Chapitre 08- Sauve-qui-peut - Partie 5

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    Après plus de neuf heures de vols depuis Boston, l'avion de la Turkish Airlines était maintenant en approche de l'aéroport Atatürk, situé au bord de la mer de Marmara, à une quinzaine de kilomètres à l'ouest d'Istanbul. Il était aux environs de seize heures dix, heure locale. Aucun retard n'était donc à déplorer. En d'autres circonstances, Andrew aurait su apprécier la ponctualité de la compagnie aérienne nationale turque. En définitive, le jeune étudiant américain avait été très satisfait de son séjour à bord, nonobstant sa hantise de voir l'avion rebrousser chemin pour revenir sur Boston. D'ailleurs, il avait eu un moment de panique lorsqu'à son réveil, après s'être assoupi au cours du vol, il avait constaté une certaine effervescence dans les couloirs. Pour lui, toute cette agitation ne pouvait signifier qu'une chose, il s'était fait repérer et l'avion venait de faire demi-tour. Mais la vue de l'écran affichant la trajectoire de l'avion, l'avait rassuré. Celui-ci n'avait pas dévié de sa route. Surtout le calme, tout relatif dans un avion, était finalement revenu quelques instants plus tard après que tout le monde eut regagné sa place. Fausse alerte. Aussi, beau joueur, Andrew admit, à l'atterrissage, que Mia pouvait avoir raison en parlant de la Turkish Airlines comme ayant été élue meilleure compagnie aérienne européenne. Mais ce constat n'allait pas beaucoup l'aider durant les prochaines heures qu'il devait passer en transit.

    L'angoisse ressurgit. Andrew ne put s'empêcher de s'imaginer dans la peau de William Hayes, ce jeune touriste américain emprisonné pour trafic de drogue en Turquie en 1970. Hasard, il avait récemment visionné Midnight Express, ce vieux film d'Alan Parker relatant cette histoire. Ce jour-là, assis confortablement dans un canapé, il l'avait trouvé captivant. Mais là, tout de suite, précisément dans cet aéroport, il le trouvait beaucoup moins sympa. Et Mia qui lui avait recommandé de rester naturel à son départ de Boston. Tu parles. Il se voyait déjà arrêté sans ménagement à sa descente d'avion ou être encerclé par une multitude de policiers belliqueux à l'intérieur de l'aéroport. Il n'en fut rien, bien au contraire. Au moment de quitter l'avion les hôtesses le gratifièrent d'un sourire charmant et le personnel turc fut, dans son ensemble, des plus avenants à son endroit. Tant et si bien qu'il aborda par pur réflexe un policier turc alors qu'il était complètement perdu dans cette immense aérogare. Il réalisa le côté ubuesque de la situation en tendant son téléphone, sur lequel était affiché son billet d'avion, à l'homme en uniforme qui se dressait désormais devant lui. Pas sûr que son attitude, devenue subitement hyper crispée, fasse très naturelle. Mais impossible de reculer maintenant. Il maudit alors son sens de l'orientation qui n'était vraiment pas son point fort. L'homme se saisit de l'appareil et si, à ce moment-là, il lui avait demandé son nom, Andrew aurait répondu William Hayes, c'est sûr. Professionnel, le policier se contenta de lui indiquer courtoisement le chemin à suivre pour prendre son prochain avion, avant de s'éloigner nonchalamment avec son acolyte. L'étudiant du MIT se remit à respirer plus librement. De cette mésaventure, il put finalement en conclure que, décidément, certains clichés avaient la vie dure.

    Deux heures plus tard, il décollait pour Bamako, une ville où il n'avait jamais imaginé que ses pas puissent le conduire un jour. Le vol se passa sans incident, en dehors des traditionnels trous d'air qu'Andrew abhorrait. Mais, l'angoisse revint encore quand le commandant de bord leur annonça entamer la descente vers la capitale malienne. Il faut dire que Mia s'était montrée très évasive quant à ce qui était prévu à son arrivée à l'aéroport. Peut-être que quelqu'un viendrait le récupérer, mais ce n'était pas sûr. Il devait déclarer à cette personne qu'il était un Panda Roux ou un animal poilu du même genre. Andrew avait franchement rechigné lorsque Mia lui avait annoncé cela. Mais elle avait insisté car il s'agissait, soi-disant, d'une phrase passe, d'un signe de reconnaissance. Du grand n'importe quoi, s'était-il lamenté. Devant la fermeté de Mia, il avait fini par céder et en avait conclu qu'elle avait dû regarder trop de films d'espionnage dans sa jeunesse. En dernier recours, il avait noté le nom d'un Hôpital, Gabriel Touré, où, selon Mia, il pourrait se rendre en cas de difficultés. Un hôpital ? avait-il déploré. Il se demandait bien pourquoi il ne pourrait pas descendre tout simplement dans un hôtel. Par sécurité, lui avait-elle rétorqué. Mais comment le Pentagone, la CIA ou n'importe qui d'autre aurait eu l'idée de le chercher là, alors que lui-même n'avait pas imaginer s'y trouver la veille, avait ironisé Andrew. Un cauchemar, ça ne pouvait être que ça, il nageait en plein cauchemar et il n'allait pas tarder à se réveiller. L'atterrissage rugueux sembla contredire ce fol espoir. Cette secousse aurait dû le réveiller, mais il était toujours bien sanglé dans ce maudit fauteuil de Boeing 737-900.

M.I.AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant