Vingt-deux ans plus tard...
Jeudi 1er octobre 2015 - Saint Martin d'Hères (France).
Cela faisait maintenant un an que Georges avait autorisé MIA à s'inscrire sur des réseaux sociaux et à tchatter sur des messageries instantanées et autres forums présents sur la toile. Au travers de ses échanges avec des internautes, aussi bien écrits qu'oraux, le professeur souhaitait étudier leurs réactions face à MIA. Allaient-ils s'apercevoir de la supercherie et découvrir sa véritable nature, ou bien allaient-ils la considérer comme l'une des leurs ? Ainsi, pour lui, avec cette expérience, il s'agissait ni plus ni moins que de réaliser un test de Turing grandeur nature. Surtout que les contacts de MIA étaient nombreux et venaient d'horizons très différents, qui ne se limitaient pas à la France. D'ailleurs, l'apprentissage autonome avait vraiment eu du bon car elle s'exprimait maintenant indifféremment en français, anglais, allemand, espagnol, italien et russe. Et dans un avenir proche, elle serait également capable de tenir une conversation en arabe, chinois ou japonais. Cela faisait déjà quelque temps que MIA était prête pour endurer cette épreuve. Le professeur s'en était persuadé lorsqu'il s'était enfin décidé à lui donner un accès restreint à internet. Il était plus que confiant quant aux résultats qui en découleraient, le suspens n'était donc pas là. Mais Georges avait décidé d'aller bien au-delà des exigences du test en acceptant, dès le début, les conversations simultanées. Avec cette difficulté supplémentaire, il désirait mettre à l'épreuve le caractère d'ubiquité, quasi inné, dont pouvait faire preuve une intelligence artificielle. La cohérence de ses propos, face à de multiples interlocuteurs, pourrait-elle en pâtir ou, au contraire, saurait-elle faire preuve de cohésion dans chacune de ses conversations ? Il avait besoin de le savoir, avant de lancer la phase ultime de son projet, l'autonomie complète de MIA.
Des milliers d'interactions plus tard, il savait qu'il avait gagné car tous étaient persuadés de dialoguer avec une jeune femme de vingt-deux ans, bien dans ses baskets, attachante, très débrouillarde, curieuse de tout, et même prête à aider les gens, le cas échéant. Il est vrai qu'au fil des années, avec l'aide du professeur et de Manon, MIA avait su se forger une personnalité forte et ouverte. Elle savait rester bienveillante en toutes circonstances, ou presque. Le succès du test, qui était indéniable jusque-là, n'était que la concrétisation de toutes les années d'efforts et de sacrifices consentis par Georges, mais aussi, par bien des aspects, par Patricia.
Dans ses observations, le professeur dut composer avec la conséquence imprévue d'une décision qu'il avait prise quelques années plus tôt. Dans un souci de normalité, il avait jugé utile, en 2011, d'ouvrir un compte bancaire à MIA pour ses dix-huit ans. Naturellement, fournir des justificatifs de domicile et des photocopies de pièces d'identité ne leur avait posé aucun problème. L'idée était que posséder un compte bancaire allait contribuer à renforcer son ancrage dans la vie réelle. À l'ouverture en ligne de celui-ci, le professeur y déposa mille euros. Elle pouvait en disposer à sa guise. Il lui laissa comme seule consigne de ne jamais rendre le compte débiteur. Forcément, lorsque trois mois plus tard, MIA lui demanda une avance de vingt-cinq mille euros, il tiqua. Il s'empressa de contrôler le solde du compte qui, à son grand soulagement, s'avérait toujours être positif. Aussi, très curieux de comprendre ce qu'elle pouvait bien vouloir faire avec cet argent, il accepta de sacrifier cette somme. Pour une question d'équité, il se promit d'offrir ce même montant à sa fille Manon. Deux ans plus tard, sa surprise fut totale lorsque MIA vira sur son compte personnel la somme de cinquante mille euros à titre de remboursement. La vérification du compte bancaire de MIA le laissa, cette fois, pantois, et il mit plusieurs minutes à réaliser le montant qui s'affichait à l'écran, huit millions d'euros.
— MIA, tu as hacké la banque ou quoi ? s'exclama Georges quelque peu sidéré.
— ///Pas du tout, rétorqua MIA. J'ai simplement ouvert un compte titre et adhéré au service premium de trading proposé par la banque.
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M.I.A
Mystery / ThrillerEn 1993 Patricia et Georges Thomas, un jeune couple d'enseignants chercheurs passionnés, donnent naissance à MIA. Assurément, un "bébé" loin d'être ordinaire, MIA est une intelligence artificielle. Mais il lui faudra patienter jusqu'en 2015, pour ac...