Bonus : Prologue Tome 2

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(Bon, ne vous emballez pas, le tome 2 n'est pas écrit. Néanmoins, en repassant sur Wattpad, j'ai pu voir quelques nouveaux commentaires. Et pour remercier tous ceux qui ont suivi ce livre, voici le prologue de ce qui sera peut-être un jour le Tome 2).

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Eugénie Ucatanes bifurqua abruptement dans un couloir, sans fenêtre, sans portes. L'insupportable longueur de ce boyau aurait étranglé un claustrophobe. Prise de sueurs froides, comme fréquemment depuis la rentrée, Eugénie jeta une œillade par-dessus son épaule. Pas un chat. Elle semblait seule au cœur de cette interminable galerie. Confiné entre ces murs, le tintement de ses talons plats provoquait une résonance sourde sur le carrelage. Clac. Clac. Clac, Clac. L'étudiante accéléra soudain la cadence. La résonance devint plus oppressante. Ses doigts bruns enserrèrent la bandoulière de sa serviette. Eugénie jugea sa réaction ridicule, mais voilà, c'était plus fort qu'elle. Dès que ses souliers vernis franchissaient le seuil de cet établissement, une trouille se nichait au fond de son estomac. Au premier signe trouble, cette trouille débordait de ses entrailles et une vague nauséeuse l'asphyxiait. Son univers tournoyait ainsi depuis son admission à la Haute École Lancia, tel un manège effroyable.

Sa marche rapide saccadait sa respiration. Le sport avait beau ne pas être son point fort, Eugénie envisagea un instant de galoper comme une dératée pour fuir les lieux. Elle se retint. Agir de la sorte aurait été inconvenant. Sans compter que, si les mauvaises personnes la surprenaient en pleine crise de panique, ça ne ferait qu'aggraver son cas... tout y étant prétexte. Sa marche accélérée était donc un compromis inintelligible entre la frousse qui la poussait aux fesses et la bienséance qui muselait ses gambettes.

Dire que les cours n'avaient repris que depuis dix jours... Ses résolutions de courage prises durant les vacances avaient lamentablement fondue comme neige au soleil dès que ses souliers avaient réatterries sur ce sol maudit. Pire, depuis lundi dernier, Eugénie avait la sensation d'être pourchassée par un mauvais fantôme. Ça lui collait la chair de poule. Telle une biche, ses globes oculaires dévisageaient frénétiquement l'interminable corridor. Les somptueuses moulures au plafond et le design psychédélique du carrelage la firent suffoquer. Eugénie fut à peine plus rassurée en poussant la sainte porte au bout du couloir menant aux jardins. Ses courtes gambettes se précipitèrent sur les pavés serpentant entre les massifs. L'étudiante se sentit intimidée par le feuillage foncé des arbustes et méprisée par leurs fleurs orgueilleuses. Pour ces pensées encore, Eugénie se jugea idiote. Ce n'était que des plantes, après tout.

Pourtant, contre toute attente, dans ces jardins réputés pour leur beauté paisible, le danger rôdait bel et bien derrière les branchages. Un fauve nocif guettait véritablement la brave Eugénie. Cette traque, que son sixième sens avait inconsciemment détectée, amplifiait son anxiété coutumière. Eugénie n'identifiait néanmoins pas la menace accrochée à ses talons et accusait à tort sa nature fébrile, prompt à déceler un danger dans chaque recoin de cette école. En bonne petite oie éduquée, sa raison l'encourageait à ignorer ses instincts primaires. Son erreur de jugement la conduirait à sa perte.

Eugénie distingua soudain son transport au fond des jardins. Ses poumons abandonnèrent un soupir de soulagement. L'engin l'attendait de pied ferme. Elle se réfugia illico dans le Tube qui la reconduirait vers son foyer. Encore en alerte, Eugénie s'assit prudemment dans l'un des quatre sièges de cuir rouge. Sur cette portion de trajet et à cette heure, le Tube était vide. Lorsque les double-portes coulissantes de l'engin se cloitrèrent, enfin, l'étudiante se sentit sécurité. Personne ne viendrait plus lui causer de mal aujourd'hui... mais tout recommencerait demain. Ce cycle infernal était sans fin.

Ses bras ramenèrent sa serviette sur ses genoux. Ses paumes moites s'essuyèrent sur son uniforme scolaire qu'elle détestait. À force de reproduire ce tic, le velours de sa belle jupe noire était élimé au niveau des cuisses. Profitant des secondes précédant le départ de l'engin, la Haute École Lancia se dressa majestueusement sous son regard au travers de la vitre, engaillardie d'arrogance. Eugénie Ucatanes haïssait cet établissement. Trois années qu'il tissait son malheur ! Chaque journée en son sein la tuait à petit feu. Sa gorge déglutit péniblement. Une boule de tristesse empêchait sa salive de glisser. Des larmes humidifièrent ses grands yeux marrons. L'année scolaire ne faisait que débuter.

Puis, dans une légère secousse, le Tube s'engouffra sous terre pour l'arracher à son cauchemar.

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Destination interdite (Tome 1 - La Tour)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant