15 - Une machination façon Saint-Augustin

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Bonjour à tous ! Me revoilà avec un nouveau chapitre. Celui-ci est un mammouth - je dois le diviser en quatre parties wattpad grassouillettes. Je tente de publier ces parties chaque fin de semaine à venir. Bonne lecture !

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En vue aérienne, tel un lac dont la surface plane n'est ni égratignée par les marées, ni chatouillé par le vent, les quartiers aisés des Plateaux Européens se drapaient d'une quiétude immuable. Les logis, résultat de siècles de réflexion humaine sur le confort, affichait à leurs abords un calme et une sérénité d'apparence incorruptible. En réalité, à l'ombre des arbres-lumières majestueux, derrière les architectures travaillées, les hautes fenêtres design et leurs rideaux soyeux, des hommes et des femmes connaissent parfois des tragédies ignorées par leurs voisins les plus proches.

Dans la demeure raffinée située à l'orée du Parc paysagé, la Dame Neigemett avait essuyé son lot de malheurs. Depuis peu pourtant, dans l'une de ses chambres, elle détenait l'antidote destiné à soigner ses vieux jours. Ce baume magique devait apaiser ses douleurs et lui permettre de parcourir son ultime bout de vie, en paix. L'incident qui s'était produit vingt minutes plus tôt, l'avait contre toute attente conduite à se rassoir sur son canapé. Ce même canapé dans lequel ses malheurs l'avaient tenue assise ces dix dernières années. En ce court instant, ses forces l'avaient abandonnée. Agathe avait glissé au fond du gouffre de manière inattendue.

Mais du renfort arrivait.

Le long d'une avenue toute aussi charmante que les autres, une ombre approchait à grands pas. Non. Il ne s'agissait pas d'une ombre massive et imposante, véhiculant crainte et danger. Notre ombre était plutôt claudicante, précipitée et désordonnée. Sur les pavés propres des allées, Georges De Larivière se pressait du mieux qu'il put. Son manteau avait été enfilé à la hâte. Le haut de son col était encore à moitié retourné vers l'intérieur. Son chapeau tenait de travers. Cela dénotait avec son standing usuel.

- Bon sang ! Ce n'est plus de mon âge ! se plaignit-il.

La cadence l'essoufflait. Il appuya sa paume gauche sur un muret. Presque plié en deux, Georges tentait de rassasier ses poumons vétérans.

- Allez vieille branche, on ne fait pas attendre une Dame en détresse ! s'encouragea-t-il en redressant son buste.

Il n'était plus très loin maintenant. La cime de l'albizia décorant la façade d'Agathe surgit dans son champ de vision. Ses belles chaussures cirées accélérèrent dans la cour jusqu'au porche. Quand la porte de la demeure s'ouvrit et que l'élégante silhouette de son amie se dessina dans l'encadrure, Georges sut tout de suite que son épuisant empressement en avait valu la peine.

- Oh mon ami, vous voilà ! s'exclama-t-elle en enserrant délicatement son bras. Merci. Merci d'être venu si vite. Comme votre présence me réconforte...

Déjà tout ragaillardi, le gentleman bomba le torse en s'appuyant fort sur sa canne pour reconquérir de l'allure. Après l'avoir débarrassé de son manteau et son chapeau, Agathe le tira au salon.

Sur le palier de l'étage, une vile Renarde se tenait accroupie, sa veste usée et son sac sur le dos. Elle tenait à passer par la cuisine pour se fournir en provision, avant de prendre la poudre d'escampette par la fenêtre de la chambre. Seulement, l'irruption de Georges contrecarrait son projet. « Mortecouille, v'la le vieux bouc ! » pesta Léone en entendant sa voix masculine résonner dans l'entrée. Ledit bouc n'avait pas l'air de passage, il prenait place au salon. Voilà qui n'arrangeait pas son affaire. Dans ses bottines trouées, ses orteils se remémorèrent le craquement du parquet vitrifié au bas de l'escalier. « Georges a l'ouïe fine. Si j'vais dans la cuisine, j'suis grillée, grogna intérieurement Léone. Combien d'temps il va rester le mollusque ? »

Destination interdite (Tome 1 - La Tour)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant