Chapitre 11- Destruction - Partie 5

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    Il était vingt-trois heures dix lorsque Manon quitta la voie rapide de Grenoble pour s'engager sur la bretelle de sortie la conduisant au domaine universitaire. Elle s'était rendue à l'anniversaire d'une amie qui habitait près de Crolles. Malgré ses réticences pour venir, à cause de l'hospitalisation de son père, son amie l'avait finalement convaincue de lâcher prise. Le fait est que la semaine avait été épouvantable. Elle était rentrée de Paris lundi dernier, le moral dans les chaussettes. Voir son père dans un état aussi pitoyable avait été un choc terrible. Lui d'ordinaire si vivant, si enjoué, était cadavérique, inerte, avec des tuyaux qui sortaient de partout. Il lui était apparu si fragile, allongé dans ce lit, dans cette chambre d'hôpital si impersonnelle. Elle avait pleuré pendant toute la durée du trajet dans le train la ramenant à Grenoble. Maintenant encore, dans sa voiture, elle avait du mal à contenir ses larmes. Trop de choses sur ce campus lui évoquaient sa présence. Chaque soir, depuis son retour, elle courait s'enfermer dans le bureau et parlait des heures de leur papa avec MIA, qui se livrait à une surveillance discrète de Georges. Mais les bonnes nouvelles étaient si rares et son souffle de vie était si ténu. Aussi, lorsque son amie avait insisté pour l'inviter, Manon avait fini par accepter à la plus grande satisfaction de MIA, qui souhaitait la voir heureuse. Seulement, le cœur n'y était vraiment pas. Elle avait donc décidé d'abréger cette soirée, malgré les innombrables signes de soutien et de sympathie exprimés à son égard et était retournée chez elle plus tôt que prévu.

    Elle avait particulièrement trainé en route, ne dépassant que rarement les cinquante kilomètres heures, même sur l'autoroute et la voie rapide. Ce comportement lui avait d'ailleurs valu des appels de phares des rares véhicules présents. Mais Manon ne s'en était pas formalisée. Elle avait bien d'autres préoccupations en tête. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à son père. Elle abordait le rond-point près du restaurant Hippopotamus, lorsque son téléphone sonna. C'était au moins la cinquième fois depuis qu'elle avait pris la route. Elle était presque arrivée. Aussi décida-t-elle, cette fois encore, de l'ignorer et poursuivit son chemin. Nouvel appel alors qu'elle tournait rue de la Chimie. Manon pesta contre cette personne qui insistait pour la joindre, si tant est qu'il s'agissait bien d'une seule et même personne, songea-t-elle. Enfin rue de la Piscine, elle serait bientôt rentrée chez elle. Le téléphone se remit à sonner alors qu'elle venait de dépasser le bâtiment de l'IPAG, l'institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble. Le sang de Manon se glaça subitement. Elle venait de réaliser l'épouvantable vérité et les yeux pleins de larmes, elle s'exclama :

    — Papa ! L'hôpital ! Oh non, s'il vous plaît, pas ça...

    Oubliant le clignotant et sans même regarder autour d'elle, elle vira brusquement sur la gauche dans le parking de l'IRAM, l'Institut de Radioastronomie Millimétrique, et stoppa brutalement son véhicule qui cala. Elle fouilla fébrilement dans son sac à la recherche de son smartphone, qu'elle repéra à la lueur de son écran avant que l'appel ne cesse. Elle s'en empara et lut le nom de l'appel entrant qu'elle venait de manquer.

    — MIA ? constata-t-elle, incrédule et à moitié rassurée. Mais le soulagement fut de courte durée lorsqu'elle se rendit à l'évidence. Bien sûr, l'hôpital a appelé directement chez nous et c'est MIA qui a répondu.

    Maintenant qu'elle était à l'arrêt, elle ne pouvait plus attendre et, angoissée, appuya sur le sigle d'appel. Il ne se passa même pas une sonnerie avant que l'on décroche.

    — MIA, qu'est-ce...

    Manon ne put finir sa phrase, coupée par la voix ferme de MIA.

    — ///Manon, ne rentre pas à la maison. Surtout ne rentre pas à la maison. Ils sont là, des agents américains ....

M.I.AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant