Destination interdite (Tome 1 - La Tour)

La Tour - 29ème et dernier jour **

Le cosmos l'avala toute entière. Son corps chuta à plus de deux-cents kilomètres/heure ! Léone fut désorientée. Le haut, le bas, fusionnèrent. Son corps affaibli dénicha en lui des ressources insoupçonnées et l'adrénaline monta en flèche. Son sang pulsa dans ses artères, tandis que ses jambes coururent frénétiquement dans le vide sans adhérer à aucune matière. L'air heurta violemment son visage et rosit son épiderme.

Son ciboulot mit plusieurs secondes à trouver ses repères dans cet espace-temps. Léone y parvint en observant le tronc de la Tour défiler sous ses yeux ahuris. Ce tronc qu'elle s'était acharnée à escalader un mois durant et qu'elle dévalait à toute vitesse ! Léone remit le sommet d'où elle venait de chuter, puis ses pupilles se rivèrent en bas, vers la terre ferme. Sa destination. Celle qui par sa force d'attraction, l'attirait inéluctablement. D'une pirouette mal maîtrisée, l'acrobate stabilisa son corps, la poitrine face à la Terre.

Telle une parachutiste expérimentée, Léone trouvait sa boussole dans sa chute vertigineuse.

Puis, flop, son corps traversa un nuage. Elle vit tout blanc, fut déroutée un court moment, avant de distinguer à nouveau la citée ancestrale s'étendant au pied de la Tour. La vue était, certes, imprenable. À couper le souffle, si tant est que Léone en eut encore ! Ce qu'elle se rapprochait vite de sa destination... Cet endroit où tous les aventuriers s'étaient écrasés, sans exception.

À elle, il ne lui restait plus beaucoup de seconde de vol.

« C'est la fin » réalisèrent toutes les particules de son corps, lorsqu'un rire moqueur effroyable retentit dans les nuages ! La Chose était encore là, quelque part ! Elle l'observait chuter et se gaussait de son sort.

« Tu vas mourir ! » lui hurla la voix.

- NON !! mugit Léone avec toute la rage et la détermination la caractérisant !

La psychose perça dans son cri. La colère aussi. Plus féroce encore que celle de la chose.

« Rage et fureur noire ! » s'extasia subitement la voix comblée.

La chute de Léone se stoppa d'un coup. L'adolescente flottait dans les airs, au-dessus du Bas-Monde, quelque part aux côtés d'une Tour mystique. Son regard sombre s'écarquilla de stupeur.

- Bordel de merde... Y s'passe quoi ? rugit Léone. Tu m'veux quoi, espèce de malade ?!

Un silence. La Chose tarda à lui répondre. Léone se retint de respirer, de peur que le moindre de ses mouvements n'entraîne par maladresse, la reprise de sa chute. Puis les murmures reprirent, louvoyant dans le mistral.

« Le sais-tu ? Le temps que j'ai attendu ? » souffla la voix, empreinte d'une rancune ancienne.

- Quoi ? fit Léone hébétée.

Son cervelet cartésien ne captait plus grand-chose au déroulement des évènements. Aussi Léone attendit candidement que l'Autre s'exprime, en ne bougeant pas d'un pouce. Puis le vent retomba, son souffle devint muet. L'atmosphère environnante parut plus calme. Même les cris d'oiseau, s'étaient tus. Le temps sembla suspendu, lorsque tout bas, dans un chuchotement intime, la Chose glissa au creux de son oreille :

« Veux-tu vivre ? »

Le cœur de Léone bondit. Y avait-il encore de l'espoir ?

- Oui ! répliqua Léone sans hésitation.

Vivre, ça, elle le désirait plus que tout. Pas pour elle, non. Pour Céleste. Elle détiendrait alors une seconde chance de la retrouver.

« Hahahahaaaa ! » rit aux éclats la voix en grondant comme le tonnerre.

Quelqu'un d'autre entendait-il ce rire cauchemardesque dans le Bas-Monde ? Ce puissant écho résonnait si fort dans le ciel, qu'il fit vibrer son cuir chevelu. Ce son semblait renfermer une revanche victorieuse, tirée des enfers.

Subitement son corps s'éleva dans le vide. L'espace, le vent ou la Chose la portait, ou la tirait. Léone ignorait par quel prodige, mais elle reprit de l'altitude et... Sa course s'accéléra ! Son enveloppe corporelle vola sous peu à une vitesse étourdissante ! L'Autre lui fit prendre davantage de hauteur et sous son air ahuri, la Tour s'éloigna. Bientôt, le sommet depuis lequel elle avait été projetée, se réduisit à un ridicule point dans l'espace.

Léone se laissa conduire. Comment combattre un adversaire invisible, en plein cœur du ciel ? Mieux valait ne pas résister plutôt que de s'écraser au sol... Et il fallait bien l'avouer, la téméraire Léone n'avait jamais été en proie à une telle frousse. Il y avait dans les tournures de cette voix, une empreinte qui la terrorisait au plus profond de son âme.

Au-dessus, la masse sombre de la météorite formait une voûte. La renarde contempla comme nul autre, ce mélange de pierre volcanique, par endroit lisse, par endroit piquant. Léone estima que dans son vol, l'Autre lui fit longer le météore sur une dizaine de kilomètres.

Quand, brusquement, sa trajectoire dévia. Son corps ne longeait plus la roche... Il se dirigeait droit dedans !

Léone vit la pierre se rapprocher à grande vitesse. La Chose la propulsait directement contre la météorite. Son gosier cria ! Léone se prépara au choc, se recroquevilla et retint sa respiration.

La collision serait sans doute mortelle.

***

FIN PARTIE 1