2 - Touching Polonium

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    Amande sort des clés métalliques et cliquetantes de sa poche, et les enfonce dans la serrure de sa porte d'entrée avec un grand sourire.

« Bienvenue chez moi, Sira !, m'accueille-t-il.

Je forme un deux avec mon index et mon pouce levés, puis en colle le bout. « Père ». Ensuite, je pointe mon index et descends ma main. « Mère ».

— Mes parents ? Oui, ils sont là., rit-il.

Et en effet, une femme d'âge plutôt mûr ne tarde pas à se présenter sur le pas de la porte, curieuse.

Ses cheveux sont blonds, plus clairs que ceux d'Amande, et noués en deux jolies nattes qui me font penser à des épis de blé, comme on pourrait voir dans un champ. Elle porte du rouge à lèvre vif qui la rajeunit peut-être un peu, ainsi qu'un tailleur. Cette femme est chic dans l'ensemble, et sa ressemblance avec son fils n'est pas flagrante, mais pas non plus incertaine.

— Oh, tu- (...) un ami aujourd'hui, Amande ?, demande-t-elle.

Je n'ai pas bien compris quel verbe elle a utilisé, mais je pense qu'elle parle de moi.

— Il est mon petit-ami, en fait., la corrige Amande.

— O-Oh, je vois...

Elle se tourne vers moi en souriant et me tend la main.

— Enchantée ! (...) Sab-... (...) Amande (...) Toi...

Je déglutis, mal à l'aise et serre la main qu'elle me tend en souriant. J'espère que ça passe.

Les personnes d'âge un peu plus élevé parlent souvent lentement. Et plus les gens articulent, moins les positions de leurs lèvres semblent naturelles, alors je comprends moins. L'avantage, avec les jeunes, c'est qu'ils parlent vite, et avec aisance. Ça semble plus fluide, et plus compréhensible.

Mais je ne dois pas avoir bien compris ce qu'elle voulait, puisqu'elle semble déconcertée.

Amande attire mon attention et me dit :

— Ma mère s'appelle...

Avec difficulté, il commence à signer. Un poing fermé. S. Un poing fermé avec le pouce allongé et sorti. A. La paume ouverte avec les doigts serrés et le pouce plié en son milieu. B. Le majeur et l'index croisé. R. Le poing fermé avec l'auriculaire sorti. I. La paume à l'horizontale avec le majeur et l'index levés et collés. N. Puis le poing fermé et le pouce allongé encore une fois. A. « Sabrina ».

Je hoche la tête.

— Et elle t'a demandé comment (...) t'appelais.

Il lève son index et son majeur écartés, et fait un mouvement du poignet. « Ton ».

La main sur le côté, l'index et le doigt du milieu serrés. N. Une pierre avec le poing, avec un creux en son milieu. O. Le dos de la main, à l'horizontale, vers moi, les doigts serrés. M. « Nom ».

Elle veut savoir mon nom.

J'avale ma salive. Va-t-elle se moquer de moi si je lui dis mon nom ?... Ma voix n'est pas normale... Si ça se trouve elle ne va pas comprendre, et je vais devoir répéter plusieurs fois. J'aurais l'air ridicule. Alors qu'Amande a eu la bonté de me présenter comme son petit-ami, de m'assumer en tant que sien, moi je vais tout gâcher en passant pour un idiot auprès de sa famille.

J'aimerais être quelqu'un. Quelqu'un de bien. Quelqu'un qu'on n'aurait pas honte de brandir comme son trophée, quelqu'un qu'on serait fier d'aimer. J'aimerais qu'on soit fier de moi.

CyanideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant