Chapitre 03- Le libre arbitre - Partie 1

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Jeudi 1er octobre 2015 - Saint Martin d'Hères (France).

    Depuis son arrivée en Isère en 94, Georges dirigeait le département des sciences du numérique de l'université de Grenoble, qui ne s'était pas toujours intitulé ainsi. Au début de sa prise de fonction, ce département était même principalement axé sur l'intelligence artificielle, son domaine de prédilection. Mais très vite, comme partout ailleurs, cette discipline avait perdu de son aura. Il choisit alors de réorienter son labo et d'élargir son champ d'études aux systèmes d'informations et aux réseaux, des domaines prometteurs. Très tôt également, il s'intéressa à la cybersécurité, au point d'en devenir un éminent expert et de juger son enseignement indispensable. En définitive, ce département devint sa seconde maison, il s'y était profondément investi et avait su en faire un pôle d'excellence. Transmettre son savoir était aussi une passion, tant et si bien qu'il était très demandé sur le campus par les écoles d'ingénieurs implantées sur le domaine universitaire. Malgré tout, il avait toujours su libérer du temps pour le consacrer aux deux autres passions de sa vie, sa fille Manon et MIA. C'était même devenu plus facile aujourd'hui avec Manon, qui avait intégré l'une des plus prestigieuses écoles d'ingénieur dans laquelle il enseignait. Il la voyait donc plus souvent, exception faite de l'année scolaire 2014-2015 où sa fille avait temporairement interrompu son cursus pour passer un an en immersion aux États-Unis. D'ailleurs, elle venait tout juste de rentrer des US pour achever sa dernière année, à la plus grande joie de son papa.

    Justement, aujourd'hui, il assurait un cours en cybersécurité pour les dernières années et Manon était quelque part dans l'amphi. Sa présence n'influait en aucune manière sa façon d'enseigner. Georges souhaitait par-dessus tout que son cours soit vivant. Aussi avait-il toujours une anecdote à partager ou une expérience à réaliser pour montrer la réalité de la cybercriminalité. Pour lui, que les étudiants sachent que telle prouesse technique soit réalisable parce que l'information avait été largement diffusée dans les médias ou la presse spécialisée, ce n'était pas suffisant. Il était beaucoup plus facile d'appréhender ce délicat sujet lorsqu'on y était directement confronté. Et aujourd'hui, par exemple, il abordait le sujet, ô combien sensible, du piratage d'un smartphone. Tous les étudiants en possédaient un, et parfois, leur rapport avec lui était, limite, fusionnel. D'ailleurs, il ne comprenait pas comment un étudiant, et à fortiori un enfant, pouvait passer la moindre parcelle de son temps libre, du matin jusqu'au soir et parfois même la nuit, avec un tel objet. Cela allait à coup sûr restreindre leur imaginaire et nuire à leur créativité. Sa fille Manon le traitait souvent de vioc réactionnaire, lorsqu'ils abordaient ce sujet ensemble. Cette pensée le fit sourire. Pour l'heure, la triste réalité était que l'utilisation du portable empiétait largement sur son cours. Ses étudiants faisaient beaucoup trop confiance à cette extension d'eux-même. Il porta donc son dévolu sur Théo Duval, qui n'était plus avec eux depuis un bon moment car plus intéressé par son écran que par son cours. Il tapota alors sur son micro :

    — MIA ?

    — ///Oui, Professeur, je suis avec vous. Notre leurre d'AP Wi-Fi est opérationnel. Le nombre de connexion s'est stabilisé à seize après un pic à vingt-trois.

    — Théo Duval fait-il parti du lot, questionna Georges ?

    — ///Absolument.

    Il s'adressa à l'amphi, reprenant ses explications sur le piratage d'un smartphone.

    — Ainsi donc, il est relativement aisé de pirater un smartphone, comme vous allez pouvoir le constater vous-même.

    Il appuya sur une touche du clavier et le vidéo projecteur, relié à son micro, diffusa l'image du contenu de l'écran du smartphone de Théo. Il venait de se faire surprendre en plein échange par SMS au sujet d'une soirée qu'il organisait le soir même. Apparemment, il finalisait un message ventant sa « meuf » Élodie :

M.I.AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant