1 mois plus tôt - L'Omniscience ***

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Il n'en fallut par moins pour qu'Ania abaisse le crâne et charge tel un taureau le ventre de l'homme derrière eux ! Le type fut propulsé loin en arrière mais dans une pirouette à peine croyable, il retomba sur ses pieds. Puis dans un mouvement parfaitement synchronisé, témoignant d'un entrainement rigoureux, leurs agresseurs se repositionnèrent avec précision autour d'eux, condamnant toute échappatoire.

- Protège Céleste ! ordonna Makoo à Léone en emboîtant aussitôt le pas d'Ania.

Il tenait son long couteau dans la paume droite et les doigts de sa main gauche dissimulaient de fines pointes taillées en fléchettes. On ne s'embarrasse pas d'honneur quand on se contente de survivre. Tout en chargeant à grandes enjambées, Makoo lança en traître une tige de métal. Celle-ci transperça le poignet d'un des Faucheurs, juste à cet endroit où la combinaison se découvrait entre la manche et le gant. Ce détail, l'œil méticuleux du métis eut le temps de le voir ! Sa victime hurla de douleur en ramenant son avant-bras contre lui. Son cri bien réel balaya d'un revers de main le mythe enrobant ces individus. Les Renards furent instantanément rassurés. Si ces salopards n'étaient finalement que des êtres humains... Ils ne les louperaient pas.

Tandis que le blessé beuglait sa souffrance et tentait vainement de retirer la pointe rouillée coincée entre ses tendons, Ania et Makoo attaquèrent les deux Faucheurs restants chacun de leur côté. Léone vit la rouquine jouer de ses solides poings mais son adversaire fut incroyablement vif. Il para habilement ses assauts, ne se laissant pas atteindre. À gauche, à droite, ses phalanges ne heurtèrent que le vide ! La frustration gagna vite Ania. Fulminante de colère, la renarde chargea brutalement et dans un geste aérien, le Faucheur la contourna. Impuissante, Céleste dans les bras, Léone aperçut l'homme sortir de sous son manteau une lame à la blancheur exceptionnelle. Sa bouche s'ouvrit pour héler un avertissement à Ania, mais tout alla trop vite ! La rouquine ne vit rien venir lorsque le métal lui déchira la cuisse dans la longueur. Son sang se déversa dans un jet gras sur le sol et le Faucheur conclut son œuvre en la poussant violemment contre le mur. Un bruit sourd se fit entendre lorsque la tête rousse percuta le béton. Sa grande carcasse tomba inerte dans la poussière. Jamais Léone n'avait vu Ania tomber si vite dans un affrontement...

Décontenancée, sa tête brune s'orienta en direction de Makoo. Léone constata avec horreur que celui-ci gisait également au sol. Le métis lui-même, un des meilleurs combattant qu'elle ait rencontré, était tombé en quelques secondes seulement ! Comment cela s'était-il produit ? Le Faucheur qui l'affrontait tenait en main un drôle de katana et pourtant, le métis couché à ses pieds ne saignait pas. D'où elle se trouvait, Léone n'aperçut aucune entaille béante sur le corps de Makoo... Étrange.

L'air hagard, l'adolescente comprit qu'elle était seule à présent. Un silence assourdissant s'installa.

La respiration douce et chaude de Céleste caressa sa joue. Cette précieuse sensation ne lui était jamais paru aussi éphémère. Léone serra sa cadette fort contre sa poitrine, une dernière fois. Ses lèvres embrassèrent tendrement le front de sa sœur et à contre cœur, ses bras s'allongèrent pour déposer délicatement le petit corps de l'enfant au sol.

Les Faucheurs, muets, la regardèrent accomplir ce qu'ils jaugèrent être son dernier rituel. Confrontée à l'échec cuisant de ses deux mousquetaires, ils s'attendirent à la voir abdiquer, peut-être même supplier leur clémence, si elle avait le courage de ne pas fuir la queue entre les pattes.

Pourtant la fille ténébreuse, qui ne devait pas avoir plus de dix-sept ans, avança de deux pas pour se placer devant l'enfant, la mâchoire crispée, les poings serrés. La colère fit luire ses iris noires. Sur ses fines jambes qui ne cillèrent pas, son être inspirait une détermination troublante. Malgré les circonstances en sa défaveur, la frêle adolescente semblait ne pas vouloir abandonner...

Voilà une extravagance qui ne manqua pas de les étonner.

« Plutôt mourir que d'vous la livrer ».

Ses adversaires décelèrent vite le message dans son regard ébène ; ils se préparèrent donc à une seconde manche.

Le Faucheur blessé au poignet jugea bon de ne pas réinvestir le combat et se plaça en retrait. Les deux autres et la diablesse brune se dévisagèrent un moment. Léone distingua son propre reflet dans leurs visières, puis sentit surgir au fond d'elle, cette rage folle contre le monde qu'elle tentait de camoufler depuis la mort du père de Céleste.

Une envie irrépressible de leur faire du mal la tenaillait. Une fureur incompressible se propagea dans ses entrailles.

De sa ceinture, au niveau de son dos, Léone dégaina une longue et fine dague grise. Une arme qu'elle aiguisait toujours avec soin. Une lame qui avait déjà tuer, comme d'autres dissimulées sur elle. Le raclement de la ferraille contre son étui et son air inquiétant incitèrent les individus à plus de méfiance.

Puis, sans leur concéder davantage de temps pour appréhender sa folie, Léone fondit sur eux.


Destination interdite (Tome 1 - La Tour)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant