Chapitre 10- Soupçons - Partie 3

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    Le trajet vers Abidjan, la capitale économique de la Côte d'Ivoire, prit moins de deux heures. Sitôt débarqué de l'avion, le lieutenant Carpentier se rendit directement à l'aéroclub propriétaire du Cessna, avec un véhicule prêté par l'ambassade. Un rapide tour d'horizon à son arrivée lui permit d'apercevoir le bimoteur qu'il cherchait, parqué près d'un hangar.

    — Au moins, l'avion est bien là, songea-t-il satisfait. Mais a-t-il bien déposé son passager à l'aéro-club ? Et si tel a été le cas, où notre bonhomme s'est-il rendu après l'atterrissage ?

    Pour obtenir les réponses à toutes ses interrogations, Alexandre se dirigea derechef vers le bureau qui faisait office d'accueil et entra. Ça sentait la graisse, un peu comme dans un garage de réparation automobile. De fait, il y avait des bidons d'huile stockés près d'un bureau où un homme était affairé à taper sur un clavier. Celui-ci leva la tête en direction du lieutenant qui, pour des raisons évidentes de discrétion, avait revêtu des vêtements civils. Il avait néanmoins opté pour un style baroudeur. C'était dans sa nature et on ne se refait pas.

    — Puis-je vous renseigner ? le questionna l'homme soudain intéressé en pensant avoir affaire à un client.

    Le lieutenant avait eu tout le loisir de concocter une histoire permettant de justifier sa démarche auprès du personnel de l'aéro-club. Mais, il jugea inutile de mentir sur son nom.

    — Bonjour, je m'appelle Alexandre Carpentier et je suis à la recherche d'un collègue qui aurait dû arriver très tôt ce matin en provenance de Bamako. Notre patron avait affrété un de vos avions pour le ramener de toute urgence à Abidjan. Mais il n'est pas venu au rendez-vous que nous nous étions fixés et impossible de le joindre. Alors j'aimerais savoir s'il est bien arrivé. En théorie, il aurait dû atterrir entre trois heures et quatre heures du matin. Cela devrait être facile à vérifier, vous ne devez pas en faire souvent des vols de nuit.

    L'homme s'apprêtait à contrôler dans son ordinateur lorsqu'une jeune femme fit son apparition. Elle passa à côté du lieutenant, qu'elle salua poliment, et se planta devant le bureau en y jetant une feuille annotée, accrochée à un support en bois dans lequel était coincé un stylo. À sa tenue vestimentaire, Carpentier estima qu'il s'agissait d'une pilote. L'homme, assis à son bureau, dédaignant la feuille qu'elle venait de lui remettre, s'adressa aussitôt à elle :

    — Ah Caro ! Tu dois sûrement être au courant pour la course à Bamako de cette nuit ?

    En entendant ce nom, qui devait être le diminutif de Caroline, le jeune militaire pensa à une expat. Il en fut heureux, cela pourrait lui faciliter la tâche le cas échéant.

    — Ouais, c'est Mitch qui s'en est chargé, répondit la jeune femme. Il s'est d'ailleurs tapé une de ces primes, le salaud. Perso, j'aurais bien voulu y aller à sa place. Moi aussi, j'ai la qualif vol de nuit et nous sommes les seuls à l'avoir avec Mitch.

    — C'est parce que, comme chaque samedi matin en ce moment, tu as un vol de prévu, lui répondit son collègue. Tu connais le règlement aussi bien que moi, Caro. Après un vol de nuit, interdiction de reprendre le manche dans la journée.

    — Ben, sur ce coup-là, j'aurais bien fait l'échange avec Mitch. Qui le demande ? interrogea la pilote.

    — C'est moi, intervint le lieutenant. Il a transporté un de mes collègues cette nuit et nous avions convenu d'un rendez-vous vers midi en centre-ville. Mais il n'est jamais venu. Alors je suis venu ici pour avoir de ses nouvelles.

    — Et il n'a pas un téléphone, votre collègue ?

    — Si, bien sûr, mais je tombe directement sur son répondeur.

M.I.AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant