11 - And he was a Belladonna

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             « Je n'arrive- pas à croire que tu sois encore arrivé en retard en cours...

— Comprends-moi, Sugar ! J'ai une très bonne justification !

— Comme d'habitude...

— J'ai dû raccompagner Monique chez elle !

Je fronce les sourcils, et Thio rajuste un peu sa veste sur ses épaules.

Thio déteste les t-shirts. Il trouve ça très inconfortable, et n'en porte jamais. À la place, il met en permanence sa veste de baseball jaune fétiche. Le faux cuir de ses manches blanches s'écaille sur les coudes et sous les bras, et un des boutons a rouillé avec le temps, et pourtant, il la porte toujours. Sans t-shirt, juste ouverte sur son torse nu comme l'exhibitionniste qu'il est.

— C'est qui, Monique ?

Il saute pour remettre en place son sac à dos, et nous passons les portes de l'amphithéâtre, à la fin de mon cours d'anthropologie. Je ne sais pas pourquoi Thio y assiste. Il fait des études de STAPS, mais il suit tous mes cours de sociologie. Il va aussi de temps en temps en fac de philosophie, à La Sorbonne, pour voir Masya, ou « sa femme » comme il dirait.

— C'est la grand-mère que j'ai aidée ce matin ! Que je te raconte, Sugar... En gros, je sortais du Décathlon pour acheter ma créatine, après ma séance de six heures, et j'ai vu une vieille dame qui avait du mal à porter son chariot de nourriture ! Alors je me suis précipité vers elle pour l'aider ! Sauf qu'avant que je n'arrive, elle est tombée ! Du coup, j'ai ramassé ses courses et je l'ai portée jusqu'à chez elle, mais elle a insisté pour m'offrir un thé ! Donc on a bu du thé, et j'ai couru jusqu'à la fac mais j'étais en retard !

Je hausse les épaules, et Thio rigole en finissant par signer le mot « désolé ».

J'aime ça chez lui. Il parle beaucoup et très vite, mais il ne dit jamais une phrase sans en signer son intégralité.

— Thio... À force d'être gentil avec- tout le monde, tu vas finir par te perdre toi-même... »

Il sourit, avec une pointe de tristesse dans les yeux que je ne saurais expliquer.

Et avant que je n'aie le temps de lui demander s'il va bien, je sens deux petites tapes sur mon épaule.

« Salut, petit prince..., me sourient ses lèvres.

Il accorde une poignée de main énergique à Thio, qui lui est retissant, et me tend un immense bouquet de fleurs.

Par « immense », j'entends — c'est ironique pour moi de dire ça — vraiment immense.

— Salut, Amande...

Je ne dis rien, mais au fond de moi, je suis heureux.

Je bouillonne, même. Thio est si près de moi qu'il doit la sentir, cette accélération dans mon cœur.

Mais je joue l'impassibilité. J'ai beau avoir accepté ses longues et plates excuses, je possède au moins la dignité de le faire galérer. Juste un peu.

— Je suis content de te voir.

Frotter son torse avec sa main ouverte, en souriant. « Content ».
Je hausse les épaules, et lâche un simple :

— Hum.

— Vous comptez déjeuner ensemble, ou je peux t'emprunter Sira pour quelques heures ?

Il ne regarde pas Thio. Il s'adresse à lui en me parlant à moi. C'est assez déstabilisant.

— Tu comptes l'emmener où ?

— Au restaurant, s'il accepte.

— Quel restaurant ?

CyanideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant