74 - Xylocaine dysrhythmia

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                  Thio s'assoit sur la chaise en plastique de la salle d'attente, qui paraît si, mais si petite à côté de sa stature.

« Alors, Sugar ? Tu vas finir par me dire où tu m'as emmené ?

— Tu dis tout le temps que tu m'aimeras quoi qu'il arrive, pas vrai ?

— Bien sûr, Sugar ! C'est certifié par ton humble serviteur Thio Nitrimes !

— Même si je suis un connard ?

— Tu n'en es pas un !!

— Mais si j'en étais un.

— Hmm... Oui, je suppose que je t'aimerais quand même ! Je sais que tu fais toujours de ton mieux, et parfois c'est difficile de toujours agir bien !

— D'accord.

Je passe mes paumes sur mes cuisses, respire un grand coup, et débite :

— Je t'ai emmené ici pour qu'on se fasse dépister.

— Hein ? Des IST tu veux dire ?

— Oui. Des IST. Je ne te demande pas ça parce que... J'ai peur d'attraper quoi que ce soit, mais plutôt parce que... Je m'inquiète pour toi. Tu as eu tellement de rapports non-protégés, Thio, c'est vraiment dangereux et je détesterais apprendre que tu développes une maladie à cause de ça. Mais si jamais c'était le cas, je pense que le savoir le plus tôt serait le mieux.

— Je n'ai pas d'IST, Sugar... T'inquiète !

— Tu n'en sais rien. De quoi est mort Freddie Mercury, hein ?

— D'une pneumonie.

— Aggravée par...

— Son SIDA.

Je serre la main de Thio dans la mienne, tous les deux dans la salle d'attente déserte de la clinique. Ça fait peur.

— Tu connais les effets des IST, n'est-ce pas ? Et tu comprends en quoi ce serait mauvais d'en avoir une ?

— Oui, bien sûr, mais c'est hyper inutile ! Et puis ils sont horribles, les tests de dépistage !

— Thio, s'il te plaît. La pensée-même d'être cloué à un lit d'hôpital, mourant, à me tenir la main pendant que je pleure et que je te supplie de me dire que ça va aller alors que tu sais que ça n'ira pas, n'est-elle pas suffisante pour accepter de te faire dépister ?

— Sugar...

— Et je le ferai moi aussi, en plus ! On le fera tous les deux, et comme ça après on sera sûrs qu'on est en bonne santé ! C'est top, non ?

— Je suis sûr que je suis en bonne santé. Je pète la forme, Sugar !

Il me gâte même d'un pouce en l'air d'amplification.

— Faisons un marché, alors. Que veux-tu que je fasse pour que tu acceptes, Thio ?

Je fixe dans les yeux l'homme de l'affiche de dépendance à la cigarette. Je me dis que ce n'est pas malin de mettre une clope sur ce genre d'affiche, parce que moi ça me donne bien envie d'en griller une.

J'ai arrêté de fumer pour Thio.

Enfin, c'était pour moi.
Mais grâce à lui.

C'est moi qui ai foutu ma vie en l'air.
Je ne veux pas qu'un jour je puisse me dire que j'« aurais dû » sauver Thio, sans l'avoir véritablement fait.

Je suis son samourai, après tout.
Et c'est ce que font les samourai.

Ils se sauvent.

— Arrêter de dire qu'Œuf est nul !

CyanideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant