« Bienvenue dans mon pays, Sira !
En me tenant par les mains, Amande nous fait tourner sur le béton de l'aéroport. Il sourit de toutes ses dents, son gros sac à dos attaché à ses épaules, et nous dansons dans Prague jusqu'à ce que nous soyons trop étouffés par l'air ambiant pour continuer.
Il se poste en face de moi.
— Ahoj., signe sa main tendue, partant de sa tempe pour saluer. Ça veut dire « bonjour » en langue des signes tchèque, j'ai fait mes recherches. J'aurais voulu te dire « bienvenue petit prince », mais tu imagines bien que les ressources sont minces.
Sa main passe dans ses cheveux. Il regarde les lettres illuminées « PRAHA » qui surplombent les alentours, puis Jed arrive.
— Bon, les puceaux, (...) m'a dit qu'ils nous attendaient à Lokál.
— On va d'abord poser nos affaires chez ma grand-mère. Mon charisme seul ne va pas réussir à porter ce dinosaure de sac.
— Tu devrais te remettre au sport. Tes années d'or commencent (...) remonter.
— Je te retourne le compliment, medvídek.
(« petit ours »?, c'est affectueux.)Mon copain passe son bras autour de mes hanches, sous le ciel presque couvert, et dépose un baiser près de Léo.
— On vous rejoint. Bye~... »
« Ahoj !
Une vieille femme accueille son petit-fils à bras ouverts, et déblatère quelques mots incompréhensibles. Elle l'embrasse sur les deux joues, avec un foulard noué autour de ses cheveux blancs, puis Amande déclare :
— Babička, je te présente Sira, mon petit-ami.
— « Petit-ami » ?..., répète-t-elle, d'un très fort accent.
— Přítel., traduit-il. Sira est malentendant, donc s'il ne te comprend pas c'est normal. Ne sois pas vexée.
Elle hoche la tête, et me fait la bise à moi aussi, alors que je reste étonné. C'est un peu familier, non ?...
— Koláč ?
— Évidemment !! Plein, plein, plein de koláče !
La grand-mère d'Amande se retire dans la cuisine, et il s'adresse à moi :
— Tu peux l'appeler Jarmila, ou Babička, selon tes préférences. En tout cas, prépare-toi à goûter ta première pâtisserie tchèque, petit prince.
Puis elle revient et mon copain m'invite à m'assoir à côté de lui dans un canapé en vieux cuir. Il a son bras enroulé autour de ma taille, et sa main libre repose sur mon genou.
Même devant sa famille, il ne change pas d'attitude envers moi.On me tend un petit pain doré, un peu difforme, à l'odeur de sucre et fourré d'une espèce de fromage blanc. J'ai envie de demander à Jarmila comment elle les a préparés, peut-être pour essayer d'en reproduire, et étoffer ma palette pâtissière. Mais lui faire entendre ma voix trop nasale, mes défauts d'élocution, et risquer de devoir me répéter plusieurs fois... Ça me décourage.
« Toi non ? », signe-je à Amande.
Il secoue la tête.
— Pour me faire manger du sucré, il faudrait que tu me laves le cerveau, mon cœur. Mais je sais que tu vas aimer.
Et en effet, j'aime bien. Alors je complimente Jarmila d'un signe de tête enjouée, et elle se déride d'un sourire.
Elle me fait un peu peur. Si j'ai bien compris, son mari, un Français, est décédé juste après la révolution de velours. Elle a dû finir l'éducation de ses enfants seule, dans sa maison pragoise, à payer les dépenses en tant que femme veuve. Puis ensuite, quand ils ont « quitté le nid », elle n'avait plus personne, et depuis, elle vit recluse ici.
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Cyanide
Teen FictionLes médias dépeignent les relations toxiques comme l'histoire d'un bel amant violent et manipulateur abusant de son partenaire sans remord aucun. Sira aime Amande. Et bon sang, ce qu'Amande aime Sira. Pourtant, un an tout pile après le début de sa m...