Chapitre 1: un réveil royal

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On frappa trois fois à la porte. Trois coups, timides et hésitants qui se voulaient pourtant forts et puissants. Trois légers petits coups. Trois coups qui ne demandaient qu'à se faire entendre. Mais rien ni faisait. Ils eurent beau se répéter, il ne broncha pas. Sa respiration ne s'accéléra pas. Ses mains ne tremblèrent pas. Rien. Pas un mouvement. Toujours profondément enfoui sous les couvertures, la tête enfoncée dans l'oreiller et un filet de bave coulant le long de sa joue, le prince Edouard ne prêtait aucunement attention aux coups désespérés que donnait son intendant contre sa porte. Le calme envoûtant de ses rêves était bien trop séduisant pour vouloir le quitter. Surtout si cela était pour rejoindre la froideur et l'énervement de ce château glacial.

C'est alors que les coups s'arrêtèrent. Soudainement. Brutalement. Un silence envahit l'espace. Mais il ne dura pas. Non, cela aurait été trop beau. Au lieu de cela, un brouhaha s'éleva puis un autre coup, bien plus fort et plus violent que les précédents, se fit subitement entendre. Enfin, un coup, un séisme plutôt. Une véritable explosion sonore qui, dans un sursaut de frayeur, arracha le prince à ses rêves. La grande porte de bois claqua violement contre le mur de pierre et une tornade surgit dans ma pièce.

- Vous comptiez poireauter devant cette porte encore longtemps bougres d'imbéciles ?!! tonna une voix.

Les cheveux en bataille et les yeux éblouis par la brusque lumière du jour, le prince s'était péniblement redressé au milieu des couvertures. D'un air ahuri, il passa une main sur son visage, cherchant à deviner derrière toutes ces affolantes taches de couleur d'où venait cette voix si désagréable. Mince à la fin, le réveil en douceur du prince, cela vous parle dans ce fichu royaume ?!

- Bande d'incapables, si vous ne savez même pas réveiller cet empoté inutile, à quoi me servez-vous ?!

Deux larges mains lui attrapèrent les épaules et l'éjectèrent avec force hors de son lit. En l'espace d'une demie fraction de seconde, le prince se retrouva parterre, la tête collée au sol, les deux jambes en l'air. Une position décidément très peu honorable pour un prince. Il poussa un grognement plaintif. Cela faisait mal bon sang ! Il n'était psychologiquement, et physiquement aussi avouons-le, pas prêt pour un tel exercice !

- Et toi ! rugit la voix. Toi !...

La frustration dépeinte dans la voix laissa alors place à une lassitude agacée.

- Toi, je n'ai décidément rien à te dire... lâcha-t-elle d'un ton épuisé. Habille-toi et essaye de servir à quelque chose, rien qu'aujourd'hui...

Avec difficulté, le cerveau toujours embrouillé par la fatigue, le prince essaya de se redresser en prenant appui sur ses membres endoloris et encore endormis. Il eut tout juste le temps d'apercevoir son père quitter la chambre de sa démarche austère avant de s'effondrer sur le sol. Son crâne cogna les lattes de bois dans un bruit sourd. Un soupir s'échappa de ses lèvres. Servir à quelque chose... Il ne demandait que cela... !

Une ribambelle de têtes se pencha aussitôt au-dessus lui. Des bras le saisirent et le soulevèrent pour le conduire jusque devant une grande bassine d'eau chaude que l'on avait déposé dans sa chambre. Un nuage de vapeur s'en échappait, emplissant la pièce d'un léger brouillard. Le prince ne bronchait pas. Il se laissait faire. Comme toujours. Il ne savait faire que cela, se laisser faire, suivre le rythme, subir. Subir son père.

Pourtant, il avait essayé. Il avait tenté de le satisfaire, de le rendre fier, qu'il soit heureux de l'avoir comme fils. Mais c'était une tentative vaine. Son père ne l'aimait pas, et ne l'aimerait sûrement jamais. Il avait fini par le comprendre. Mais malgré tout, il n'avait pas perdu espoir. Il espérait encore. Au fond de lui-même, il voulait encore y croire. Il voulait être utile. Juste une fois. Et il avait enfin trouvé comment.

Un prince presque charmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant