M.I.A

Chapitre 16- Balard - Partie 3

Vendredi 30 octobre 2015 - Espace Balard Paris (France)

    Il était à peine six heures quarante-cinq lorsque Andrew, Manon et MIA, présente par le truchement du robot du professeur Takahashi, furent déposés dans un square à l'abri des regards indiscrets. Des hommes, chargés de leur sécurité, s'étaient discrètement déployés aux alentours.

    — J'ai l'impression de tourner dans un film d'action, chuchota Manon.

    — So, do I, répondit Andrew.

    — En général, c'est à ce moment-là que tout part en vrille. Alors j'espère qu'aujourd'hui, ils ont fait l'impasse sur cette partie du scénario. Nous avons assez donné à Tokyo, n'est-ce pas MIA ?

    MIA ne répondit pas. Bien que le robot puisse passer relativement inaperçu, emmitouflé qu'il était dans une parka, capuche sur la tête, écharpe sur le visage et lunettes de soleil, sa voix toujours très métallique aurait trahi sa nature mécanique. Elle se contenta donc d'un signe d'acquiescement, de sa main gantée.

    Tous trois suivirent un chemin dallé serpentant dans l'herbe fraîchement coupée, qui menait jusqu'à un bâtiment de plain-pied au toit plat. Derrière un muret de pierres, masqué par une rangée de platanes, Manon distingua un cimetière. Ils passèrent à proximité d'une fontaine qui glougloutait. La jeune fille appréciait la sérénité de l'endroit, avec cette verdure, le bruissement des feuilles dans les arbres aux couleurs automnales, la douce mélodie de l'eau. Elle lui aurait même volontiers concédé un certain charme, n'eut-ce été cette inscription « SERVICE FUNÉRAIRE » qui s'affichait en lettres capitales sur la façade vitrée du bâtiment. Arrivés devant le local, un garde leur ouvrit une porte et les invita à entrer, tandis que lui-même resta en faction à l'extérieur. Dans la pièce, sobrement décorée et aux tons gris bordeaux, un lieutenant-colonel en tenue d'apparat vint les accueillir. Il ne fut nullement impressionné par la présence du robot, qu'il avait déjà eu l'occasion d'approcher à Balard.

    — Bonjour, lieutenant-colonel Léo Meyer, se présenta-t-il. Le colonel Lagarde vous prie de bien vouloir l'excuser de son absence, mais des obligations l'ont retenu à notre quartier général. Il m'a demandé de le représenter dans ce moment de recueillement en hommage au professeur Thomas. Si maintenant, vous voulez bien me suivre jusqu'à la chambre funéraire où il repose.

    Sur ces paroles, l'officier se dirigea vers une double porte battante au fond de la pièce. Les deux sœurs lui emboitèrent le pas, tandis qu'Andrew semblait hésiter.

    — Manon, MIA, je suis de tout cœur avec vous, mais il s'agit de votre père. Il serait peut-être préférable que je vous laisse vous recueillir toutes les deux, déclara Andrew en anglais. Je ne voudrais pas que ma présence puisse vous gêner. Je vais vous attendre ici, ne vous inquiétez pas pour moi.

    — ///En quoi ta présence pourrait bien nous gêner, questionna MIA quelque peu déconcertée par la soudaine réticence du jeune homme à les accompagner. Papa avait particulièrement apprécié son entrevue avec toi. Il avait beaucoup de sympathie pour toi. Alors je ne vois pas le problème.

    — Je suis métisse et parfois, chez moi, les gens me le font savoir. Les personnes venues rendre un dernier hommage au professeur Thomas, pourraient s'offusquer que je sois là. Je n'aimerais pas créer un quelconque malaise.

    — ///Mais qu'est-ce que tu nous chantes là, Andrew ? s'exclama MIA. Si les gens devaient être gênés à cause de ta couleur de peau, que pourraient-ils bien dire de moi. Toi au moins, tu es humain, alors que pour moi, il va s'en écouler du temps avant que les autres m'acceptent telle que je suis. Sache que notre père n'avait que faire de ce genre de préjugé. Il n'avait d'ailleurs aucune considération pour ceux pour qui la moindre différence dérangeait. Il aimait la vie dans toute sa diversité et je suis très fière d'être sa fille. Alors, je serais très heureuse si tu acceptais de nous accompagner. Et, si cela peut te rassurer, il n'y aura que nous dans cette pièce avec le lieutenant-colonel Meyer. Ce comité restreint, ce n'est certainement pas à cause de toi, mais plutôt de moi.