Chapitre 37 : Le cri d'un prince

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Claquements de bottes assurés. Le couloir était vide. Silencieux. Seul ce bruit, régulier et décidé, venait souiller la tranquillité placide du château. Édouard, le visage fermé, le fourreau de son épée battant avec une frénésie ferme le haut de sa cuisse, progressait rapidement dans le corridor. Ses pupilles fixaient obstinément le vide qui s'étirait devant lui. Étalé sur son visage, son masque ne laissait transparaitre aucune émotion. Ce n'était plus celui inexpressif et triste qu'il portait d'ordinaire, non, ce masque-ci était tout autre. Il empestait la détermination. Un soupçon d'assurance qui détonnait étrangement sur son visage princier. Le jeune noble tourna à droite. Il pénétrait dans l'aile Est du palais. Les appartements privés du roi.

Adrien était parti. Guettant les allées et venues des domestiques, Édouard l'avait aidé à atteindre les jardins. Personne n'avait posé de question. Monsieur Jean le gronderait peut-être. Maria et Krista l'inonderaient sûrement de torrents de craintes et d'inquiétudes. Il n'en savait rien. Tout ce qui comptait était qu'il s'en soit retourné chez lui, sain et sauf, souriant. Tout ce qui importait était qu'il ne l'ai pas perdu. Ni lui, ni son regard, son humour ou son sourire. Adrien était toujours là, à ses côtés. Il l'avait aidé. Il l'avait soutenu, encouragé. Et maintenant, le prince égaré qu'il était s'apprêtait à faire la chose la plus dingue de toute son existence. Son cœur redoubla de vitesse dans sa poitrine. Il arrivait.

Face à lui se tenait l'immense porte de bois qui scellait l'accès au bureau royal. Deux énormes planches gravée, constellées d'or et de métal. Si sombres dans ce paysage affolant de blancheur. Un garde se tenait aux côtés de la porte. Casque enfoncé sur la tête, lance à la main, blason sur l'épaule. Une moustache brune et foisonnante surplombait le rebondit gercé de ses lèvres.

Toisant un instant cette statue en armure, Édouard porta de nouveau son attention vers la porte. Vue de près, elle semblait plus impressionnante encore. Inspirant une dernière fois pour éveiller les affres de son courage, le jeune prince fit un pas en avant et posa sa main sur la poignée. Encore effort. Un dernier effort.

- Je ne pense pas que le roi soit très enclin à vous recevoir maintenant votre Altesse.

Le prince sursauta à l'intonation soudaine de cette voix. Tournant la tête, son regard se posa sur la figure camouflée du garde qui venait de lui parler. Toujours immobile, ce dernier gardait ses pupilles braquées en direction du mur. Le cœur du noble se pressa avant de battre de plus belle. Non mais pour qui se prenait ce soldat de malheur ? D'ailleurs pour qui se prenaient-ils tous à le regarder de haut ?! Soldats, domestiques, femmes de chambres, bibliothécaires, commerçants... Tous ! N'était-il pas un prince à la fin ?! Un prince non de non ! Pleutre et maladroit certes, mais cela n'enlevait rien au prestige de son nom. Toisant de son regard sombre et irascible la silhouette exécrable du personnage casqué, Édouard détourna la tête avant d'appuyer franchement sur la poignée et d'ouvrir grand la porte. Il commençait à en avoir plus qu'assez de tout ce cirque !

« ... troupeaux se meurent ? Ah ben tiens, ça me fait un sacrée belle paire de jambes que vous me l'appreniez ! Rappelez-moi, Monsieur De Laboye, quel est votre rôle dans ce foutu château déjà ? »

La bourrasque vint s'écraser de plein fouet sur son visage. Violente, brutale. Édouard se senti brusquement frémir. Son père était là, immense, rouge de colère, sombre de fatigue. Debout en plein milieux de la pièce, il agitait furieusement les mains en l'air, déversant sur un pauvre homme en habit bleu les torrents insolents de sa fureur.

- Euh, bafouilla fébrilement la malheureuse victime du monarque, eh bien Ministre de l'agriculture et de...

- Exactement, le coupa sèchement le roi. Maintenant expliquez-moi à quoi vous pouvez bien me servir si vous n'êtes même pas capable de prendre de votre chef des décisions efficaces en temps de crise ? Vous pensez sincèrement que je n'ai que cela à faire que de m'occuper de la santé des vaches de ce royaume ?! Avez-vous déjà entendu parler du mot « guerre » Monsieur De Laboye ?!!

Un prince presque charmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant