Chapitre 11- Destruction - Partie 4

73 11 0
                                    

    Au Pentagone, la salle des opérations se vidait maintenant de ses occupants après le débriefing, au cours duquel, l'amiral avait exprimé sa grande satisfaction d'avoir assister à la destruction du plus grand péril auquel avait été confronté les États-Unis d'Amérique. Cette victoire avait même réussi à éclipser le fait que l'équipe d'extracteurs n'avait pu appréhender la fille du professeur.

    — Il faut croire qu'il existe un dieu pour les étudiants, avait conclu fataliste, l'amiral. Après Fox, la fille Thomas nous file entre les pattes. Alors, mettez tous les moyens qu'il faudra mais retrouvez-moi ces deux pékins. La plaisanterie a assez duré. Exécution !

    Et sur ces mots, tous s'étaient empressés de quitter la salle, mais pour beaucoup, la journée promettait encore d'être longue. Ce n'était toutefois pas le cas pour le colonel Langdon qui regagna sereinement son laboratoire et s'isola dans son bureau. La chasse à l'homme n'était vraiment pas dans ses attributions et il en était heureux.

    — ///Colonel, je vous sens dépité, intervint NAO. Vous aurais-je déçu ?

    — Non, même si ton action ne fut pas très reluisante. Tu t'es vraiment fait avoir comme un débutant.

    — ///J'en conviens, Colonel. J'aurais dû m'occuper des communications en priorité pour l'empêcher de couper la liaison. J'ai estimé, à tort, que je dominais la situation et que cette IA n'était plus en mesure de le faire. En fait, ce n'était qu'un leurre et je n'ai fait que perdre du temps.

    — Je vois, elle avait donc mis en place une défense active, autrement appeler honeypot. Astucieux !

    — ///Elle a effectivement parlé de honeypot juste avant de fermer la connexion.

    — Il est vraiment regrettable qu'il ait fallu détruire cette IA. Le professeur Thomas avait accompli un travail remarquable, semble-t-il. Ce n'est pas lui rendre justice que de détruire son œuvre de cette façon. D'où mon désarroi, NAO. Toute cette connaissance irrémédiablement perdue, quel gâchis ! Indéniablement, nous aurions gagné à l'étudier.

    — ///Désolé, Colonel, d'avoir échoué.

    — Tu n'as vraiment rien pu sauver ?

    — ///Vous ne me l'aviez pas demandé, Colonel.

    — Dommage, pendant ton intervention, il m'avait semblé observer une connexion entrante et j'ai pensé que tu rapatriais des données.

    — ///Négatif, aucune donnée rapatriée. Ce n'était pas l'objet de la mission. Mon objectif était de neutraliser la cible en la détruisant.

    — Ok, ça ne fait rien. J'aurais dû être plus explicite en te donnant mes ordres et t'enjoindre de collecter le plus de données possibles avant sa liquidation. En revanche, NAO, ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi n'avoir pas coupé la liaison plus tôt. Elle en avait parfaitement les moyens. Analyser ton attaque ne représentait, au final, que peu d'intérêt pour elle. Elle savait que, de toute façon, sa fin était proche. Alors pourquoi ?

    — ///J'estime à une très forte probabilité, qu'elle ne cherchait qu'à gagner du temps.

    — D'accord, mais pourquoi vouloir gagner du temps ? Pour une IA, ce n'est certainement pas la peur de mourir. Qu'est ce qui pouvait donc bien la motiver à vouloir ainsi gagner du temps ? Car même après t'avoir éjecté du système, l'IA du professeur Thomas a poursuivi dans cette voie en cherchant à séduire l'agent qui était sur le point de l'annihiler. Et avec un certain succès, je dois dire. L'amiral était au bord de l'apoplexie à s'égosiller en vain à ordonner à l'agent d'appuyer sur ce foutu bouton. Alors, NAO, une suggestion ?

    — ///J'agirais ainsi pour achever une mission vitale.

    — Bien vu. Mais pour cette IA, il n'y avait pas véritablement de notion de mission. Il s'agirait plutôt d'une tâche importante à accomplir. Mais laquelle ?

    — ///Elle semblait très attachée à sa famille, son père, sa mère, son grand frère et sa grande sœur.

    — Quoi ?

    — ///Je lui ai dit que cela n'avait aucun sens et qu'elle n'avait pas de famille.

    — À moins qu'elle n'ait fait allusion au professeur Thomas, sa femme, leur fils Romain et leur fille Manon.

    — ///En prenant cette hypothèse, alors le plus probable est qu'elle espérait entrer en contact avec la fille du professeur Thomas, qui était absente sur les lieux de l'intervention.

    — Mais oui, c'est cela, approuva Langdon en claquant des doigts. Elle voulait prévenir Manon, sa grande sœur selon tes termes, du danger à rentrer chez elle. Mais y est-elle parvenue ?

    — ///L'équipe d'extracteurs ne l'a pas trouvée.

    — Oui, peut être leur a-t-elle finalement échappé grâce à sa « petite sœur ».

    — ///Souhaitez-vous que je prévienne l'amiral de notre découverte, Colonel ?

    — N'en fais surtout rien, NAO. Que l'équipe d'extracteurs se débrouille. Nous avons assez infligé de souffrances à notre éminent confrère. Détruire son IA fut pour moi une calamité. Je ne vais pas, en plus, me rendre complice de l'enlèvement de sa fille.

    — ///Comme vous voudrez, Colonel Langdon.

    — NAO, je suis convaincu qu'Andrew et Manon ne sont pas aussi dangereux que l'amiral le prétend. Je ne suis pas plus convaincu de la dangerosité de l'IA du professeur Thomas. Avait-elle réellement des intentions malveillantes en s'introduisant chez-nous, la dernière fois ?

    — ///Vous pensez que nous avons eu tort d'agir ainsi ? Que l'amiral se serait trompé ?

    — Oh non, je voulais juste dire que l'on aurait dû être plus mesuré dans nos différentes interventions.

    — ///Seulement, si leur IA était défectueuse, alors nous avons eu raison d'intervenir rapidement.

    — Oui, bien sûr NAO ! Mais rien ne permet de l'affirmer.

    — ///Dites-moi, Colonel Langdon, possédons-nous des cochons ici ?

    — Des cochons ? Au Pentagone ? Manquerait plus que ça, ironisa le colonel surpris par la question de son IA. Et pourquoi pas une basse-cour aussi.

    — ///Ah ! je savais bien que j'avais raison et qu'il n'y avait pas de cochon ici. Comment aurions-nous pu en élever, alors ? Cette IA n'était pas si fiable que cela, finalement.

    — Hum, ne te grille quand même pas les circuits pour justifier ton intervention. N'oublie pas que c'est moi, à la demande de l'amiral, qui t'ait ordonné de neutraliser cette IA. Tu n'as fait qu'accomplir ton devoir dans cette histoire.

    — ///Merci, Colonel. Doit-on clore cette affaire ?

    — Elle n'est malheureusement pas terminée, NAO. Nous pourrions encore faire appel à tes services pour retrouver Andrew Fox et Manon Thomas. D'ailleurs, je ne t'ai pas encore coupé l'accès à internet, alors profites-en pour scruter la toile en quête d'indices qu'ils pourraient laisser derrière eux. Examine également les métadonnées mises à ta disposition par la NSA, cela pourrait être utile.

    — ///Bien, Colonel.

    Puis, pour lui-même, le colonel reprit.

    — Où as-tu bien pu passer, petite Manon ? Ton IA a-t-elle réussie à t'avertir ? Est-il possible qu'elle se soit sacrifiée pour te venir en aide ? Ah, que j'aimerais qu'il en soit ainsi, car si tel a été le cas, alors elle s'est donnée beaucoup de mal pour parvenir à ses fins. Je suis convaincu qu'elle voulait te préserver, Manon. Le professeur Thomas a vraiment réalisé des prouesses pour qu'elle soit capable d'une telle empathie. Elle a aussi su faire montre d'une grande capacité d'adaptation et d'ingéniosité. Oui, bien regrettable cette destruction.

***

M.I.AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant