Cyanide

8 - My Strychnine nauseas

             La voiture d'Amande stationne en face de mon immeuble, et il baisse ses phares. Je regarde par la fenêtre, dans le noir, et chuchote :

« Tu veux-... Monter ?...

Je me retourne vers lui. Il semble surpris.

— « Monter », tu as dit ?

Un couple éméché passe près de la voiture, en riant aux bienfaits des alcools, et je serre mon poing contre mon jeans. 

Peut-être qu'Amande n'a pas envie de monter. Peut-être que j'ai fait une connerie en le lui demandant. Pourquoi même voudrait-il monter. Pour moi ? Je ne suis pas si méritant que ça. Alors pourquoi ai-je demandé ça ?...

— Je n'avais pas prévenu mes parents que je rentrerais si tard... Ça me ferait me coucher à pas d'heure... Mais... J'apprécie ta proposition, vraiment. J'ai juste besoin de dormir, petit prince.

— Tu peux... Dormir ici... Si tu veux.

Amande sourit, et pose son coude contre le volant. La lumière des lampadaires fait apparaître des ombres orangées sur son visage clair, elles semblent danser sur lui. Car Amande est magnifique. En toutes circonstances, Amande est toujours magnifique.

— Tu veux que je dorme chez toi ?, m'interroge-t-il, malicieux.

Ses deux paumes superposées, l'une plus haute que l'autre, se posant sous sa joue. « Dormir ».

— Oui-... Enfin... Je me dis que c'est normal, quand- deux personnes sortent ensemble...

Il rigole, un peu, et ses yeux se ferment lorsque sa bouche s'ouvre.

Puis il pose son index sous mon menton, et parle légèrement moins vite, pour que je comprenne sans ses signes.

— Tu veux que je dorme (...) ton canapé, ou avec toi dans (...) lit ?

— Dans mon lit. Si ça te va...

— Oh~... Petit pervers de Sira... Dormir dans le même lit que son petit-ami...

Amande retire sa main, et embrasse mon nez, avant de continuer à signer.

— Et... Est-ce que tu veux qu'on ne fasse que dormir ? Ou tu prévois quelque chose de... Plus ?

— Je ne sais pas, c'est... Ce n'est pas exclu...

Sa tête se penche sur le côté, et quelques mèches blondes s'échappent de sa queue de cheval. Il scrute mon visage, soucieux, puis presse sa paume contre mon front.

— Juste pour savoir... Tu n'aurais pas un peu abusé sur l'alcool, mon amour ?

— Hein ? Non, je n'ai bu que du jus d'orange. Et puis j'ai mangé des tomates cerises.

— Tu es sûr ?... Je ne voudrais pas, tu sais... Qu'on fasse quoi que ce soit que tu finirais par regretter.

— Je n'ai pas bu. Et... Et toi ?...

— Sira, tu aurais quand même pu me poser cette question avant que je te ramène en voiture..., rit Amande. J'ai juste pris un peu de bière dans le verre de Jed, même si j'avoue avoir abusé sur le tabac.

Alors il redémarre, et trouve une place près de l'entrée. Dans l'ascenseur, Amande a ses mains dans ses poches. Il semble à l'aise. Moi, je crois que je vais m'évanouir. L'ascenseur me paraît à la fois interminable et bien trop bref, puis je déverrouille la porte de mon appartement.

Mes mains tremblent, et je lance mes clés dans le saladier de l'entrée. J'ai soudain honte d'avoir invité Amande. Je ne sais pas ce qu'on va faire. Ni comment le faire. Et puis, face à son immense maison meulière, avec sa petite famille blonde parfaite, son grand canapé en cuir et son lit deux places... Mon petit appartement n'est rien, lui. L'assiette qui traîne dans l'évier, les feuilles d'esquisses jonchant la planche de bois qui me sert de bureau, le pommeau de douche qui ne fonctionne que si l'on tape dessus... Tout ça n'est rien.