9 - Ricin made by beavers

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TW : mentions de tentative de suicide

               « Mon seul regret pour cette première sortie amplement méritée de l'hôpital redondant, c'est de ne pas pouvoir courir dans tous les sens et danser avec Sira., prononcent lentement les lèvres crevassées d'Akée.

Mes mains se crispent contre les poignées de son fauteuil. Puis mes yeux se posent sur ses deux jambes, couvertes de dentelle blanche et bleue, pliées, immobiles.

J'ignore si la sœur d'Amande a prononcé ces mots avec sarcasme. Ou si elle a une réelle amertume. Je sais ce que ça fait, de se réveiller à l'hôpital et qu'on nous assomme de vérités indélébiles qu'on ne veut pas accepter. Elle l'a dit elle-même. On est tous les deux des handicapés rescapés des morts.

Mais pourtant... Je n'avais pas envie que ce damné groupe accueille un nouveau membre.

— Sira, tu (...) quoi comme musique ?, demande-t-elle.

Je secoue la tête pour chasser mes idées noires. Je sais que dans cette situation, on n'a vraiment pas besoin de pitié. Alors je continue à la pousser, dans les rues qui n'ont jamais été adaptées aux handicapés, et finis par soupirer :

— La musique classique. Comme- Debussy, par exemple.

— Ah, (...) nul. Très ennuyant. Tu (...) des goûts de vieux.

J'acquiesce, l'air grave.

Malgré tous mes efforts, je n'arrive pas à me sortir mes tracas de la tête. Masoso-tay... Elle se sentait tellement mal qu'elle a voulu mourir, et en plus de n'avoir pas réussi, elle gagne un handicap pour encore plus compliquer sa vie !!...

On ne se connaît à peine, mais...

...J'ai vraiment peur qu'elle ne réitère.

— Nous sommes arrivés, petit prince ! Voici la boutique de bubble tea préférée du monstre ! Un rapport qualité-prix honteux, si tu veux mon avis, six euros cinquante d'arnaque capitaliste...

Amande signe sa phrase, puis prend le relai pour pousser le fauteuil d'Akée.

— Ça vaut (...) son prix, Mandle., l'insulte-t-elle. Tu as simplement des goûts (...) bobo. Sira est un vieux et toi tu es un bobo. Et moi, je suis une élite de la société.

Il ne prend pas la peine de lui répondre, et nous commandons les bien attendues boissons. Un café pour Amande, — ce rabat-joie —, un thé au lait pour Akée, et une infusion à la pêche pour moi. Et même si je suis âpre d'avoir dépensé tout un ticket restaurant pour une vulgaire boisson au sucre, je dois avouer que cela me plaît au moins un peu.

— Bon, ma belle Akée, ça fait quoi de retrouver le monde extérieur ?, questionne Amande en sortant.

— Pas mieux, pas pire. Et puis (...) gens dévisagent mon fauteuil.

J'aimerais lui dire qu'elle se trompe, qu'elle est déraisonnable, mais elle n'a pas tort.

Je crois que ç'a été le plus dur pour moi. Sentir le regard des autres me scruter en permanence.

Il me pesait. Je le sentais, il était toujours là, des dizaines et des dizaines d'yeux qui louchaient sur mes oreilles, des bouches impertinentes qui sifflotaient des ragots que je ne percevais pas, des sourires de pitié et d'horreur qui s'offraient d'eux-mêmes à moi.

Du jour au lendemain, j'étais passé du petit turbulent de la classe, pitre et espiègle, au « sourd ». Un joyeux surnom. Il n'était pas moqueur, non, il n'y a aucune honte à être sourd. Ce qui faisait mal, c'était plutôt l'intonation. La fébrilité de la voix des gens quand ils bégaient ce mot du bout des lèvres. Comme si c'était une atrocité. « C'est celui qui est-... Tu sais-... ».

CyanideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant