Chapitre 45 : Des Nouvelles d'Europe Centrale

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Autant les leçons d'Occlumencie l'année précédente, dans ce même cachot, étaient houleuses et éprouvantes, autant les séances de Narcomancie dans le laboratoire du professeur Rogue étaient calmes et silencieuses. Le professeur, déjà avare de paroles, s'en tenait aux expressions les plus élémentaires de conseils et recommandations depuis la remontée dans les toilettes de Mimi Geignarde. Moins impénétrable que pendant les cours, son regard restait cependant indifférent et froid. Harry avait immédiatement senti qu'il serait malvenu de parler de ce qui s'était passé dans la salle souterraine. Il préférait d'ailleurs que le professeur ignorât qu'ils avaient entendu les paroles de Pettigrow au sujet de Bellatrix Lestrange... Ou du moins, il préférait faire comme si Rogue ignorait que ses élèves avaient pu entendre quoi que ce fût.

Le rituel était chaque fois le même. Harry entrait dans le cachot ; Rogue lui désignait la porte du laboratoire, parfois même sans lever la tête de ses notes ou copies ; il s'installait sur la couchette inconfortable, le dos appuyé au mur froid ; il ôtait ses lunettes et les posait à côté de lui. Tout alors devenait flou autour de lui dans la pénombre. Les alambics et les cornues devenaient des ombres fantasmagoriques, et l'odeur de la pièce lui ôtait la sensation d'être dans un monde réel. Il laissait alors son esprit s'évader. À peine entendait-il le professeur entrer dans la pièce pour surveiller son élève. La première fois, il ne l'avait pas laissé longtemps plonger dans la transe. Il lui avait presque aussitôt mis sous le nez un flacon d'ammoniaque et Harry avait cru suffoquer en revenant à lui.

- Vous vous croyez malin, Potter ! l'avait tancé Rogue sans attendre qu'il reprît ses esprits. Vous vouliez me montrer combien il vous était facile de descendre le chemin des morts ? Combien vous étiez doué pour ces jeux de l'esprit ? Mais il ne s'agit pas d'un jeu, Potter ! Il ne suffit pas de fermer les yeux et de laisser vagabonder sa conscience ! Avez-vous oublié tout ce que je vous ai appris ? Recommencez ! Et gardez votre esprit fermé !

Ce fut là le plus long des discours qu'il lui fit et Harry n'eut pas envie qu'il lui en fit d'autre. Son ton glacial lui martelait le cœur et l'âme, à moins que ce ne fussent les battements de son cœur qui reprenait à peine la mesure de sa respiration.

Ce que Harry trouvait le plus difficile dans la Narcomancie, c'était de calmer son impatience. Il lui fallait pourtant vider son esprit de tout ce qui le tracassait, ralentir le rythme de son cœur et laisser cette partie de lui qui n'était pas lui faire le reste. Il était alors toujours dans la pièce, mais hors de son corps. Il se voyait, inerte, à la merci de Rogue qui surveillait son pouls et soulevait parfois ses paupières, avec une attention toute médicale. Il devait chasser cette impression désagréable d'être un objet d'expérimentation, au même titre que ses recherches sur les potions. Il devait garder son esprit fermé aux tentatives du professeur pour le repérer. Il l'observait tandis qu'il promenait son regard aigu dans la pièce, les sens en éveil, tendu et concentré. Il avait beau savoir qu'il ne pouvait le voir, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il sentirait sa peur de se faire remarquer, comme s'il était sous une cape d'invisibilité qu'il n'aurait qu'à soulever pour le découvrir.

Les séances de Narcomancie épuisaient Harry. Quand il sortait du cachot de Rogue, il montait aussitôt, tout en vérifiant qu'il n'était pas suivi, vers la Salle sur Demande qu'Hermione avait transformée en laboratoire. L'ambiance toutefois y était tout à fait différente que dans celui de Rogue. Autant celui du Maître de Potions était sombre, autant celui de son amie était clair. Autant les fioles et les cornues se côtoyaient dans le désordre actif d'un atelier sans cesse en effervescence chez le professeur ; autant tout était net, rangé, malgré le climat d'activité qui régnait toujours lorsqu'il montait retrouver Hermione. Une place pour chaque chose, et chaque chose à sa place, avait l'habitude de répéter sa maniaque de tante Pétunia. Il semblait qu'Hermione avait fait sienne cette devise. C'était sans doute pour cette raison que Ron n'aimait guère passer dans la salle plus de temps que nécessaire, songea Harry en entrant dans le laboratoire après sa séance avec Rogue. La jeune fille le houspillait tandis que le jeune Weasley étalait ses livres sur la table.

Les Secrets d'HermioneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant