, tu sais que Mentor est le seul à pouvoir t'aider, or tu as besoin d'aide ! » s'énerve le lion en se redressant sur ses pattes, ses yeux presque transparents assombris par sa colère.
« Ben voyons ! Je passe déjà suffisamment pour une moins que rien, je ne vais pas non plus aller le voir et lui dire que j'ai besoin d'aide parce que je ne suis pas capable de me débrouiller toute seule ! Il ne me félicite jamais, quand je réussi un exercice, il dit 'alors maintenant on va faire ça' au lieu de dire ne serait-ce que 'bien', il ne me félicite jamais, ce n'est jamais assez bien ! Tu crois que je vais aller lui dire que je suis encore plus nulle que d'habitude et que j'ai besoin d'aide ? Ben voyons ! » répliqué-je, énervée.
« Ce serait pourtant la chose la plus intelligent et mature à faire ! » crie Mélio.
« Vas-y, tu vois, toi aussi tu me traites de débile et d'immature ! » répondis-je plus fort.
« N'importe quoi, je ne te traites absolument pas de débile et d'immature, je dis juste que tu te conduis de manière débile en te drapant dans ta fierté sous prétexte que Mentor ne te félicite pas constamment ! »
« Et c'est moi qui passe pour la fille jamais contente en disant qu'il ne me félicite pas assez ! Je dis juste qu'il n'est jamais content, et que ce n'est pas très agréable ! » hurlé-je, furieuse.
« Tu ne peux pas exceller partout, mademoiselle son Altesse Royale ! » réplique-t-il en grognant.
« Mais qu'est-ce que tu racontes ? » m'écrié-j' en fronçant les sourcils.
« Tu réussi dans tout ce que tu fais, et sous prétexte que tu ne réussis pas quelque chose, tu te plains comme une gamine ! Ton père est fier de toi, tu as des amis qui t'aiment, tu es une princesse aimée, gentille et serviable, qui pense aux besoins de son peuple et qui est félicitée pour ça, mais ce n'est pas assez tiens ! Tu as la chance de découvrir un royaume merveilleux, ton père t'a emmené voir les aurores boréales, mais malgré ça tu oses te plaindre ! Je te signale au passage que de mon côté, je dois sans cesse me cacher parce que personne ne doit connaître mon existence, je passe mes nuits à te regarder travailler sans participer parce que Mentor ne prête pas attention à moi, le jour je te regarde dormir, je t'empêche de faire des cauchemars, je m'efface quand tu es avec tes amis, je te laisse de la liberté, je ne suis pas lourd à toujours vouloir m'imposer, je sais que tu es fatiguée et que tu penses à autre chose qu'à ton lié, mais là c'est trop ! J'existe, mais je trouve que tu l'oublies un peu trop. Tu as tout pour être heureuse, et tu oses te plaindre ! Tu me déçois, Thana, vraiment. »
​Sur ce, il se lève et me laisse seule sur la pelouse. Douchée, je ne réponds rien. Je rumine son discours violent mais éloquent, et je réalise avec une honte mortifiante qu'il a raison. Je passe mon temps libre avec mon père, Malcom et mes amis, et je ne pense que trop peu à lui. Je dois suivre le conseil de Teria. Je me redresse en position assise, le regarde partir, et me laisse tomber sur le dos avec un soupir. Je regarde les nuages qui défilent au-dessus de ma tête, j'entends la cloche qui sonne, les cris des élèves dans les couloirs, les portes qui claquent, les « silence ! » des profs, et le début des cours, tous les sons me parviennent dans un chuchotement confus, car ils parlent tous à la fois, mais je ne cherche pas à identifier la voix, l'odeur, ou même le son de la plume d'Emilie qui cours sur le papier. Elle est un peu trop loin de moi pour que je puisse faire ça. De toute façon, je m'en fiche. Le vide dans mon esprit est affreux, presque douloureux tant il m'est inhabituel, mais je sais que Mélio se tiendra à l'écart aussi longtemps que nécessaire, et qu'il n'acceptera pas mes excuses facilement.
​Les nuages traversent la portion de ciel qui s'offre à moi, le vent est fort et pousse rapidement les nuages, comme s'ils ne voulaient pas que je les vois, comme si j'avais « une mauvaise influence ». Je commence à grogner, avant de m'en rendre compte et d'arrêter immédiatement. Les nuages ont tous une forme de lion, rugissant, dormant, paisible, me tournant le dos.
« Je suis désolée. »

Des ailes dans le dos - MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant