Chapitre 15- Fin de cavale - Partie 2

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    Depuis samedi soir, les Français avaient pris position en face du Yayoi gate du campus d'Hongo, dans un immeuble vide dont la construction venait de s'achever. Depuis cet observatoire, ils avaient une vue stratégique sur cette entrée de l'université. Ils n'en n'avaient pas pour autant négligé les autres accès. Mais c'est d'ici qu'ils avaient finalement surpris l'étudiant américain en compagnie de Manon Thomas. De même, ce matin, ils n'avaient rien perdu de l'arrivée des trois agents américains dans un fourgon dans lequel un quatrième comparse les attendait. Les consignes étaient très claires, en cas de changement notoire de la situation, il fallait immédiatement en informer le colonel Lagarde. Aussi, dès que les Américains furent repérés, l'un des Français en faction dans l'immeuble donna immédiatement l'alerte et le chef d'équipe réagit aussitôt.

    — Mon Colonel, Lieutenant Éric Decour. Nos homologues américains viennent de débarquer à l'université. Je doute qu'ils soient venus pour assister à une conférence sur l'avenir des relations nippo-américaines.

    — Évidemment, il était inévitable qu'ils finissent par retrouver la trace de nos deux fugitifs en cavale. Mais je trouve qu'ils font preuve d'une opiniâtreté des plus suspectes. Vous devez absolument les empêcher d'embarquer les deux étudiants, par tous les moyens. Il est capital que nous sachions le fin mot de toute cette histoire rocambolesque. Le mieux serait encore que vous parveniez à me les amener. Je suis actuellement en route pour l'ambassade. Mais il faudrait trouver un endroit plus discret et plus proche de l'université.

    — Le parc d'Ueno, Mon Colonel, répondit le lieutenant sans hésiter. Nous sommes tout à côté et à cette heure matinale, il ne devrait pas y avoir encore trop de monde. C'est l'endroit idéal.

    — Parfait, Lieutenant. Alors, rendez-vous là-bas. Je vous y rejoins sur le champ. Évitez autant que faire se peut, la confrontation avec les Américains. Mais de toute évidence, ils ne vont pas facilement lâcher leurs proies. Soyez donc ferme avec eux, mais agissez avec prudence. En revanche, je vous demanderai d'être conciliants avec les jeunes gens.

    — À vos ordres, Mon Colonel !

    Le lieutenant coupa la communication. Il avait conscience que la partie avec ses homologues américains allait être très serrée. Avec des agents appartenant à une puissance hostile, cela aurait été plus simple. Alors que là, il s'agissait d'alliés et même pour certains, d'amis. Certes, il leur arrivait parfois de se faire des coups pendables, mais toujours avec un certain respect mutuel. Du moins la plupart du temps. Par quel miracle pouvait-il bien les neutraliser en évitant l'affrontement ? Facile à dire mais bien plus délicat à faire. Alors qu'il cherchait à échafauder un semblant de plan intégrant toutes ces contraintes antagonistes, il reçut l'appel de l'un des membres de son équipe qu'il avait envoyé suivre les agents américains.

    — Cibles en mouvement. Elles viennent de s'engouffrer dans une Yaris blanche et ne devraient pas tarder à passer devant vous.

    — Merde, les Américains n'ont pas fait traîner les choses, déplora le lieutenant.

    — Négatif ! Apparemment, les Américains savaient où chercher. Ils sont rentrés dans le bâtiment d'où viennent, à l'instant, de sortir nos cibles. La Yaris était garée juste devant. Mais les Américains sont toujours à l'intérieur.

    — Quoi ?

    — Sûrement que nos cibles les ont vus arriver et qu'ils ont pu leur fausser compagnie.

    — OK, reste à ton poste et alerte nous dès qu'ils ressortiront. On se charge des cibles.

    — Compris.

    Le lieutenant avait souhaité un miracle et voilà qu'on le lui apportait sur un plateau. Instantanément, il fit le rappel des troupes et tous se précipitèrent dehors. L'un d'entre eux traversa en trombe le parking, qui jouxtait leur planque, et sauta dans un 4X4. Par chance, le véhicule des fuyards tourna sur la droite en sortant de l'université. Cela facilita son interception par les agents français qui purent lui barrer la route avec leur 4X4. La Yaris pila et les étudiants apeurés furent aussitôt encerclés.

    — Stop ! Coupez ce moteur, coupez ce moteur, ordonna le lieutenant d'une voix forte.

    — MIA, des hommes armés nous bloquent le passage, que faisons-nous ? interrogea Manon sans tourner la tête. Si nous tentons de bouger, ils vont nous tirer dessus.

    — ///Qui sont ces types ? interrogea MIA qui ne voyait rien sous les couvertures.

    — Aucune idée, mais ils parlent français. Ils sont quatre autour de notre voiture, sans oublier le conducteur de leur 4X4. Mais les vitres surteintées m'empêchent de voir s'il y en a d'autres à l'intérieur, répondit précipitamment Manon.

    — ///Oh ! Des Français. Alors il serait peut-être plus sage que vous les suiviez. De toute manière, ils sont trop nombreux pour que j'intervienne efficacement. Je suis peut-être devenue la reine de la gymnastique rythmique, mais il y a une limite à tout. Et puis, je n'ai pas vraiment envie de transformer cette discipline en un sport de combat. Pour bien faire, il faudrait qu'ils prennent la Yaris. Ils n'auront de toute façon pas le choix, je pense. Sinon, j'aviserai.

    Manon fit signe à Andrew, qui était au volant, d'obtempérer. Celui-ci coupa alors le contact. Quoi qu'il en soit, les deux étudiants étaient bien trop impressionnés pour penser à s'enfuir.

    — Maintenant, déverrouillez les portières, ordonna le lieutenant qui commençait à s'impatienter.

    Dès que cela fut fait, Manon fut extraite du véhicule non sans égard, constata-t-elle surprise. Pendant qu'elle était conduite dans le 4X4, l'un des agents prit sa place dans la Yaris. Tous repartirent en direction du parc d'Ueno tout proche.

    Toutefois, bien que rapide, l'intervention des Français n'était pas totalement passée inaperçue. Elle s'était déroulée sous le regard impuissant de l'agent américain posté dans le fourgon. Complètement isolé, depuis qu'il avait perdu tout contact avec ses acolytes, il se garda d'intervenir. Il s'abstint également de les suivre, ne pouvant se résoudre à abandonner ses comparses à leur sort. D'ailleurs, très inquiet pour eux, il descendit de son véhicule, mais se ravisa en apercevant la police japonaise entrer à son tour dans la danse. Tout cela n'avait pas été prévu dans le scénario. La mission de routine tournait au fiasco. Il fallait bien le reconnaître, cette fois ils venaient de se faire damer le pion par ces satanés Français. Gare à l'avis de tempête qui s'annonçait. Il était évident que Bradley n'allait pas apprécier le résultat et ce n'était vraiment rien comparé à la réaction de l'amiral Richardson. Ça allait secouer ferme.

    Pendant ce temps, le convoi des Français avait atteint sa destination. Il s'était garé sur un parking à proximité d'un grand bâtiment blanc. Manon distingua ce qu'elle croyait être une grande terrasse sur le toit. Peut-être celle d'un bar ou d'un restaurant. Elle n'eut pas le loisir d'en apprendre davantage. Avec Andrew, on les fit descendre des voitures et, bien encadrés, ils empruntèrent une allée les menant à une étendue d'eau toute proche. Manon remarqua un temple bouddhiste sur sa gauche. Pourrait-elle y trouver de l'aide ? Elle oublia aussitôt cette idée. Elle n'avait nulle envie d'exposer des gens innocents. De toute façon, elle n'aurait pas le temps de faire trois pas avant... Mais avant quoi ? Ils n'allaient pas prendre le risque de les abattre dans ce lieu public. Malgré l'heure matinale, les Tokyoïtes étaient relativement nombreux à profiter de cette belle matinée ensoleillée. Manon comprit qu'elle n'avait donc rien à craindre dans l'immédiat et cette pensée la rasséréna.

.../...

M.I.AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant