Le ciel s'était paré de son manteau bleu et immaculé. Un manteau aux reflets azurs et parsemé de coton. Un manteau divin et pur, illuminé par l'éclat superbe d'un astre scintillant. Il faisait beau sur le royaume de Troye. En cette douce fin d'après-midi printanière, les branches des arbres ondulaient gracieusement dans le vent. Des parfums de fleurs écloses et d'herbes trop humides venaient bercer les gazouillements joyeux des oiseaux dans les feuillages. Les majestueuses bâtisses de pierre commençaient peu à peu à étendre leurs ombres ancestrales sur les sol frais et fertiles.Les mains croisées derrière son dos, la tête levée vers la cime verdoyante des arbres, le prince Edouard déambulait distraitement dans les allées des vastes jardins royaux. Le visage offert au souffle tranquille des cieux, il avait laissé son regard se perdre dans le charme envoutant des pétales de cerisiers. Leur danse hypnotisante, accompagnée du bruissement imperceptible des ramures, transportait le jeune noble au-delà des limites terrestres de cet univers. Les pupilles confondues dans ce spectacle de couleurs pâles, il s'était enfui dans un monde où ne régnait plus que douceur et sérénité. Dans un monde où une tâche était une note, où un pigment était une harmonie et où les nuances se faisaient mélodies. Ce n'était plus l'effervescence angoissante d'un palais, mais un désert rassurant de musique. Une oasis de symphonies enveloppantes. Une source réconfortante de concertos apaisants.
Dans un froissement de feuilles agité, une bourrasque de vent vint brusquement soulever les branches des nobles êtres. Une nuée de pétales roses s'envola vers la voute céleste. Emerveillé par cet élan superbe de la nature, Edouard fit pivoter son regard pour suivre l'assomption sublime de ces tâches de couleur vers le néant bleu des cieux. Elles étaient parties. Elles s'étaient enfuies, quittant sans un regard en arrière ce monde qui le clouait au sol. Elles avaient pu se défaire de leur socle de bois pour s'échapper vers la conquête d'un nouvel univers.
Le jeune prince plissa les yeux avec peine. Il enviait d'un désir pathétique la liberté innocente de ces fleurs au couleur de l'amour. Il jalousait leur naïveté illusoire et leur désinvolture naturelle. Il aurait aimé, lui aussi, se laisser emporter par le vent pour s'enfuir loin d'ici. Quitter ce monde qui l'oppressait, à la découverte d'un destin moins triste. Un destin où il aurait pu, lui aussi, être heureux. Un destin où son bonheur ne serait pas un crime. Mais il ne pouvait pas. Ses pieds restaient désespérément collés au sol, sa tête éternellement affublée d'une couronne trop lourde. Il était le seul et unique prince de Troye, héritier du trône et risée d'une cour étouffante. Le rêve et la liberté n'était pas de mise dans ce royaume.
Quittant à regret la beauté céleste du ciel, ses yeux s'abaissèrent sur le sol. Tête déchue, épaules voutées, il continuait à avancer. Ses pas s'étaient fait moins gais, moins innocents. La semelle royale de ses bottes frottait avec rancœur les graviers trop propres de l'allée. Il retint un soupir désabusé. Le ciel s'était brusquement teinté d'un voile d'obscurité morose.
Pour dire vrai, il s'ennuyait. Certes ce n'était pas un fait extraordinaire dans sa vie de prince solitaire, mais cette dernière semaine l'avait habituée à un soupçon de bonheur inhabituel qui commençait cruellement à lui manquer. Les heures passées avec Éléonore dans la bibliothèque avaient fini par devenir un petit rituel auquel il s'était tristement attaché. Il aimait cette proximité nouvelle avec la princesse. Il aimait se sentir vivant à ses côtés. Respirer, rire et parler. Tant de choses qu'il s'était cru interdit. Tant de choses qu'il avait adoré découvrir. Tant de choses qui venaient désormais tordre douloureusement son cœur blessé.
La princesse se reposait. La chaleur de la journée et les heures passées à étudier l'avaient épuisée. Elle était fatiguée. Du moins c'est ce qu'elle lui avait appris après le repas glacial de ce midi, en compagnie d'Harry. Ils avaient joué quelques morceaux au clavecin puis elle s'était retirée. Le visage pâle et la voix légèrement vacillante. Laissant le jeune homme seul face à un brusque et angoissant silence.
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Un prince presque charmant
RomanceÉdouard est le prince du royaume de Troye. Un prince tout ce qu'il y a de plus banal. Beau, riche, pourri gâté... bref, banal. Enfin, a quelques détails près... car son père le déteste et son royaume court à sa perte. Mais tout va bien. Oui tout va...