« Sira, dépêche-toi !
Léo et Renard vibrent sous le crissement des rails du métro, et mes Vans dévalent les marches argents de l'escalator. Les Dr Martens d'Amande sont plus rapides, elles, et j'essaye de maintenir la cadence. En vain. Le métro détale devant nos yeux, juste après son ironique signal de fermeture des portes.
Stupide lapin rose.
Amande s'affaisse, reprenant sa respiration les mains appuyées sur les genoux, et je me laisse tomber sur un siège orange.
— On va être en retard., annonce-t-il l'évidence.
Mes yeux se laissent balader le long du quai, une valse entre le « 04 minutes » et la publicité murale, celle pour une assurance ou quelque chose comme ça. Je sais qu'on va être en retard.
— Ce n'est pas important, Sira... On négociera avec le contrôleur de billets...
Mais c'est de ma faute si on est en retard. Et il ne nous laissera pas rentrer.
— Je le draguerai., ajoute-t-il. Ils ne résistent jamais aux mots enjôleurs (...) homme de ma qualité.
— J'ai tout gâché. On ne va pas pouvoir rentrer parce que j'ai tout- gâché et on ratera l'exposition.
Il s'assoit à côté de moi, et pose sa main aux ongles lavande sur mon genou, puis sa tête contre mon épaule. Il sent bon. Les agrumes et l'eau de Cologne. Le genre de parfum qui réussit à me faire oublier les odeurs du sous-terrain.
Je pensais qu'il me rassurerait, mais non. Il ne dit rien. Il ne dit pas de « ce n'est pas de ta faute » ou de « je ne t'en veux pas ». Et je n'arrive pas à savoir si cela signifie qu'il m'en veut vraiment, ou s'il trouve juste qu'un contact suffit à me montrer son pardon.
— Il arrive.
Nous montons dans le train, qui nous emmène tout droit vers notre destination, cliquetant de haut en bas dans les tunnels. Et quand les lumières défilent sur le visage d'Amande, ses traits dessinent sa grande peine. Ses abîmes.
— Viens, petit prince !
Pendant qu'il marche, après le métro, il ne parle pas non plus. Il oscille juste la tête à quelques notes de la musique qui sort de son unique écouteur, aux fils tout emmêlés. J'ai mal aux jambes, mais je ne me plains pas, parce que je sais qu'Amande a annulé une sortie avec Jed pour passer du temps avec moi et je devrais m'en sentir honoré.
Contrôle des billets, et par miracle, l'homme de l'accueil nous laisse entrer. Malgré le retard. Tout n'est pas gâché.
— Tu vois ?, sourit Amande, et oui, je vois, il avait raison car Amande a toujours raison alors que je me trompe toujours.
Alors nous entrons dans la salle, dont les murs et sol sont recouverts de draps blancs où sont projetées des œuvres de Van Gogh, sur un fond de sonate. Des gens sont assis, partout, de noires silhouettes que la lumière dissout, et il tourne sur lui-même.
Sa main caressant son menton, jusqu'à ce que son pouce touche ses autres doigts. « Joli ».
— C'est sublime !
Je le suis pendant qu'il fait le tour de la salle, puis il trouve une place à sa convenance, adossé au mur éclairé. Les taches de peinture tourbillonnent, les couleurs rayonnent et les pétales de tournesols volent sur les murs pour éclairer le visage d'Amande de bleus, de jaunes, et de verts.
La plainte cogne mon coccyx, et mes yeux se perdent dans tant de lumières. Je ne me rappelle pas quand était la dernière fois que mon esprit était véritablement... Sur pause.
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Cyanide
Teen FictionLes médias dépeignent les relations toxiques comme l'histoire d'un bel amant violent et manipulateur abusant de son partenaire sans remord aucun. Sira aime Amande. Et bon sang, ce qu'Amande aime Sira. Pourtant, un an tout pile après le début de sa m...