Chapitre 11- Destruction - Partie 1

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Vendredi 23 octobre 2015, 22h30 - Saint Martin d'Hères (France) / 16h30 - Washington (USA).

    Le domicile du professeur Georges Thomas donnait sur une voie sans issue qui débouchait sur les berges piétonnières de l'Isère, en longeant le jardin du centre horticole. Georges avait choisi cet endroit pour son calme et sa proximité avec le campus universitaire de Grenoble. Son lieu d'habitation avait aussi l'avantage d'être proche du parc de l'île d'Amour, situé sur l'autre rive de l'Isère. Le professeur adorait flâner dans ce havre de verdure en compagnie de sa fille Manon. Il avait emménagé fin juin 1994 à l'issue d'une année universitaire éprouvante, tout juste un an après le décès de sa femme et de son fils. Cela lui avait laissé deux mois d'acclimatation dans ce nouvel environnement avec sa fille, avant de devoir la confier à une nounou. Puis vint le moment de la rentrée en maternelle, une phase tellement importante dans la vie d'un enfant. Georges avait toujours la larme à l'œil quand il se remémorait le premier jour d'école de Manon. Ce jour où, après lui avoir enfilé ses chaussons, il l'avait laissée avec son petit cartable dans le dos sur le seuil de sa classe. Manon avait pénétré avec beaucoup d'enthousiasme dans ce nouvel univers. Elle avait déposé son cartable, s'était assise à une table et, sans demander son reste, s'était attaquée à un jeu de construction. Il aurait tant aimé partager ce moment de fierté avec sa femme Patricia. Son bout d'chou d'à peine deux ans et demi n'avait même pas pleuré. Enfin presque. Car tout d'un coup, réalisant que la plupart de ses petits camarades étaient en pleurs tout autour d'elle, elle avait fini par fondre en larmes devant son œuvre inachevée, deux pièces du jeu de construction encore dans les mains. Sans doute avait-elle imaginé qu'il s'agissait de la norme et avait donc décidé d'imiter les autres enfants. En tout cas, c'était ce que son papa, perplexe, en avait conclu. Il avait alors préféré s'éclipser en catimini les yeux humides, tout en soutenant qu'il n'avait pas pleuré ce jour-là. Juste un peu de condensation dans les yeux, disait-il. Il avait surtout fait confiance à l'expérience de l'institutrice et de son ATSEM (Agent Territorial Spécialisé des Écoles Maternelles) pour maîtriser la situation.

    Cela faisait maintenant 20 ans, déjà. Depuis, le quartier avait vu fleurir bon nombre d'immeubles et de maisons d'habitations, sans que sa tranquillité en fût véritablement chamboulée. Une quiétude que vint perturber, vers vingt-deux heures trente, un fourgon banalisé aux vitres surteintées, lorsqu'il aborda le carrefour desservant l'impasse où résidaient les Thomas. Il ne s'y aventura pas et poussa jusqu'au parking du bâtiment de glaciologie, situé à quelques pas de là. Le fourgon stoppa et trois hommes en descendirent, trois agents américains appartenant à l'équipe d'extracteurs envoyée sur les lieux sur ordre du Pentagone. Se tenant prêt à repartir à tout moment, un quatrième comparse était resté en faction dans le véhicule.

    Le trio s'engagea sereinement dans la ruelle tout en devisant en anglais, ce qui n'avait rien d'inhabituel si près d'une université. Pour qui aurait pu les croiser, les agents donnaient la parfaite illusion d'un groupe d'amis désireux de profiter de la douceur exceptionnelle de cette fin de soirée d'octobre. Mais les trois hommes n'avaient pas rencontré âme qui vive lorsqu'ils arrivèrent à la hauteur du portail des Thomas. Il était ouvert. La maison, assez banale, comportait un étage avec un garage attenant de plain-pied. Aussi près de l'Isère, elle devait être dépourvue de cave, jaugea Steven le chef d'équipe. Les volets du bas étaient fermés, mais une lumière brillait à l'étage. Pour autant, aucun mouvement n'était perceptible. Les individus s'approchèrent discrètement de la porte d'entrée qui fut crochetée en un clin d'œil. Les trois agents s'engouffrèrent aussitôt dans le hall, arme au poing. Tous étaient équipés d'une caméra individuelle, qu'ils activèrent sitôt la porte franchie. Sous la supervision de l'amiral Richardson en personne, les images et le son étaient retransmis en direct sur trois écrans grand format haute définition, dans une salle d'opération au Pentagone. Autour de lui étaient également présents les colonels William Shepard et Jonathan Langdon, ainsi que le correspondant de la NSA au Pentagone Bradley Clark.

M.I.AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant