15 - VX tissues

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             Mes yeux sont collés au plafond, de manière imagée, et j'agrippe le drap d'Amande entre mes doigts.

Je m'ennuie.

Il est allé à une soirée chez Vit, le copain de Mikolas. Je n'avais pas envie d'y aller. Je ne connais pas ses amis, et ils ne parlent pas ma langue. C'est inutile. Je préfère rester.

Jarmila, sa grand-mère, tricote au rez-de-chaussée, mais je n'ai pas grand chose à lui dire, alors j'ai prétendu vouloir me coucher tôt.

Amande m'a fait visiter Prague, un peu. Parfois avec Jed, parfois avec les autres, parfois juste tous les deux. C'était plutôt joli, même si je n'ai jamais été fan du tourisme. Les monuments vieux de centaines d'années, l'Histoire de peuples décimés, ça ne me passionne pas. Je veux dire, c'est bien de s'y intéresser, mais ça ne casse pas trois pattes à un canard.

Être seul avec Amande, dans ce pays inconnu, c'était génial. On s'amuse beaucoup. On est allés à la Prague Pride, une des plus grandes parades d'Europe. Il m'a emmené en boîte de nuit et on a dansé comme des fous. C'était le moment le plus gênant de ma vie, mais on a un peu essayé les danses un peu... De proximité, si vous voyez ce que je veux dire. On a été au parc de Petřín, celui du poème du premier mai. Et même si on n'était pas en mai, mon amoureux m'a embrassé sous les arbres verdoyants. Avec sa main près de mon oreille, l'autre maintenant fermement ma taille pressée contre lui, il m'a embrassé sans se soucier de ce que les gens puissent penser.

On a été au restaurant, aussi. Un énorme jardin aux haies bien taillées, avec de la cuisine gastronomique et des serveurs attentifs à nos moindres demandes. Le genre d'établissement dont le prix d'une simple entrée vous ferait lâcher votre fourchette. Je ne suis pas très à l'aise dans ce genre d'endroits, même si Amande m'avait prêté une veste de costume. Mais... Il a su me faire adorer ce moment. Et il m'a dit qu'il m'aimait, deux fois.

« Tu savais que si les goélands tapent le sol tout le temps avec leurs pattes, c'est pour imiter le bruit de la pluie qui va faire sortir les vers de leurs trous ?, dit le message qui fait s'allumer mon téléphone.

Je souris. Il est rare que les messages de Cassius ait un quelconque semblant de contexte.

— Non, je ne savais pas.

— Je déteste les oiseaux. Ils chantent toujours quand j'essaye de dormir. Alors la prochaine fois, j'irai prévenir les vers de leurs tactiques vicieuses et ils seront bien niqués.

— Tu seras responsable d'un meurtre d'oiseaux au troisième degré.

— Peu importe, Sauce. Ils ne sauront jamais que c'était moi.

— C'est vrai. Mais ça n'en devient pas plus acceptable.

Je soupire.

— Et sinon, ça va toi ? Ça fait longtemps que tu ne m'as pas envoyé de texte supra long pour m'exposer tous tes problèmes sous forme de thèse-antithèse-conclusion.

— Ça va, je suppose ! Figure-toi que je suis en République Tchèque, avec Amande.

— Il est quelle heure en République Tchèque ?

— Minuit.

— Et vous n'êtes pas en train de baiser ? C'est déprimant.

— Il est sorti avec des amis, il reviendra tard.

— Sans toi ? C'est bien un mec. Il n'est avec toi que pour baiser.

— C'est toi ça, Cassius. Tous les hommes ne pensent pas comme toi.

— Oh, Sira, détrompe-toi. Détrompe-toi... »

J'éteins mon stupide téléphone.

Cassius ne connaît pas Amande, il ne peut pas le juger sans jamais l'avoir vu.

CyanideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant