Destination interdite (Tome 1 - La Tour)

Trois jours plus tôt - Le porte bonheur

Ania et Léone s'afféraient toutes les deux dans la chambre. Elles profitaient de l'absence du reste de la bande pour descendre du toit et débuter leurs préparatifs, en toute discrétion... Léone avait insisté, les autres Renards ne devaient rien savoir. Ils vouaient tous une loyauté sans faille à leur leadeur, et Makoo n'aurait jamais toléré son départ.

Calé contre un oreiller, le sac à dos se remplissait doucement. Les coéquipières sélectionnaient les objets susceptibles d'être utiles pour l'ascension de la Tour. La chambre qu'Ania partageait avec Makoo n'était pas grande et, entre les deux lits collés aux murs opposés, sévissait un bordel sans nom. Bien que soigneux, Makoo détenait une quantité hallucinante de gadgets en tout genre. Entre les artifices, les bouquins, les armes... Il avait beau ranger, ça ne tenait jamais dans les boites. Ania possédait moins en quantité, mais ça prenait tout autant de place ; il fallait reconnaître qu'elle était sans conteste la reine du souk ! Léone l'observa soulever tel machin pour en ressortir tel autre. Le plus dingue dans tout ça, c'est que la rouquine parvenait à s'y retrouver à peu près, dans son foutoir.

Depuis le commencement de l'opération, Ania avait déjà tenté le lui refourguer des grigris porte bonheur à cinq reprises. Léone dut s'ingénier pour refuser sans la vexer. « Non vraiment, je sais qu'tu l'aimes bien celui-là, j'voudrais pas t'en priver » ; « ce gros caillou en forme d'étoile ? Un peu lourd pour courir... Tu crois pas ? ». Bref.

Tout en s'évertuant à retourner la chambre, Ania cogitait de son mieux sur les biens qu'elle jugeait bon de fourrer dans le sac à dos, mais aussi sur le reste...

- Faut pas croiser Makoo. Dès qu'il me verra, il saura qu'y a un truc qui cloche. Il est pas con, ce gars, hein ?

- Ouais, il est pas con du tout, même, acquiesça Léone.

À vrai dire, Léone craignait la perspicacité de Makoo depuis que la colosse avait démasqué son projet. D'ailleurs, à chaque fois qu'elle y songeait, Léone n'en revenait pas. Comment avait-elle pu deviner ? En premier, qui plus est ? Ania passait son temps à débiter des conneries et à de rares moments, une idée fulgurante la traversait. Comme si le Saint Esprit là-haut, lui accordait de temps à autres cette grâce, en la touchant du bout de son doigt. Ça les avait toujours laissés pantois avec Makoo.

- Heureusement, il est tout l'temps barré en ce moment. C'est parce qu'il cherche des infos pour toi... poursuivit Ania.

Ça, Léone le savait également. Mais l'entendre de sa bouche la fit tout de même culpabiliser. Makoo se démenait pour retrouver Céleste. La jolie brune sut tout de suite où Ania voulut en venir, avec ses gros sabots :

- Tu devrais attendre encore un peu, Léone. Tu verras, j'suis sûre que Makoo va trouver un truc. T'sais bien qu'il connait plein de chose sur tout.

- Tu sais comme moi que ce coup-ci, il trouvera rien de rien... lui répéta Léone pour la énième fois.

- Comment tu peux en être sûre ? s'agaça Ania en serrant les poings. (Ce qu'elle n'aimait pas être contredite !)

- Parce que la Favorite du Warrigal a aussi attendu, pendant que son Lieutenant enquêtait... La Tour, ce devait être leur dernière option. Mais tu vois, il a quand même fini par y envoyer ses sous-fifres. Ça veut dire que le Lieutenant lui-même a rien trouvé... Ou alors, que ce qu'il a trouvé, l'a conduit directement à la Tour.

Plus tôt, Léone lui avait rapporté les confidences espionnées sur la place du marché entre la concubine et l'homme de main du Lieutenant. La rouquine détenait toutes les cartes en main pour comprendre son raisonnement, maintenant.