Pendant cette période de test, s'il arrivait à Georges de suggérer à MIA le nom d'une personne à contacter, il lui laissa néanmoins une grande latitude quant aux choix de ses interlocuteurs. Pour Andrew Fox, un jeune métis étudiant à la prestigieuse université du Massachusetts Institute of Technology de Boston, ce fut particulier. Il entra en relation avec MIA grâce à un concours de circonstances. Ce n'était pas un total inconnu pour elle, Georges lui en ayant déjà brièvement parlé, de retour d'un déplacement aux États-Unis. Les deux hommes s'étaient rencontrés sur le campus du MIT à l'occasion d'un colloque sur la cybersécurité auquel le professeur avait été invité à participer. Andrew avait été particulièrement impressionné par ce dernier. Entre autres, il avait apprécié leur longue discussion à l'issue du colloque où Georges lui était apparu comme un homme disponible et très avenant. Ils avaient même échangé leurs coordonnées. Bref, une rencontre inoubliable pour le jeune étudiant. Mais, malgré la haute estime dans laquelle il tenait ce professeur français, Andrew voulut mettre à l'épreuve les déclarations de l'expert en cybersécurité. Aussi décida-t-il de pirater les serveurs du département que le professeur dirigeait en France. Pour ce faire, l'étudiant se connecta au site web de l'université Grenobloise. Toutefois, ses premières tentatives furent vaines et, quelque part, il trouva cela plutôt rassurant. Mais non concluant et il se promit de revenir.
Il était environ quatre heures du matin à Saint Martin d'Hères en ce jeudi 1er octobre 2015 au moment où il récidiva. Pour lui, il n'était donc encore que vingt-deux heures le mercredi 30 septembre à Boston aux États-Unis. Confiant, il pensait enfin être sur le point de réussir à triompher des défenses du site de l'université, lorsque son écran se figea brusquement et son clavier ne répondit plus à la frappe. Bien que rare sous Linux, le système qu'il affectionnait pour travailler, il conclut, étonné, à un plantage généralisé. Il allait se résoudre à rebooter sa machine, quand une fenêtre s'ouvrit inopinément à l'écran. Une jeune femme blonde s'y incrusta.
— ///Bonjour vous ! dit-elle en anglais avec un large sourire.
— Heu, .... Bonjour, mais qui es-tu ? balbutia Andrew, pris au dépourvu par cette soudaine apparition.
Au lieu de répondre, la jeune femme fit un mouvement de la tête, son regard paraissant désigner quelque chose placé légèrement en hauteur devant elle. D'abord indécis, le jeune homme réalisa subitement de quoi il retournait, et arracha le scotch barrant l'objectif de sa webcam. Il était certes inquiet, mais singulièrement curieux de comprendre.
— ///Ah ! Voilà qui est beaucoup mieux, reprit la jeune femme. Nous pouvons mutuellement nous voir, c'est quand même plus sympa, tu ne trouves pas ?
Constatant qu'il n'avait toujours pas récupéré le contrôle de son clavier, ni celui de sa souris, Andrew ne se laissa pas démonter pour autant.
— Ok, félicitation, vous avez remporté la première manche haut la main. Mais, qui ai-je l'honneur d'affronter ? demanda-t-il.
— ///Si cela peut te rassurer, je ne cherche nullement la confrontation avec toi. Je m'appelle MIA, MIA Thomas, l'une des filles du professeur Georges Thomas. Tu dois certainement le connaître, vous vous êtes rencontrés dernièrement lors d'un colloque sur la cybersécurité à Boston. Et toi, tu es Monsieur Andrew Fox, étudiant au MIT. Et présentement, tu essaies de hacker le site de l'université où il enseigne, et ce n'est pas cool. Pas cool du tout même ! Et en plus, ce n'est pas la première fois.
L'étudiant tressaillit en entendant la jeune femme l'appeler par son nom. Mais il fut plus rassuré à l'évocation du nom de l'expert en cybersécurité dont il avait tant apprécié l'intervention.
— Bien sûr que je me souviens du professeur Thomas. Sa dernière intervention au MIT a été TOP. J'ai beaucoup d'admiration pour lui.
— ///Ah, et en témoignage de ton admiration, tu cherches à t'introduire illégalement dans les serveurs du département qu'il dirige ? Drôle de méthode, je trouve.
— Ok, j'ai compris ! déclara Andrew quelque peu gêné. Pour la discrétion, on repassera. Mea culpa. J'avoue que c'était bien dans mes intentions de pénétrer le réseau de l'université de Grenoble, mais je l'ai fait sans aucune volonté de nuire. Je désirais simplement vérifier si le professeur mettait bien en pratique, chez lui, les conseils qu'il prodiguait par ailleurs. Un peu comme un test. Et aussi, un défi.
— ///Perdu ! s'exclama bruyamment MIA, amusée par l'air déconfit du jeune homme.
— Dire que je suis désolé ne changera rien, je suppose. Le professeur Thomas va avoir une bien piètre opinion de moi, maintenant.
Cet aspect-là le chagrinait, bien plus que le ridicule de s'être fait coincer.
— ///Pas du tout. D'abord je te crois sincère lorsque tu parles de défi et ton approche pour arriver à tes fins était des plus intéressantes, il y avait de l'idée. On a eu droit à de la classique injection SQL, mais pas que. Tes attaques étaient somme toute relativement élaborées...
— Sauf que je me suis fait lamentablement repérer, termina l'étudiant.
— ///C'est que notre IPS est très performant, tu sais, répondit MIA.
Naturellement, elle omit de lui révéler que c'était elle qui faisait office de système de prévention des incidents ou IPS. Car, quoi de mieux qu'une IA pour détecter les comportements malicieux et y répondre efficacement, avait estimé Georges. Donc, il y a deux ans, il s'était arrangé pour obtenir l'aval de l'université pour installer, ce qu'elle croyait être, un outil Open Source de sécurité et Andrew venait d'en faire les frais. En le laissant dans l'ignorance sur son implication, MIA ne faisait qu'appliquer les consignes de son père qui ne souhaitait pas que ses interlocuteurs soient informés de sa véritable nature, pas encore. Mais, lorsqu'ils réussirent à obtenir la confirmation de l'identité du pirate informatique à la suite de ses premières actions infructueuses, le professeur avait jugé opportun de l'autoriser à prendre contact avec lui. Mieux, il avait consenti à ce qu'elle prenne le contrôle de sa machine. Et elle ne s'en était pas privée. D'ailleurs, à cette occasion, elle avait repéré de bien curieuses anomalies, qu'elle s'était promis d'analyser ultérieurement.
— En tout cas, je dis bravo ! J'ai pu constater que vous faites bien mieux que le Pentagone, avoua Andrew. Il devrait pourtant être mieux placé qu'une université pour interdire l'accès à son réseau. Ils n'ont absolument rien remarqué, eux, lorsque je leur ai rendu une petite visite et cela en est presque désolant.
— ///Pentagone ?
— Tu ne connais pas le Pentagone ? s'exclama l'étudiant du MIT, surpris.
— ///Ah oui, le Pentagone, reprit MIA, qui venait de comprendre qu'Andrew ne faisait pas allusion à une figure géométrique, mais au quartier général du département de la Défense des États-Unis d'Amérique dont la forme représentait justement un pentagone.
Dubitatif par ce manque de perspicacité de la part de Mia, Andrew revint sur le sujet brûlant du moment.
— Et maintenant, que fait-on ? À quoi dois-je m'attendre ? Vous allez porter plainte ?
De cela, elle en avait aussi discuté avec Georges. Ils étaient parvenus à la conclusion qu'une petite mise au point avec Andrew s'imposait et que le fait qu'elle apparaisse ainsi devant lui, servirait amplement de leçon.
— ///Oh, pour ça, eh bien, disons que si tu nous promets de ne pas récidiver, alors, nous en resterons là.
— Je te le promets, Mia, je n'ai pas envie de me faire pincer une nouvelle fois, assura Andrew soulagé de s'en tirer à si bon compte. Et pour le coup, il n'avait absolument pas l'intention de recommencer. Il devait bien l'admettre, il avait été surpassé. Il avait trouvé plus fort que lui.
— ///Sans rancune, Andrew, répondit MIA avec un large sourire.
— Aucune, merci, conclut l'étudiant en lui rendant son sourire.
Pour MIA, ce fut le début de ses communications régulières avec lui, le jeune homme ayant accepté d'échanger avec elle. Il connaissait vaguement le français, mais ce fut toujours dans la langue de Shakespeare qu'ils échangèrent ensemble par la suite, MIA étant absolument bilingue. Andrew ne se doutait évidemment pas de la tournure dramatique qu'allaient prendre les événements après cette rencontre.
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M.I.A
Bí ẩn / Giật gânEn 1993 Patricia et Georges Thomas, un jeune couple d'enseignants chercheurs passionnés, donnent naissance à MIA. Assurément, un "bébé" loin d'être ordinaire, MIA est une intelligence artificielle. Mais il lui faudra patienter jusqu'en 2015, pour ac...