20 - Kisses full of Nicotine

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J'entends encore le claquement de la porte contre son encadrement. À la fois lent et sec, mais lourd de sens.

J'ai encore l'espoir qu'il toque une dernière fois. J'ai encore l'espoir que la porte se rouvre et qu'on se serre dans nos bras. J'ai encore l'espoir que ce ne soit pas la fin.

Mais je ne me leurre pas. C'est la fin. Et pour de bonnes raisons.

Je n'ai pas besoin de lui. Je n'ai pas besoin qu'on s'oppose à mon bonheur de manière si violente. Je n'ai pas besoin qu'il m'empêche de vivre comme je l'entends.

Voir toutes ces égratignures sur son visage inquiet, ça devait me faire aussi mal qu'à lui. Voire plus encore. Mais il l'a mérité. Et c'est terminé.

Il est sûrement allé pleurer auprès de ma remplaçante. Comme si je n'avais jamais compté. Et je suis mieux sans lui. Je ne dirais pas que je suis débarrassé, non, je l'aimais et je l'aime.

C'est pour ça que ça fait mal. Parce que je l'aime. Et laisser partir nos adulés bourreaux, c'est difficile. Quand on les aime.

Une partie de moi veut qu'il revienne.
Mais je sais que c'est trop tard. Je sais que nous deux, c'est fini pour de bon.

« Je t'aimerai pour toujours », qu'il disait... Tu parles.

Un toujours n'a jamais duré si peu de temps.

« Un peu plus d'ombre sous l'oreille gauche.

Ma main se laisse guider par les indications d'Akée. Je n'ai jamais vu son art, mais ses conseils sont toujours pleins de bon sens, alors je la crois.

Elle pose sa tête sur mon épaule. La teinture de ses cheveux commence à se dissiper, je peux distinguer des racines blondes comme celles d'Amande sous ses couches de parfum aux baies.

Après quelques esquisses supplémentaires, je renonce aux finitions et pose mon carnet au bord du lit. Elle remonte un peu la couverture sur nous, chatouillé par le tulle de sa robe, et soupire :

— Je ne suis que la sœur de ton copain.

Je fronce les sourcils.

— Et alors ?

— Et alors... Quand je te dis « viens me voir » tu n'es pas obligé de le faire.

Les deux index se pointant vers elle. « Viens ».

— Si tu n'avais pas envie que je vienne tu ne me demanderais pas de le faire.

— Mais j'ai envie. Seulement, rien ne t'oblige à m'obéir.

— Et pourquoi tu veux me voir ?

Akée ferme les yeux. Elle enroule le ruban de son corsage autour de son doigt, sur son vernis noir écaillé.

— Tu t'es déjà senti comme si le monde était tout blanc, immaculé, mais que tu étais condamné à ne voir que du noir ?

Je frotte ma main contre mon visage. Je ne suis vraiment pas assez payé pour ça.

— On me promet que je suis la plus précieuse des princesses, que je vis dans le plus beau des châteaux. Et on me fait courir dans un immense labyrinthe de roses pleines d'épines. Mais je ne verrai jamais la sortie.

Imaginer Akée, courir dans ses robes bouffantes et ses Mary Jane vernies entre des haies décorées de fleurs rouge sang, c'est un beau tableau. Sa dentelle au vent, des larmes faisant couler son eye-liner, princesse damnée et incomprise. C'est beau.

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