Des ailes dans le dos - Mort

Chapitre 56

- En mission secrète obligatoire, donnée par son professeur.

J'en reste coite. Pardon ? Nous nous faisons un sang d'encre pour une mission ? Je peine à comprendre. C'est impossible. Il nous aurait prévenu, au moins qu'il allait s'absenter quelques temps, je ne sais pas... je vois les visages emplis d'espoir, les yeux suspendus à mes lèvres de mes amis, comme si je jouais leur vie. D'un geste, je leur signifie que je leur répondrai bientôt, une fois l'appel terminé.

- Thana ? insiste mon père face à mon silence.

- O-oui, je suis là. Je suis juste très surprise. Aucune nouvelle de Norbert ?

- Non, pas pour l'instant. C'est encore très tôt, les chances de le retrouver dans les prochains jours est infime. Il faut laisser à l'ennemi le temps de faire des bêtises.
Je réprime un grognement de frustration. Ceci dit, nous avons au moins des nouvelles de Max... que je vais me faire un plaisir d'étriper au retour de sa mission secrète. Mais il a pas idée d'infliger des peurs pareilles ? Prévenir est la moindre des choses, même si c'est un mensonge.

- Merci pour les infos Papa. Je dois te laisser.

- Où sont les autres ?

- Qui ?

- Tes amis.

- Avec moi.

- Parfait. N'oublies pas les consignes, ne te sépare pas d'eux. Compris ?

Je réprime un soupir.

- Oui Papa.

Je raccroche et fixe les yeux embués d'impatience de mes amis.

- On a retrouvé Maxime, dis-je d'une voix que je pensais plus forte.

Je transmets de même à Mélio.

- Quoi ? C'est pas vrai ! s'exclame Martha, folle de joie. Il était où ? Qui l'avait enlevé ? Pourquoi ?

Des larmes de soulagement se mettent à dégringoler sur ses joues, larmes qu'elle essuie d'un geste rapide.

- Il n'a pas été enlevé.

Et la nuance est aussitôt audible. Alors que ma voix exprimait l'espoir, puis le soulagement et la joie, elle est froide et sèche. Mes amis froncent les sourcils, autant face à mon changement de ton qu'à cause de ma révélation.

- Il était en mission secrète, pour son prof.

La jeune femme brune reste muette de saisissement, stupéfaite. Et c'est Iz qui brise le silence de sa voix puissante.

- C'est une blague ? s'écrie-t-il très fort.

- Absolument pas.

- Je vais le tuer le con ! Mais pourquoi il nous a pas prévenus ?

A ce moment-là, alors qu'Iz vitupère à juste titre contre son ami, Mélio réagit.

« C'est vrai ? Où était-il ? Il va bien ? »

« Oh oui, il va très bien. Il était, et est encore je présume, en mission secrète pour son prof. »

Même silence bouche bée du côté de mon lion. A vrai dire, la vérité est à peine croyable.

« Tu disais que Nono et Max étaient intelligents ? »

« Il y a en a qui le sont plus que d'autres, de toute évidence. » réplique froidement Mélio, envahit par l'amertume et la colère.

Dans la suite, la situation n'est guère meilleure. Iz crie contre ce sinistre abruti, Martha serre ses bras tellement fort contre elle qu'elle va se casser une côte, et Emilie triture le coussin de mon canapé jusqu'à en arracher quelques plumes. Et moi... moi je grogne. J'ai envie d'assassiner ce sombre crétin pour la peur phénoménale qu'il nous a flanqué, pour sa bêtise sans borne. Car il faut être complètement con pour se casser sans un mot et croire que tout va bien. Evidemment qu'on allait s'inquiéter ! Mais qu'est-ce qu'il croyait ? Incroyable ce qu'il m'énerve. Je suis écrasée par la rage, l'envie de le frapper de toutes mes forces est là, puissante, comme une vague qui entend la tempête qui arrive, et qui s'impatiente, qui sent que son heure de délivrance est proche. Je suis une mer, avec une tempête latente. Sauf que l'orage n'est plus très loin. Mais qu'est-ce qu'il est con ! Je respire un bon coup pour intérioriser ma colère. Emilie frémit de colère à côté de moi. Je la sens qui bouillonne, ça ne va pas tarder à exploser à mon avis... elle respire bruyamment, et détourne la tête. Iz l'insulte autant qu'il peut.