Chapitre 15- Fin de cavale - Partie 3

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    Les deux étudiants furent emmenés un peu à l'écart près d'un banc isolé. Un homme, un européen, la soixantaine, y était assis. Il était habillé d'un costume léger, sa veste, soigneusement pliée, reposant à côté de lui sur le dossier du banc. Il faisait doux à Tokyo en cette fin octobre. Manon se fit la réflexion que cet homme par sa posture, tel un vénérable, imposait le respect. Toutefois, elle en était convaincue, il fallait se méfier des apparences. Cet homme devait savoir se montrer vif. Les personnes qui accompagnaient les jeunes gens les invitèrent à le rejoindre, pendant qu'eux-mêmes se déployèrent stratégiquement pour éteindre toute velléité de fuite. Aussi s'exécutèrent-ils sans résister. Ils s'approchèrent de l'individu sur son banc qui leur fit signe de s'asseoir. Manon, qui n'en menait pas large, se laissa presque choir près de l'homme, imité par un Andrew flageolant.

    — Bonjour jeunes gens, je me présente, Colonel Marc Lagarde du renseignement français. Je suis actuellement en poste au Mali à Bamako dans le cadre de l'opération Barkhane. Mais certains évènements récents m'ont obligé à sortir, loin de ma tanière.

    Manon et Andrew restèrent muets, attendant la suite. L'homme poursuivit en tournant la tête dans leur direction afin de mieux les jauger.

    — Manon Thomas et Andrew Fox, je présume, ou préférez-vous que nous continuions à vous appeler Manon Dessources et Andrew Bolton conformément aux papiers d'identité que l'on vient de me remettre ?

    Manon sursauta en entendant son vrai nom. Donc lui aussi savait. C'était la deuxième fois de la journée. Apparemment, leur couverture avait quelque peu pris du plomb dans l'aile. Finalement, ils ne leur avaient pas fallu longtemps pour reconstituer leur identité réelle, pensa Manon. Il est vrai qu'Andrew s'était fait arrêter à Bamako, avec ses véritables papiers d'identité en sa possession et le colonel venait de leur préciser qu'il arrivait de cette ville. Le rapprochement avait sans doute dû être facile. Pour elle, c'était moins évident. Mais face à ce type de professionnels, il lui paraissait maintenant manifeste qu'ils ne pouvaient pas faire le poids, même avec MIA pour les aider. Elle n'avait pas la capacité de tout surveiller. En outre, elle n'avait pas été conçue pour cela. Sans compter qu'elle devait, elle-même, se montrer discrète pour éviter de se faire repérer. Les Américains avaient déjà tenté de l'éliminer sans la moindre hésitation et elle savait qu'ils n'avaient pas l'intention de capituler. D'une certaine manière, Manon était soulagée d'apprendre qu'ils avaient été arrêtés par des Français. À moins qu'ils ne soient de mèche avec les Américains. Par défiance, submergée de doutes et de questions, Manon garda le silence. N'étaient-ils pas des alliés après-tout ?

    Devant le mutisme des deux étudiants, le colonel continua d'une voix posée et ferme.

    — Mais dites-moi, vous aussi, vous êtes bien loin de vos demeures respectives, si je ne m'abuse. Tokyo n'est pas vraiment ce que l'on pourrait appeler la banlieue de Grenoble ou de Boston, ne trouvez-vous pas ?

    À l'évocation de son chez-soi, Manon sentit les larmes lui monter aux yeux. N'ayant rien à perdre, elle répliqua avec un air de défi :

    — Je n'ai plus de chez moi, vos amis américains ont détruit la maison de mon père. Maintenant, qu'allez-vous faire de nous ? Nous assassiner, pour finir leur sale boulot ?

    — Ce que nous allons faire de vous dépendra entièrement de vous. Dans votre situation, une coopération pleine et entière serait plus que souhaitable. Quant à vous assassiner, nous ne sommes pas dans un mauvais film d'espionnage, Mademoiselle Thomas. Il ne faut pas donner du crédit à tout ce que l'on voit ou raconte à la télévision, encore moins sur les réseaux sociaux. Il y a loin de la fiction à la réalité. Mais, j'en conviens, l'attitude de mes amis américains, comme vous le dites, me laisse perplexe. Tant d'égarement de leur part est tout bonnement invraisemblable. Ce serait encore plus troublant si votre version des faits, concernant l'épisode de la maison, était fondée. Pourtant, le rapport que j'ai eu entre les mains ne faisait état que d'un incendie provoqué par un court-circuit, suivi d'une explosion due au gaz. Les pompiers ont découvert un grand nombre de matériels électroniques calcinés dans la pièce d'où serait parti le feu. Ce qui semblerait accréditer l'hypothèse d'un court-circuit. L'explosion qui s'en est suivie et qui a soufflé la maison, s'expliquerait par une fuite de gaz. Selon ce même rapport, une installation vétuste serait à l'origine de cette fuite.

M.I.AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant