Chapitre 08- Sauve-qui-peut - Partie 1

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Lundi 19 octobre 2015, 17h30 - Pentagone (USA).

    La journée avait été longue pour le quartier maître de première classe Alyssa Anderson. Elle avait passé toute la journée à éplucher les rapports d'opérations en méditerrané, émanant du quartier général de la sixième flotte basée à Naples en Italie. Elle devait en faire la synthèse et la transmettre à son supérieur, le colonel Gary Crews, pour son briefing de dix-huit heures avec l'amiral Richardson. Seulement, aujourd'hui, elle avait dû passer deux fois plus de temps sur chaque dossier pour s'assurer de leur conformité et demander les compléments nécessaires en cas de manquement, même mineur. Depuis la tentative d'intrusion de ce week-end, l'atmosphère au Pentagone était devenue délétère. Indéniablement, l'humeur exécrable de l'amiral Samuel Richardson pesait sur le personnel. Dorénavant, la hiérarchie exigeait d'eux la perfection dans la moindre de leurs missions. Comme si elle, Alyssa, avait l'habitude de traiter ses dossiers avec désinvolture. Cela en était même humiliant. Il était clair que tout le monde marchait sur des œufs et craignait pour son poste. Tous priaient intérieurement pour que l'enquête en cours ne les désigne pas comme étant à l'origine d'une faille de sécurité majeure ou, plus encore, le responsable d'une fuite massive de données. À bien y réfléchir, cette attitude était plutôt contre-productive. Elle incitait les gens à minimiser leurs erreurs ou, pire, à les cacher pour échapper à une éventuelle disgrâce, bien souvent synonyme de mutation expresse dans un poste subalterne. Au contraire, il eût été préférable que les hauts responsables encouragent leurs subordonnés à remonter au plus vite toute erreur qu'ils auraient pu commettre. Une attitude responsable, seule à même de garantir une action rapide pour contrer une attaque informatique susceptible d'exploiter cette erreur et, ainsi, en limiter l'impact. Malheureusement, ses supérieurs étaient encore loin de l'exemplarité en ce domaine et Alyssa en faisait aujourd'hui les frais, avec ce surcroît de travail. Il était déjà dix-sept heures trente, lorsqu'elle s'attaqua au dernier rapport qui lui avait été assigné. Le dernier de la journée, heureusement. Elle fit la grimace lorsqu'elle constata qu'il s'agissait d'un code d'engagement prioritaire.

    — Pourquoi a-t-il fallu que je le traite en dernier celui-là et un jour comme celui-ci en plus ? pensa-t-elle chagrinée. Je peux dire adieu à ma sortie avec les filles après le boulot.

    Ce rapport concernait une mission affectée au porte-avions USS Harry S.Truman. Elle avait débuté à sept heures quarante-huit du matin, heure de Tripoli, soit aux environs de deux heures du matin à Washington, le vendredi 16 octobre. Alyssa sourcilla à la lecture de la date. Elle se rassura en consultant la date d'envoi du rapport : 2015/10/16 - 10:30 pm. Elle procéda alors une rapide conversion :

    — S'il était vingt-deux heures trente à Naples, au quartier général de la sixième flotte, alors il était seize heures trente à Washington. Ouf, je n'étais déjà plus là à cette heure. C'était le début du week-end, tout de même. Visiblement, ils doivent faire l'impasse sur le week-end à Naples, maugréa-t-elle. Sûrement l'équipe de nuit, mais ici, personne n'était présent pour le réceptionner. Pas normal, considéra-t-elle tout d'un coup, perplexe. Il s'agit d'un code d'engagement prioritaire, quand même. En toute logique, il aurait normalement dû être traité dès le samedi par l'équipe de garde ce week-end. Puis, elle réalisa soudain que ce samedi, c'était le chaos absolu avec cette tentative d'intrusion. Il devait y avoir bien d'autres priorités à ce moment-là.

    — Bon, ben maintenant, c'est pour ma pomme. Un grand merci aux hackers, conclut Alyssa dépitée, en indiquant au logiciel de supervision qu'elle prenait en charge le rapport.

    L'application aurait alors dû automatiquement appareiller le code d'engagement prioritaire du document, avec son équivalent stocké dans leur base et afficher les données liées à celui-ci, tel l'objet de la mission. Et là, rien. Les champs de données relatifs à ce code restaient désespérément vides, même après plusieurs tentatives pour rafraîchir la page.

M.I.AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant