1 mois plus tôt - L'Omniscience **

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Les sœurs lui emboîtèrent joyeusement le pas et ils rejoignirent Ania devant l'échoppe. En les voyant arriver, celle-ci abandonna ses attitudes de chien de garde pour renouer avec le sourire simple qui la caractérisait.

- Alors ? Bonnes emplettes ? s'enquit la rouquine.

- Trois pots de fruits ! Trois, nan mais le bol ! s'extasia Céleste aux anges.

- Et c'est pas tout. La surprise du chef... Du nougat, compléta Makoo en brandissant le cube sous le nez.

Ania adopta aussitôt une attitude de cochon truffier et renifla le plastique avec curiosité. L'arôme amendé de l'objet de non identifié hypnotisa vite son estomac. S'il existait bien un levier permettant d'apprivoiser la colosse, c'était la gourmandise.

- Pffff, y a rien d'meilleur que les fruits aux sirops ! prétendit Céleste. Hein, Léon ?

- Ben j'sais pas. Jamais entendu parler du nougat...

Makoo sourit tendrement à la jolie brune puis déchira le plastique enrobant la friandise. À l'aide de sa lame, il la découpa en trois modestes bouts, pour chacune d'entre elles. Ses renardes d'abord, lui après, comme toujours.

- J'connais d'jà, assura-t-il à Léone qui hésita à manger sans qu'il puisse en avaler une miette.

Ania n'eut pas tant de scrupules.

- Mortecouille ! La vache, c'est bon ! s'emballa la rouquine.

Tel un bœuf, elle rumina son morceau pendant de longues secondes pour conserver le goût sur ses papilles. Les étincelles de plaisir qui illuminèrent les yeux de Léone, contentèrent amplement le métis. Quant à Céleste, les bons qu'elle fit sur place la bouche pleine suffirent à faire comprendre que les fruits au sirop venaient de céder la première place du podium.

- Ça alors ! Quand j'vais raconter ça à P'tit Brice ! Du nougat ! s'exclama Céleste en riant aux éclats sur le chemin du retour.

Ils marchaient tous les quatre en direction du Terrier. Pas le même chemin qu'à l'aller bien-sûr, juste au cas où.

- Tu lui en as gardé un bout, constata Makoo.

Un regard complice sauta des prunelles du métis à celles de Léone. Les deux enfants étaient comme chien et chat, mais par moment, ils se montraient très affectueux l'un envers l'autre.

- Ouais. Mais pas sûr que j'me retienne de le manger avant d'arriver au Terrier, rétorqua la malicieuse Céleste... Avant de s'écrouler sur le sol, comme une poupée de chiffon.

- Céleste ! s'écria Léone en se jetant sur elle.

Sur ses deux jambes, Ania resta hébétée, ne comprenant pas ce qui se passait. Makoo lui, fut déjà aux aguets, la main sur le manche de son arme, ses yeux cherchant la menace dans le décor.

- Ben, qu'est-ce qu'elle a ? s'enquit Ania prise au dépourvu.

Léone aurait bien aimé pourvoir lui répondre ! La poitrine de l'enfant se soulevait. Céleste respirait. Son pouls était lent.

- Elle dort, nota l'adolescente ténébreuse en examinant avec soin sa petite sœur.

- Genre, bim, c'est l'heure de s'coucher ? Nan mais ces sœurs sont tarées !

Léone ne prêta pas attention à la remarque d'Ania et s'empressa d'examiner méticuleusement sa cadette. Était-ce un effet secondaire du Don ? Après tout, à l'instant, Céleste venait de s'écrouler comme après ses colères noires. Avec grand soin Léone lui retira sa petite capuche et défit son écharpe. Un trou minuscule, mais décelable à l'œil, perforait le tissu... Puis, tandis que Léone glissa sa main pale dans les cheveux bruns de l'enfant, son corps se tétanisa.

- Merde, on n'est pas seul. Un connard lui a injecter c'truc ! enragea-t-elle en découvrant un bout de plastique enfoncé dans le cou de Céleste.

Léone arracha la minuscule fléchette de la peau de l'enfant ; un bout de plastique doté d'un dard en métal.

- J'vois rien, glissa Makoo contrarié.

Il n'avait pourtant pas cessé de scruter les environs ! Quelqu'un avait-il pu réellement leur tirer dessus ? Ou ce produit avait-il été injecté à la gosse, tandis qu'elle trottinait dans la boutique ?

- Tous au Terrier, ordonna-t-il la mâchoire crispée.

Léone souleva précipitamment sa sœur dans ses bras et se prépara à décamper, quand son ouïe perçut un craquement de gravillons sous des bottes... Trois paires de bottes, pour être exact, qui se déplaçaient à une vitesse peu commune. Léone n'eut pas le temps d'avertir ses mousquetaires que déjà, trois individus les encerclèrent ! Deux devant, un derrière. Ils leur avaient tendu une embuscade avec tant de facilité... Comment avaient-ils pu savoir que les Renards emprunterait ce chemin ? Comment imaginer qu'ils aient pu obtenir une telle information ?

Léone pressa Céleste fort contre sa poitrine. Autour d'eux, les types portaient de longs manteaux encadrant des combinaisons foncées au tissu luisant. Des vêtements comme Léone n'en avait jamais vu. Des casques et visières noirs recouvraient leurs visages. Ils étaient armés jusqu'aux dents et détenaient quelques gadgets inconnus des Renards. Ces hommes correspondaient en tous points à la description qu'il leur en avait été faite. Aussi ils les reconnurent immédiatement :

- Les Faucheurs... souffla Léone.

Destination interdite (Tome 1 - La Tour)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant