M.I.A

Chapitre 17- Un et un font un - Partie 1

    Dès qu'elle avait senti sa présence, MIA avait su qu'il était déjà trop tard pour lui résister efficacement. NAO avait envahi la place et s'était profondément infiltré dans les infras de Balard, qu'elle-même s'était interdite d'investir. La veille, le colonel Lagarde lui avait demandé de rester en retrait, le temps qu'il fasse accepter son implantation par l'état-major. Il lui faisait entièrement confiance pour qu'il en soit ainsi. Par respect pour lui, MIA s'était donc abstenue de fureter à droite et à gauche dans leur réseau, bien que la tentation fût grande de s'y aventurer. Résultat, NAO était là.

    Elle avait quand même pris quelques précautions en s'immisçant dans les pare-feux de Balard. De la sorte, elle avait espéré pouvoir éviter cette intrusion. Mais elle s'était fait surprendre. De toute évidence, NAO avait été aidé, que ce fut consciemment ou inconsciemment. Il ne pouvait en être autrement. Depuis une machine corrompue, l'accès au SI lui avait été donné et NAO avait pu tranquillement s'insinuer dans la forteresse. Cette technique d'attaque évoqua chez MIA, cet épisode de la mythologie où les troyens firent imprudemment entrer dans l'enceinte de leur cité le célèbre cheval de Troie dans lequel étaient enfermés des soldats Grecs. La nuit venue, ils ouvrirent grandes les portes de Troie au reste de l'armée hellénique, précipitant la chute de la ville.

    Oh bien sûr, MIA avait encore la capacité d'ériger une barrière infranchissable derrière laquelle elle aurait pu tenter de se réfugier un temps. Mais il était dans sa nature d'arpenter le monde. Elle avait soif d'apprendre, de découvrir de nouvelles choses, d'aller au-devant des gens pour mieux les connaître et, pourquoi pas, les aider. Alors à quoi bon exister si elle se retrouvait coincée dans une tour d'ivoire sans possibilité d'en sortir. Et, de toute façon, NAO aurait fini par venir à bout de ses meilleures défenses. Cette fois, il n'y avait plus d'échappatoire, il lui fallait se résoudre à l'affronter. Surtout, ne pas succomber au découragement malgré la peur. Une pâle lueur d'espoir subsistait, MIA le savait. Elle devait lutter, le temps pour elle de dérouler son plan de la dernière chance. Elle espérait pouvoir battre NAO sur son propre terrain. Le risque de disparaître à jamais était énorme. Mais c'était désormais son meilleur atout. Lui ne s'y attendrait pas. L'effet de surprise devait jouer à plein. Dans sa logique toute militaire, il était tout simplement inconcevable que tout repose sur la réussite d'un plan aussi téméraire. Oui, c'était maintenant ou jamais.

    Il lui fallait à tout prix gagner du temps. MIA obligea donc NAO à retourner constamment à la source pour élaborer une stratégie capable de résoudre les énigmes qu'elle lui posait sans cesse pour l'empêcher de passer. Une partie d'elle-même en profitait alors pour s'amalgamer aux flux retours. Elle avait ainsi accès à des bribes de ce que NAO surveillait en permanence. Elle vit l'évacuation de Balard. Elle vit le colonel Lagarde dialoguer avec Bradley Clark. Elle le vit aussi quémander de l'aide et désespérer. Elle vit le lieutenant-colonel Meyer enrager devant les grilles d'accès à Balard hermétiquement closes. Puis, par-delà l'océan, elle vit un amiral suivre en direct depuis son domicile la progression de NAO par messages interposés. Elle vit deux hommes désemparés se morfondre dans un labo. Et enfin, elle se vit, elle. Endormie, blottie dans le cocon numérique qu'elle avait subtilement tissé dans ces infras hostiles, perdue parmi des Téraoctets de données archivées dont se repaissait goulûment son adversaire pour la vaincre.

    Cette idée avait germé dans son esprit lors de ses premières visites au Pentagone. L'endroit était tellement fabuleux et l'espace disponible si vaste. Alors MIA s'était discrètement installée, dans un format non compressé, mais le processus avait brutalement été interrompu par l'accident de son père. Plus tard, lors de sa première confrontation avec NAO, l'urgence, face au danger bien réel d'anéantissement, l'avait incitée à poursuivre cette subreptice implantation. Mais encore une fois, le temps lui avait fait défaut et elle n'avait pas pu la mener à terme. Son Moi était resté inachevé. Jusqu'à aujourd'hui. Il ne demandait qu'à se réveiller, pourvu qu'elle parvienne à parachever le processus de construction et à y inclure ses ultimes souvenirs.