𝐁𝐎𝐍𝐓𝐄𝐍

𝙲 𝚑 𝚊 𝚙 𝚒 𝚝 𝚛 𝚎⠀ 𝟽 𝟽

La vue complément floue, je cille plusieurs fois afin d'y voir plus clair lorsque j'ouvre enfin les yeux après un laps de temps totalement indéfini.

La première chose que je vois est un plafond blanc.

La première chose que je sens est l'odeur du désinfectant.

La première chose que j'entends est un léger acouphène, tel un grésillement, dans mes oreilles.

Les premières choses que je ressens sont les très nombreuses entailles que j'ai sur mon corps qui semble meurtri.

Et l'arrière goût de sang que j'ai en bouche me le confirme.

Une série d'images du moment qui aurait pu nous être fatidique défile dans ma tête. Je suppose que, si je suis encore en vie, c'est uniquement grâce à l'intervention de Takeomi, juste à temps, et à celle de Ran. Au moment où je l'ai poussé vers l'arrière pour qu'il s'éloigne le plus possible de la voiture piégée, il a directement comprit que quelque chose n'allait pas. Il m'a donc tiré vers lui et m'a prit dans ses bras lorsque la bombe a explosé dans une grosse détonation.

Et après, c'est le trou noir.

Mon rythme cardiaque s'accélère lorsque l'idée qu'il soit arrivé quelque chose de grave à Ran s'insinue dans mon crâne.

Il me faut une réponse.

Et vite...

Je me redresse difficilement, tout en grinçant de douleur, et je fronce les sourcils en voyant qu'une perfusion est accrochée à ma main. Je regarde autour de moi et je constate de suite que je ne suis pas dans ma chambre mais dans une pièce qui a visiblement l'air stérile. Et je vois également une tête blanche endormie vers le bas de mon lit.

Manjiro.

En m'entendant bouger, il lève juste sa tête dans mon sens, les yeux à moitié clos et les cernes violacées. Par automatisme de ma part en le voyant aussi fatigué, je lui souris tendrement pour le rassurer.

Il ouvre subitement ses prunelles en s'apercevant que je suis bien réveillée et une lueur rempli de joie les illumine en constatant que je suis saine et sauve. Sans dire un seul mot, il se lève complètement de la chaise qu'il occupe depuis un moment et me prend dans ses bras dans un geste délicat pour ne pas me faire mal.

— Tu nous a fait peur, tu sais, dit-il dans un chuchotement à peine audible.

Je lui rends son étreinte et enfuie ma tête dans son cou. Sa bonne odeur camoufle celle de l'air ambiante et sa chaleur corporelle me réchauffe instantanément.

— Ran va bien ?

Les seuls premiers mots dont je suis capable de prononcer. Et tant que je n'aurai pas de réponse à cette question qui me hante, je sais que je n'arriverai pas à calmer les battements de mon cœur qui en deviennent lancinants.

— Oui, il va bien, il répond en s'éloignant de moi. Quelques blessures, tout comme toi, mais le pire a été évité, il complète avec une certaine retenue.

« Ça aurait pu être évité tout court. »

La phrase qu'il a, à coup sûr, pensé mais qu'il n'a pas dit à voix haute.

— Tu vas bientôt pouvoir le constater par toi-même.

Il se réinstalle sur la chaise sans me quitter du regard. Et je respire un bon coup en sentant mon corps se détendre grâce à cette bonne nouvelle.

Nous avons tous deux échapper à la mort et c'est tout ce qui compte.

— Comment Takeomi savait pour la bombe ? J'arque un sourcil.