La Tour - 2ème jour

230 27 98
                                    

- Allez Léone ! s'encouragea-t-elle à haute voix, en poursuivant l'interminable escalade de la Tour.

Il y avait un peu plus de vingt-quatre heures qu'elle avait franchi la porte de bois et échappé au courroux de la Garde Bleue. Depuis lors, Léone enjambait inlassablement l'escalier en colimaçon. Le caoutchouc fatigué de ses semelles tapait à rythme régulier sur la pierre, avec la précision d'un métronome. Tap, tap. Le son provoquait une légère résonance, berçant son effort d'une percussion hypnotique.

Toutes les zones de son corps étaient moites tant elle transpirait. Ce n'était pas joli à regarder. Dans son dos, une auréole de sueur s'étendait partout où le cuir du sac touchait son tee-shirt. Léone se fichait d'avoir l'air de rien, ou d'avoir l'air sale, mais de façon très pragmatique, elle regretta de perdre autant d'eau tandis que ses gourdes en détenaient si peu dans son bagage.

Malgré tout le climat en ces lieux, ni trop chaud, ni trop froid, était conciliant avec l'effort. Léone fut satisfaite de découvrir un environnement si propice à la grimpette. Sa première nuitée, elle, s'était révélée fraîche. Prostrée en chien de fusil sur une marche, sa peau blanche avait frissonné à chaque fois que l'air s'était infiltré sous son tee-shirt. Ses pieds froids l'avaient tenue éveillée tard le soir, malgré la fatigue physique. Entre la température inconfortable et l'excitation causée par le projet de son ascension, Léone n'avait finalement dormi que quelques heures.

Elle s'était réveillée un peu plus tôt, nébuleuse, et avait repris de monter sans même avaler une tartine.

À présent, la fatigue la rattrapait. Ses jambes devenaient lourdes.

Tap, tap.

Heureusement, le diamètre de la Tour était colossal. Si elle avait dû progresser sur des cercles plus restreints, sa tête brune aurait fini par attraper le tournis.

Tap, tap.

Abrutie par cet exercice répétitif, Léone mit du temps à se rendre compte qu'une lumière inhabituelle se distillait dans les lieux. À sa décharge, les meurtrières perçaient très irrégulièrement le mur circulaire. Certaines étaient si espacées les unes des autres, que l'adolescente marchait parfois quelques minutes dans le noir complet avant de bénéficier d'un nouvel éclairage. L'architecte en chef des lieux semblait avoir disposé ces ouvertures, littéralement, à l'aveuglette.

La luminosité se fit pourtant de plus en plus dense et chaude, de sorte que Léone ne put ignorer le phénomène plus longtemps. Lorsqu'elle appréhenda cette bizarrerie, son corps se stoppa net. « Mortecouille, j'ai appuyé sur un interrupteur ou quoi ? » s'interrogea son cerveau. Sous sa caboche, ses neurones s'activèrent. Voici venue l'aube du deuxième jour de son ascension et Léone sut se situer bien en altitude des « Quartiers Lumières », dont le nom n'avait pas été choisi au hasard. À l'aide du peu de connaissances dont elle disposait sur la question, elle devina.

Son cœur fit un bond dans poitrine !

Ces dernières semaines, ses recherches l'avaient tant obnubilée qu'elle avait complètement omis ce détail. « Pas ce détail... Cette légende, oui ! » se corrigea aussitôt Léone. Dire qu'on citait son nom aux quatre coins des cités et qu'on lui dédiait des chansons. Mais elle, l'obsessionnelle, l'avait oublié. Ce phénomène naturel, que l'on disait remarquable.

Sous le coup d'une excitation nouvelle, sa fatigue s'évapora. Dans un regain d'énergie, Léone enjamba les marches suivantes deux par deux pour atteindre la prochaine meurtrière. C'est alors qu'elle le vit. Lui ! L'Astre dont beaucoup évoquait l'existence, sans jamais l'avoir contemplé de leurs propres yeux.

Destination interdite (Tome 1 - La Tour)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant