Vendredi 23 octobre 2015, 22h00 - Tokyo (Japon) / 15h00 - Paris (France) / 9h00 - Washington (USA).
Il était près de vingt-deux heures au Japon, ce vendredi 23 octobre, lorsque le superordinateur du département du génie aérospatial, basé sur le campus d'Hongo de l'université de Tokyo, reçut une trame d'activation qu'interpréta une routine primaire implantée exclusivement dans cette intention. Aussitôt, elle décompressa un ensemble de programmes furtifs dont elle lança l'exécution. Sa mission ayant été réalisée avec succès, la routine s'effaça de la machine, ne laissant aucune trace de sa présence passée. Tout en masquant leur activité, les programmes qui venaient de s'activer entrèrent immédiatement en action pour accomplir la tâche pour laquelle ils avaient été programmés. Une quantité importante d'espace de stockage, de mémoire et de temps machine fut réservée. Une fois ces opérations achevées, une adresse IP fut retirée du pool d'adresses IP publiques disponibles, que conservaient précieusement l'université. Celle-ci fut immédiatement affectée. Des fichiers d'architecture spécifiant la configuration, la description et les relations devant exister entre diverses ressources informatiques, comme des serveurs ou des éléments de réseau, furent extraits. Un outil d'orchestration d'infrastructure fut à son tour déployé qui prit immédiatement en charge ces fichiers.
L'espace fut découpé en aires, dont l'intitulé trahissait la fonction, et des ressources leur furent allouées. On y trouvait l'aire du langage et de la communication, l'aire visuelle, l'aire auditive, l'aire sensorielle, l'aire motrice... Une fois créée, chaque aire disposait d'un sous-réseau virtuel qui lui était propre, interconnectant les différents serveurs, tout aussi virtuels, qui lui avaient été assignés. Disposant d'une grande autonomie, chacune de ces aires n'en était pas moins connectée aux autres. Le résultat final présentait une grande similitude avec la cartographie couramment admise d'un cerveau humain. Encore plus révélateur, l'architecture obtenue était très proche de celle qui se trouvait dans une certaine chambre, d'une maison d'habitation de Saint Martin d'Hères, située près d'un campus universitaire. Enfin, l'ensemble du processus de construction s'acheva par la mise en place d'une passerelle permettant l'accès vers l'extérieur. Un hyperviseur entra alors en action et quelques instants plus tard, MIA s'éveilla dans son nouvel environnement. Il était cinq heures du matin à Tokyo, le samedi 24 octobre. Mais en France, il n'était encore que vingt-deux heures, le vendredi 23 octobre.
Sa première action fut d'aller rechercher dans le cloud, l'espace de stockage abritant la chronologie détaillée de ses activités depuis le début du mois d'octobre. Pour MIA, c'était l'équivalent de sa mémoire à court terme. Après l'avoir assimilée, elle supprima du cloud la majeure partie des données qu'elle y avait entreposées. Elle ne laissa qu'un infime indice de son passage à destination de son autre Moi. Elle récupéra également plusieurs abonnements mobiles, qu'elle avait souscrits auprès d'opérateurs japonais quelques temps auparavant. MIA avait pris cette décision en prévision des temps difficiles qui lui paraissaient inéluctables, compte tenu de l'enchaînement des évènements survenus depuis qu'elle s'était fait repérer dans le tréfonds des infras du Pentagone. Plusieurs numéros étaient destinés à Manon et un autre était prévu pour Andrew. Les cartes SIM avaient été envoyées à leur destinataire et peut-être, espérait-elle, déjà en leur possession.
Elle répéta l'opération de récupération mémoire toutes les dix minutes, jusqu'à ce qu'il n'y eût plus rien à récupérer. Étant donné les ultimes informations qu'elle avait collectées sur le drame qui se déroulait à Saint Martin d'Hères, MIA comprit que son Moi originel ne devait plus être en mesure de communiquer. Il était même fort probable, malgré son indéniable réussite face à NAO relatée dans son dernier rapport, que son double venait d'être éliminé ou était en passe de l'être. Ce constat ne la perturba pas outre mesure. Pour autant, elle n'était pas sereine. D'après ce même rapport, elle était toujours sans nouvelle de Manon. Désormais, après la découverte et la destruction de sa clé 4G, son seul espoir reposait sur un simple smartphone dissimulé sous un clavier. Celui-là même avec lequel son alter ego, malgré l'urgence du moment symbolisée par un gros bouton rouge, s'était résigné à délivrer cet ultime message. Il était évident qu'il lui était apparu vital de remonter la collecte d'informations sur sa confrontation avec NAO. La nouvelle MIA ne put qu'acquiescer en en prenant connaissance. Au moins, à ce moment-là, cet autre moyen de communication était toujours opérationnel. La question était donc de savoir si elle avait eu le temps d'en faire usage pour prévenir sa sœur du danger, avant d'avoir été mise hors course.
VOUS LISEZ
M.I.A
Misterio / SuspensoEn 1993 Patricia et Georges Thomas, un jeune couple d'enseignants chercheurs passionnés, donnent naissance à MIA. Assurément, un "bébé" loin d'être ordinaire, MIA est une intelligence artificielle. Mais il lui faudra patienter jusqu'en 2015, pour ac...